Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10

“L’attitude pornographique est fondée sur le postulat que les amants ignorent la lassitude et que la psychologie n’existe pas.” John Atkins

Je balaie large ce soir mais il est vrai que le groupe proposé en chronique s’occupe d’une imagerie un peu olé olé dirons-nous. Et encore, j’exagère à grand renfort de traits épais. Mais simplement, une petite aparté pour parler de ce phénomène que l’on retrouve pas mal dans les albums d’hier et d’aujourd’hui. Non pas que je sois un féru du genre, mais la pornographie se voit dans beaucoup de pochettes et certains groupes n’hésitent pas à sampler des passages de films pornographiques pour leurs musiques. J’ai en tête le morceau de Rob Zombie More Human than Human par exemple, qui mélange un peu de tout et prend aussi de la pornographie. Ou certains groupes anticléricaux qui vont jusque-là pour leurs iconographies, ou Belphegor et son Sex Diktator Lucifer, etc. Enfin, voilà un sujet musical fort étrange, même si je comprends le côté luxure, provocateur et tout ce qui va avec. Simplement, je ne suis pas branché pornographie dans le sens où il dégage une sorte de bestialité à laquelle je ne me reconnais pas. Ce n’est pas mon truc du tout. Mais je me dis qu’il y a différentes manières d’aborder la question, aussi vais-je m’en rendre compte avec d’autres groupes. Celui du soir n’est pas complètement dedans, mais cultive une forme de provocation assez surprenante dans le genre musical qui nous incombe. Je vous présente donc l’album « A Gash With Sharp Teeth And Other Tales » du groupe Loose Sutures.

Loose Sutures est un drôle de nom derrière lequel se cache en vérité un groupe qui viendrait d’Italie. L’information est à mettre au conditionnel puisque rien ne filtre dans les informations sporadiques qu’on nous a données. Après quelques petites recherches sur Internet, je n’ai rien trouvé de probant si ce n’est le mot « Sardaigne ». On sait toutefois que la formation est très jeune, puisque le groupe a été fondé en 2019. Le Bandcamp affiche à ce jour un single et deux albums, un éponyme sorti en 2020 et un produit chez Electric Valley Records qui n’est autre que celui-ci. « A Gash With Sharp Teeth And Other Tales » est donc le dernier né du groupe de jeunes italiens, qui cultive une imagerie très psychédélique dans les photos de promotion. J’avoue que j’ai trouvé l’univers un poil trop kitsch, et limite un peu ridicule parfois, mais ce n’est que mon opinion. Rien ne m’empêchera d’entrer pleinement dans la démarche analytique de ce deuxième album. C’est parti!

Je ne vous apprendrais rien si vous aimez le genre musical présent ici, que ce type d’artwork est légion. Avec une typographie très vintage, des couleurs noires et douces sur des tons rosés. On reconnaît tout de suite un format vinyle d’ailleurs! On vit bien le genre de sortie que cela est. Avec cette charmante jeune femme en tenue attrayante mais provocante, dans une position lascive, qui semble vouloir nous empoisonner de ses charmes, on a ce fameux décor planté dont je parlais en introduction avec un côté sainte-ni-touche qui ne me ressemble guère. Après, ce que je n’explique pas forcément c’est la présence de ce serpent en mode « clipart » blanc, posé en bas à droite. Je ne vois pas tellement le lien avec « A Gash With Sharp Teeth And Other Tales« . J’aime beaucoup en revanche le petit texte qui semble résumer l’intention du groupe Loose Sutures, avec la notion de pêché et de luxure. A ne pas oublier l’indication « interdit aux moins de dix-huit ans » en haut (Mini Metalfreak, pas regarder!). Une imagerie plutôt sympathique en tout cas, pour le plaisir des yeux mais aussi pour le côté très vintage qui me ravit pour un jeune groupe. J’aime beaucoup ces travaux de pochette, qui transpirent l’ancien et le vinyle. J’espère que la musique sera du même moule, mais je pense que c’est bien parti si je fais un lien proche. Quoiqu’il en soit c’est une belle entrée en matière que nous propose le trio de Loose Sutures.

Pour la musique, l’ensemble est largement identifiable et rapidement en plus de cela. Autant le visuel apporte une certaine originalité, autant pour la musique c’est du très très conventionnel. Au départ, je partais de l’hypothèse d’un stoner rock tout simple, avec ce côté viril mais pas trop, qui fait la frontière entre le rock et le metal. Le son typiquement rond du stoner, doublé d’une basse omniprésente voire même mélodique, avec cette batteuse qui tambourine sur ses futs comme une brute épaisse, on avait tous les ingrédients pour un bon stoner rock. Et puis, l’imagerie générale du groupe m’a forcé de constater qu’il y avait aussi une dimension psychédélique très forte, même si elle ne crève que l’écran et non les enceintes. Il manque des effets guitares et des passages plus planants pour avoir une réelle identité psychédélique à la musique sur « A Gash With Sharp Teeth And Other Tales » et c’est en cela que j’ai eu du mal à faire le lien entre l’image que renvoient le groupe italien et sa musique. J’aurais vu des sujets un peu plus babass, genre pachydermiques que réellement sexuels par exemple. Après, outre ce défaut paralogique, il y a une franche énergie dans la musique de Loose Sutures, avec ce soupçon de retenue qui me plait au final très bien! Cette recherche de subtilité dans ce tourbillon un peu viril me force à penser que le groupe bouscule un peu les frontières, les fait vibrer comme un tremblement de terre et les codes se voyant bousculés, on n’en ressort pas indemne. C’est donc sur une première écoute un peu abracadabrantesque que je conclue ce premier paragraphe avec quelques étoiles dans les oreilles mais aussi un peu de réticence, il faut bien le dire.

