The Matterhorn Project – The Traveler

Le 24 mai 2022 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


Zahari Tzigularov : tous les instruments, chant

Style:

Doom Sludge Metal / Progressif

Date de sortie:

01 octobre 2021

Label:

Autoproduction

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.5/10

“Qui est âne et veut être cerf se connaît au saut du fossé.” Proverbe français

« La musique nous apporte parfois une forme d’aboutissement personnel. Comme un accomplissement, une forme d’élévation spirituelle qui touche nos sens et notre corps, bien au-delà de l’esprit. Nombre de fois je me suis retrouvé envahi par l’émotion à l’écoute d’une chanson, à la lecture de paroles et simplement à la faveur d’un fredonnement inopiné. J’ai beau cherché, je ne connais pas de passion plus dévorante que la musique en ce qui me concerne. Et pourtant, les Dieux savent que je suis touche-à-tout : calligraphie, poésie, etc. Mais chaque fois, la musique est revenue au-devant de ma vie. Alors, quelquefois, je m’évertue à penser que cette dernière constitue une part importante de mon être. Et je me prête à rêver que je fais partie de cette catégorie de musiciens qui puisent l’inspiration beaucoup plus profondément que la simple lumière qui en découle. » J’avais écrit cette introduction lors d’une précédente chronique pour expliquer à quel point les projets artistiques représentent des aboutissements personnels et des raisons de vivre même. Et je pense que lorsqu’on mène un one-man band, on a encore plus cette sensation intense d’aboutir à quelque chose de concret, comme un soulagement total et une forme d’apaisement de la pensée. Il n’y a pas que dans le milieu artistique j’en conviens, on peut être comblé à son travail (enfin…) ou dans sa vie personnelle, mais il faut tout de même reconnaître que le pouvoir de la création sur la dopamine est infini. Aussi, je me suis tourné vers un nouveau one-man band, pas du tout attendu ou quoique ce soit, mais la réalisation de l’album dûment présenté ici a valu cette introduction un peu emphatique. Et voici donc le temps de parler de The Matterhorn Project et de l’album The Traveler.

Derrière ce nom qui fait plus penser à un groupe composé de personnes différentes, se cache comme je disais, un seul et même musicien. En effet, The Matterhorn Project est l’œuvre d’un certain Zahari Tzigularov, musicien bulgare installé depuis une quinzaine d’années dans le Colorado, aux Etats-Unis. Ce qui renvoie assez rapidement au nom de son dernier album appelé The Traveler, qui signifie pour les plus nuls en anglais d’entre nous « le voyageur ». On a trace d’une première sortie en 2015 donc nous pouvons supposer que le projet en lui-même existe depuis avant ou pendant cette année. Quoiqu’il en soit, le multi-instrumentiste est également producteur et j’ai lu dans une autre chronique que le nom The Matterhorn Project vient de l’anglais « matterhorn » qui veut dire « cervin », relatif au cerf donc, mais aussi le nom d’une montagne, le Mont Cervin, et enfin au nom de la rue sur Indian Wells où se situe son studio de travail. Voilà, pour l’anecdote. Il convient de préciser que notre ami musicien a sorti trois albums avec The Traveler et un single. Comme le sieur fait tout dans sa musique, on s’attend un peu à une œuvre complexe, enfin je pense. Car quand on fait cavalier seul, on n’a pas toujours le recul pour épurer l’ensemble. Mais qu’importe ! L’idée de ce projet au nom original et avec de multiples sens me plaît beaucoup ! Je regrette de le faire en chronique avec beaucoup de retard, mais comme j’avais passé un mois de novembre sans rien écrire ou presque, je rattrape comme je peux…

