Line-up sur cet Album
- A : batterie
- M : guitare
- J : guitare, basse
- K : chant
Style:
Death Metal ProgressifDate de sortie:
31 décembre 2021Label:
Aesthetic DeathNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.5/10
“Le monde n’est qu’un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange.” Alfred de Musset
On y est. On a passé le cap de 2022 depuis deux jours, je vous écris donc ce 02 janvier. Il est 21h quand j’entame l’écriture de cette nouvelle chronique, j’aurais dû la faire avant je le reconnais, je m’étais donné une mission comme celle que je donne le mieux que je peux, qui est de faire le plus de release du jour. Mais voilà, prévue pour le dernier jour de cette année de merde, je n’ai pas pu l’écrire. Je m’étais préparé à festoyer comme il se doit avec mes camarades de Soil Chronicles et quelques invités de marque comme Fabrice Emmanuelson, chanteur de Rising Steel, bassiste de Lonewolf et j’en passe ; Yves Campion qu’on ne présente plus, et puis bien entendu mes camarades, mes chers amis de Soil Chronicles, Chris Metalfreak le patron et Antirouille le décapeur. J’étais parti pour finir l’année en beauté, avec panache et une bouffe dans la tradition charrapontaine. Mais voilà, le destin en a décidé autrement. J’ai été cas contact de deux collègues de boulot, à quelques jours d’intervalle. Test PCR fait en catastrophe le matin du 31 décembre, plus d’antigénique car tout le monde avait décidé d’en faire avant de faire la bringue. Pas de résultat en sortant du boulot (arrivés le lendemain matin), réveillon au salon, terminé. Ma femme et ma fille dormaient avant minuit. Autant vous dire que mon moral, d’ordinaire largement au-dessus des normes, et ma combativité que j’aime à définir de guerrière uniquement pour le folklore, s’est effondrée d’un coup, frappé par une explosion d’injustice. Aussi ai-je eu la force d’écouter l’album que je devais faire en release du jour, mais l’envie d’écrire n’y était pas… Il m’a fallu toute la journée du 01 janvier pour digérer en famille l’affront terrible que le sort m’a offert après deux ans de lutte acharnée contre cette saloperie de covid-19, et après avoir échappé à au moins quatre contaminations. C’est donc le moral légèrement plus haut que je me frotte à cette sortie, qui j’espère me remettra le pied à l’étrier. Et bonne année à tout le monde au passage! Il s’agit de Barús et de son EP nommé « Fanges« , qui est sorti chez Aesthetic Death.
Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que ce groupe, Barús, que je n’ai fait qu’entre-apercevoir toutes ces années, est de ma ville actuelle! De Grenoble en l’occurrence. Je pensais naïvement que le groupe venait du sud de la France, enfin un endroit de ce genre, mais j’étais vraiment loin de me douter que le quatuor venait de la capitale des Alpes. J’avoue avoir bugué un long moment avant de réaliser que ce groupe était de chez moi. Vous me direz, cela ne change pas énormément de choses hormis mon aspect chauvin qui remonte, mais je suis très étonné de ne pas l’avoir su avant. Concernant la discographie, elle est intéressante car depuis la création du groupe, sur les cendres de Project Jim qui faisait du death metal jusqu’en 2015, le groupe a sorti un album nommé « Drowned » en 2018, un EP éponyme en 2015 et le fameux « Fanges » qui est sorti le dernier jour de l’année 2021. Je m’excuse d’ailleurs pour ne pas avoir eu l’énergie psychique pour faire la chronique en release du jour… Mais le moral n’y était pas. J’espère en tout cas me rattraper doublement avec cette chronique qui d’une part concrétise des années de survolement du groupe sans l’aborder franchement, et d’autre part pour me faire pardonner d’avoir été insuffisamment en forme pour la faire avant la fin de l’année. Voici donc!