La production est juste impeccable. Il n’y a rien à contester du tout, le son est extrêmement arrondi de partout avec cet effet boueux et grassouillet qui incombe directement au genre stoner en général. Pas de place à la finesse dans l’aspect général et sonore, même si l’on devine que le groupe cultive une image beaucoup moins costaude qu’il n’y parait. En tout cas, si l’on reste dans l’idée assumée par Loose Sutures d’un rock stoner, le son est quasiment parfait. La batterie tape sec et amène un peu de rondeur, la basse est juste sublime dans le fond sonore, un vrai régal auditif avec cette importance qui est capitale. Les guitares, ou la guitare, sont là encore bien utilisées et dotées d’une sonorisation aux petits oignons. Le chant est un peu lointain mais ce qu’il faut pour ne pas être choquant. Bref! Une production typique et classique d’un genre rock stoner qui plait encore et qui continue son bonhomme de chemin. En cela, rien de nouveau, juste de la perpétuation quasiment parfaite dans ce son d’album. « A Gash With Sharp Teeth And Other Tales » est presque un modèle du genre, pour un jeune groupe c’est étonnamment du tout cuit!

Pour la composition je ne vois pas tellement ce que je pourrai rajouter. En vérité, la musique stoner souffre d’un manque de renouveau qui peut rebuter. En ce qui me concerne ce n’est pas le cas du tout, mais je suis en peine pour donner un avis objectif sur une musique que j’entends souvent de manière identique. Loose Sutures se voulait original avec cette imagerie cochonne, mais la musique sonne comme les autres. Constat que je ne trouve personnellement pas dur, juste normal, dans le sens où les riffs sont très rock et que le rock est universel, intemporel et infini. En soi, il n’est donc pas étonnant de faire le constat que « A Gash With Sharp Teeth And Other Tales » est un album classique d’un genre rock stoner déjà entendu. Mais là où le positif règne c’est que tout est fait dans les clous, donc la musique correspond en tous points à ce qu’on attend. Voilà LA raison pour laquelle il faut se procurer cet album parce qu’après plusieurs écoutes, on sent toute l’énergie qui émane de la nostalgie. Cet hommage qui ne s’avoue pas à un genre musical bien ancré dans ses racines et qui continue malgré tout de donner des ramifications jeunes et vigoureuses. C’est un chouette album, vraiment.

Que dire alors du chant? Eh bien, pareil. Même veine que tous les groupes de rock stoner, à savoir un chant clair bourré de voltage et de patate! Avec un côté rocailleux en prime, sinon le chant apparait beaucoup moins intéressant. J’aime bien cette jonglerie entre le chant clair typé stoner et celui typé rock, histoire d’avoir des moments un peu plus tranquilles. Sinon, la technicité est bonne, rien à redire non plus.

En fait, la conclusion va être simple pour cette nouvelle chronique. Loose Sutures propose un deuxième album qui reprend la bonne mayonnaise qui plait bien à tout le monde. « A Gash With Sharp Teeth And Other Tales » est un album dans la lignée très digne du rock stoner estampillé américain, alors que ces derniers sont italiens. Le seul petit escarmouche dans ce paysage idyllique est la variation un peu étonnante entre le genre stoner bien viril et celui plus tranquille du psychédélique. Cela reste du domaine de la rareté mais comme il faut bien chercher un truc en plus dans chaque album pour le vanter un minimum, on prend ce qu’il y a même les miettes. Du reste, je reprends ma formule bien représentative pour illustrer mon propos final : Voilà LA raison pour laquelle il faut se procurer cet album parce qu’après plusieurs écoutes, on sent toute l’énergie qui émane de la nostalgie. Cet hommage qui ne s’avoue pas à un genre musical bien ancré dans ses racines et qui continue malgré tout de donner des ramifications jeunes et vigoureuses. C’est un chouette album, vraiment. Et je rajouterai que c’est un chouette groupe! Belle découverte!

Tracklist :

1. White Vulture 04:14
2. Stupid Boy 03:37
3. Sunny Cola 05:28
4. Last Cry 04:09
5. Mephisto Rising 04:32
6. Black Lips 02:59
7. Animal House 03:51
8. Superfast Shit Kebab 03:54
9. Death Valley I 02:32
10. Death Valley II 06:32

Facebook  Bandcamp
Instagram  Spotify