Pour draper avec classe ce troisième album, The Matterhorn Project a choisi une peinture faite par son maître à bord. Autrement dit, la pochette est une peinture de Tzigularov lui-même. Voilà de quoi aller au bout de son projet ! J’aime l’idée dans sa base elle-même puisqu’au moins, on sent poindre un ouvrage total. Sur cette peinture aux traits un peu grossiers, on voit un personnage du genre cheminot ou vieux fermier c’est selon, et ce n’est pas notre protagoniste qui s’est réalisé en autoportrait j’ai vérifié. Ce personnage énigmatique voyage dans un train qui tracte des containers, et passe sous un tunnel ou en sort c’est selon là encore. Moi je pencherai pour le train qui sort du tunnel. Le pont en question est du genre rudimentaire, c’est le moins qu’on puisse dire ! On ne s’attend pas à ce que ce dernier supporte la charge d’un train entier, avec ces poteaux très fins. Question de perspective on dirait… Et puis, il y a cet oiseau laconique qui regarde notre voyageur, son envol étant suspendu pour le bien de l’image mais on croirait qu’il sort de nulle part et reste fixé sur le grand barbu en salopette. Bon ! On pourrait épiloguer sur la qualité de la peinture en elle-même qui demeure assez simpliste voire franchement grossière. Mais il n’en demeure pas moins que je lui trouve plein de sens. D’abord elle est raccord avec le titre de l’album The Traveler, détail qui compte beaucoup à mes yeux. Ensuite, on voit bien que derrière cette idée du voyage, le pont fragile pourrait faire penser qu’un exil n’est jamais sans embûche et que ce train qui passe sur le pont sans certitude qu’il tiendra le choc en est un exemple idoine. Enfin, je vois aussi le côté imprévu du voyage puisqu’on ne sait pas d’où vient le train, le tunnel étant une source opaque de visibilité, et que l’on devrait même sans foutre un peu finalement. Il y a probablement plein d’autres interprétations possibles, je ne vais pas me lancer dans une dissertation de philosophie (encore que mon 17/20 au bac L m’ait donné envie !) mais en tout cas, par le biais de cette peinture, The Matterhorn Project dévoile plein de sens possiblement cachés et d’autres visibles. Rien que pour cela, je valide à 200% le choix ! Excellent artwork pour moi, bravo !

Mais là où mes doutes ont été balayés d’un revers de main de troll, c’est quand j’ai écouté l’album. En première intention, au calme dans ma voiture (oui c’est possible d’être au calme dans sa voiture à Grenoble), c’est impressionnant comme The Traveler est redoutable. Question identité musicale, j’ai été longuement dubitatif parce que niveau sonore c’était relativement évident pour moi que c’est soit du sludge metal, soit du stoner étant donné le son rebondi typique de ces deux styles, mais sur la tournure des riffs et le chant clair, j’ai été loin de l’impassibilité. Parce que pour moi, ce côté enjoué et groovy m’a fait penser à du stoner mais la profondeur et le côté mélancolique que l’on retrouve notamment dans le chant et la lourdeur grave de l’ensemble m’ont fait penser à du sludge metal mais plus cool dirons-nous. Je reste encore à ce jour dans le doute le plus total. En tout cas, il n’en demeure pas moins qu’il y a un apport très metal progressif dans l’album, avec des montées en puissance et des passages en clean, voire en saturation mais plus calme, une association judicieuse avec la répétition d’un même riff, se rapprochant un tantinet avec le minimalisme et la lenteur du doom metal qui, ma foi ! n’est pas dégueulasse du tout, loin s’en faut. En fait, cet album est un creuset de pleins de différences musicales. C’est franchement bluffant d’arriver à mélanger sans accroc ou presque le doom metal, ses cousins le sludge metal et / ou le stoner avec du metal progressif. Le résultat est que l’instrumentation générale est fluide, harmonieuse, chantante même. Je me suis vraiment amusé dans cette première écoute, il n’y a pas à proprement parlé d’accélérations ou d’extrêmes dans The Matternhorn Project. Plus une sorte de force tranquille. Et ça, sincèrement, j’ai adoré! C’est une première écoute plus que validée pour moi !

Comme le monsieur est producteur, son album se dote au passage d’une production impeccable. Justement, le son doit être initialement très rebondi, boueux comme on dit vulgairement et The Matternhorn Project a réussi ce pari, même si dans les faits il avait tout pour y arriver. Mais ce que j’ai particulièrement souligné et de surcroit adoré sur The Traveler, c’est la basse. D’ordinaire très en avant dans le genre sludge metal ou stoner, on s’aperçoit très vite que cette dernière n’est pas QUE mise en exergue, elle est aussi selon moi l’instrument principal de cet album. On l’entend excellemment bien, la mise en avant est telle qu’elle surplombe les guitares, et apporte une lourdeur et une épaisseur au son incroyable. Epatant même ! Dès les premières notes, la magie sonore opère. Cette basse qui est par ailleurs très groovy, pas seulement rythmique, fait pratiquement tout à elle toute seule. Et je vous assure que pour avoir écumé les groupes de sludge metal ou de stoner, je n’ai jamais entendu un son aussi propre et une basse aussi exceptionnelle. Je connais des bassistes qui devraient très vite se pencher sur ce modèle du genre qu’est indiscutablement The Matternhorn Project ! Le reste des instruments est très bon, pour un multi-instrumentiste on sent qu’il peut se permettre de faire dans le metal progressif qui requiert quelques notions techniques plus poussées, que ce soit aux guitares et à la batterie le gonze assure, voire plus que cela ! Donc notre ami Tzigularov peut se targuer sans problème d’être un excellent musicien et par-dessus le marché un excellent producteur, vraiment!