Deuxième belle surprise, en constatant que la personne qui a fait l’artwork de cet EP est Camille Murgue, dont je suis le travail depuis un bon moment sur les réseaux sociaux et qui travaille exclusivement au crayon et à l’encre. C’est donc un ouvrage fait main qui est devant moi et rien que pour cela, je dis bravo. Parce que le luxe de détails qui est manifeste, et qui donne un tel résultat, je ne peux que m’incliner respectueusement devant le travail accompli, et de facto le choix de Barús. Sur la forme, on croirait un agglomérat de neurones parasités par des tumeurs, ou un truc du genre. On a donc une pochette qui fait la part belle à une monstruosité de la vie, un truc d’une mocheté fascinante puisque bien dessinée. Mais sur le principe, c’est cette espèce de fond blanc qui m’intéresse parce qu’on dirait un immense vide derrière, comme si cette monstruosité microscopique était la seule chose qui comptait dans ce décor, et plus généralement dans le processus de la vie. Cela confère un côté extrêmement repoussant et cynique dans la symbolique, et je dirais que le mot « Fanges » est bien trouvé pour qualifier cet EP. Je trouvais déjà que le travail accompli valait déjà largement des louanges, mais je me rends compte qu’au-delà de la technique, c’est toute la symbolique qui mérite des applaudissements nourris. Franchement, c’est du très très beau boulot pour cet artwork et pour tout ce qui gravite de censé autour. Je tire mon chapeau à mes camarades grenoblois pour ce choix plus que judicieux : intelligent et d’une réalisation exceptionnelle. Du grand art mais quand on connait Camille Murgue, c’est presque de la normalité à ce stade, ou de l’évidence!
Pour l’EP, ne cherchez pas un groupe qui fait du death metal classique, old school et sans faux col. Barús propose depuis toujours un death metal revisité selon ses envies et ses apesanteurs artistiques. Cela donne dans le cas de ce second EP « Fanges » une sorte de death metal progressif au possible avec de réelles montées en puissance, rarement avec un pic de violence insurmontable, c’est d’ailleurs ce qui fait selon moi la force principale de cet EP. C’est de toujours laisser sur la faim l’auditeur aviné de sensations fortes. Les montées progressives promettent souvent des passages plus agressifs, en témoigne le processus d’un groupe comme L’Acéphale qui finit toujours, au milieu ou vers la fin d’un morceau progressif, par tout défoncer sur son passage comme un bulldozer hésitant. Pas chez Barús. Le groupe distille son metal avec patience et quelques petits piques dantesques, mais toujours de manière insidieuse, cachée. « Fanges » est un EP poétique et hypnotisant, l’instrumentalisation est presque expérimentale tant les instruments semblent disséquer pour être mieux compris. Cela donne deux pistes extrêmement longues pour du death metal progressif, mais faits avec tellement de talent, de recherche et de technique, que l’on n’en vient à ne plus savoir si l’on a trouvé le temps long ou si l’on a survolé les débats. Du reste, le son aussi est particulier mais je reviendrai dessus plus amplement en bas. Pour une première écoute, Barús m’a conduit sur des sommets émotionnels que je ne pensais pas atteindre. La musique n’est qu’une montée en puissance pour mieux redescendre, ensuite mieux remonter encore et finir en beauté. Chaque morceau est unique, et c’est ce qui fait la beauté intrinsèque de ce second EP. Pourtant, il se nomme « Fanges« , c’est vous dire si l’on nage en plein paradoxe.
La production peut surprendre, on ne va pas se mentir. Elle m’a étonné au début parce qu’outre l’aspect progressif, je m’attendais surement à plus de lourdeur, comme tout un chacun. Mais finalement, elle ne fait que mettre en valeur le plus important sur cet EP : la technicité extrême. Barús ne met le death metal que dans ses accords instrumentaux, le reste est totalement voué à mettre ne exergue le talent des mecs. Il fallait donc un son qui permet à chaque instrument, à chaque ligne d’accord et chaque mélodie de s’exprimer sans se piétiner. C’est le propre du metal progressif que de recherche la place idoine pour chaque instrument, et je trouve qu’en cela « Fanges » est un très bel exemple de ce qu’il faut faire. Insuffler un supplément d’âme dans le son avec un peu de lourdeur quand il faut mais jamais à outrance, c’est donc un boulot quasiment parfait qui a été accompli sur « Fanges« . Tout est possible d’être écouté et distillé du reste, c’est une analyse aux petits oignons qui peut se faire pour les oreilles les plus aguerries et je dois reconnaître que même si ma surprise au début n’est qu’un misérable réflexe de Pavlov que moi-même j’exècre, je ne peux que m’incliner au-devant de l’énorme boulot qui a encore été fait pour rendre vivant et plus qu’intéressant ce second EP. Rien à redire!
Ce que je n’ai pas pu m’empêcher d’imaginer réside dans la corrélation possible entre la pochette et la musique. « Fanges » sonne comme les fameuses connexions neuronales que l’on voit sur la pochette, on dirait vraiment un courant alternatif qui passerait dans des poches immondes, et qui seraient rebalancées avec frénésie à travers d’autres conduits carnés. J’ai véritablement en tête une montée de l’information certes fort lentes (et qui heureusement n’aurait pas cette vitesse sinon nos cerveaux seraient en difficulté quand-même), mais qui conduit vers un truc tellement horrible qu’on coupe net l’information. Barús a une part de mystère dans sa musique que j’admire, c’est en lien avec la complexité de sa musique. Mais il va de soi que le concept est des plus étranges, même si l’imagination fait souvent son œuvre pour combler la part d’insondabilité qui demeure. Tout semble être en tout cas une ode vers l’immondice latente, et les sonorités riffiques sont résolument pessimistes et noires. Les compositions amènent par leur longueur excessive une lancinance incroyable, et l’absence de temps de pause hypnotise littéralement l’auditoire. C’est une musique foncièrement efficace et redoutable pour accompagner des atmosphères lugubres et nocturnes. Il me serait compliqué à moi, qui n’aie aucun langage technique précis, de vous expliquer en quoi « Fanges » est un EP qui mérite qu’on s’y attarde, seules mes émotions parlent ce soir et cela tombe bien on est dedans. Mais je peux vous affirmer qu’au vu de l’immense technique apportée par les musiciens, les assemblages minutieux des harmoniques, les consonances à la batterie qui frôle par instant des références jazzy et une basse au diapason, sans parler encore du chant qui rajoute de la lenteur à cet ensemble loin d’être réconfortant, c’est un petit bijou qui se profile sous vos oreilles ébahies. Un EP d’une intelligence remarquable! Et cela, il ne faut pas obligatoirement être un énarque de la musique pour s’en apercevoir.
Et pareillement qu’il ne faut pas se prétendre être un érudit de chant pour comprendre à quel point celui de Barús est une tuerie. Dans le genre pas du tout death metal d’ailleurs, on dirait plutôt un chant sludgien ou sur un mode thrashy pour l’agressivité, une alternance de techniques différentes qui va de pair évidemment avec le côté progressif de la musique. D’ordinaire j’aime le chant quand il suit une même ligne directive, mais ici je suis frappé là encore et je radote, par l’intelligence de la composition, et par le fait que le chanteur mette au service de la musique son polymorphisme vocalistique pour insuffler différentes ambiances. Une telle maitrise de chant pour celui qui officie dans le groupe Maïeutiste et qui le fait très bien, cela ne m’étonne guère. Mais je suis comme tout passionné qui se respecte : toujours surpris, toujours étonné et toujours pris de court. Le chant est exceptionnel, sincèrement.
Vous allez penser que je suis chauvin au possible à la conclusion de cette nouvelle chronique. Mais il me semble évident de dire qu’au-delà de mon amour inconsidéré pour la scène française et a fortiori pour celle de ma ville, « Fanges » est un deuxième EP exceptionnel. Barús est le genre de groupes qu’on aimerait tout le temps découvrir plus tôt quand on finit par tomber dessus. Je n’avais que honteusement survolé le groupe, mais je m’aperçois surtout qu’à mon corps défendant, je loupe un truc terrible. Doté d’une musique estampillée death metal progressif, à tort probablement tant la complexité est énorme, il n’en demeure pas moins que la technique, la réalisation, la production et le talent sont totalement présents et décorent l’univers musical entier du metal avec des illuminations et des trous noirs dignes des confins de notre existence immonde et dégoutante. Je pense que je démarre l’année avec panache, et si j’avais écouté mon instinct, j’aurais fini 2021 sous de meilleurs auspices parce que « Fanges » est exceptionnel, vraiment. Directement dans mon top groupe général!
Tracklist :
1. Fanges 18:59
2. Châssis de Chair 15:22
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