On parle donc théoriquement de voyage sur The Traveler. Pour moi, c’est indéniablement ce que la musique veut nous apporter. En fait, au plus j’écoute l’album, au plus je m’aperçois qu’il fonctionne bien comme le mec qui compose sa musique autour d’un fey lors d’une escale. Je ne sais pas comment dire exactement mais je vois bien notre camarade composer au gré de ses vacances, tranquillement dehors au-devant d’un paysage superbe, si possible, pour que le bucolisme soit à son firmament au crépuscule, et se laisse aller à la déliquescence de la situation. Je divague un peu dans mes écrits mais c’est tout à fait le ressenti que j’ai eu sur The Traveler. The Matternhorn Project a proposé un album absolument superbe, avec non pas comme je disais cet excédent de lourdeur et de violence que le commun des groupes de sludge metal ou de stoner propose, mais bien une musique calme, tranquille, apaisée même où le sludge metal, paré d’une dimension doom metal et de progressif, montre un visage plus nostalgique, et mélancolique. La part sombre inhérente au style sludgien est donc non seulement respectée à la lettre, mais aussi et surtout sur un autre versant, un que je n’avais encore jamais entendu ailleurs. Le fait que Tzigularov cherche à puiser dans des pistes complexes, faites d’un mixage étonnant de minimalisme doomesque et de technicité progressive jette un voile de doute au départ, mais qui prend rapidement la tangente vers une harmonie profonde et un talent de composition certain. Il fallait parvenir à retranscrire tous les soubresauts de ces errances parfois pathologiques, ponctuées parfois par des laps de temps dociles et fluides, et je pense que même si la composition de The Traveler est subjective en tous points via le projet monocéphale de The Matternhorn Project, il n’en reste pas moins que l’on vit totalement les états d’âme et les obstacles de ce voyage soit intérieur, soit extérieur, soit les deux mon capitaine! C’est donc sur ce constat de réussite absolue ou presque que je mets The Matternhorn Project dans ma liste de groupes privilégiés. Je pense que si vous recherchez de la nouveauté, de la complexité et de la zen attitude, il va vous falloir acheter The Traveler.

Le chant est de loin l’instrument, si j’ose dire, qui m’a laissé le plus de doute sur l’orientation musicale. Parce que je suis habitué, tel un obsessionnel et ses réflexes de Pavlov, au chant saturé bien criard ou au chant clair bien viril ! Ici, que nenni ! Le chant est très posé, en voix claire, avec des notes relativement linéaires c’est à dire avec peu de variations mélodiques, puisque je rappelle que l’on est sur du groovy en base instrumentale. Donc un chant calme, apaisant lui-aussi, dans un registre qui fait penser à la soliloquie, soit des discours intérieurs extériorisés à voix haute mais avec discrétion. Il y a de rares sursauts, mais sur la majorité des lignes de chant c’est sur un style calme et posé. Honnêtement ce n’est pas ce que je retiendrais d’exceptionnel sur cet album, la charge instrumentale est mille fois meilleure et joue le rôle dans son entièreté de combler l’auditeur. Limite, si le chant n’était pas présent ce serait pareil pour moi. Je pense que The Matterhorn Project gagerait à mieux travailler son chant et ses textes que j’ai trouvés un peu décevants, donc que je n’évoquerai pas ici. Pour un album intimiste et aussi bien composé, le chant et les textes ne sont pas à la hauteur. Ce qui n’enlève en rien que le chant est bon dans sa technique hein ! Mais pour l’utilité, c’est sans plus pour moi.

Le moment est venu de mettre le point final à cette nouvelle chronique ! Cet album je l’avais dans le viseur depuis longtemps et je suis très content d’avoir enfin consacré une chronique. The Matterhorn Project, qui est l’entité musicale du seul Zahari Tzigularov, propose avec The Traveler un troisième album en autoproduction totale. Et le moins qu’on puisse dire c’est que le jeu en vaut largement la chandelle ! Une musique qui prend à contrepied l’amateur de sludge metal que je suis, puisque ce dernier non seulement est coloré d’une touche progressive et doom metal, mais en plus qui retranscrit la sempiternelle noirceur intentionnelle du sludge metal par un tour vers des embruns plus nostalgiques et mélancoliques. Subjectif par le travail, cet album intimiste et réfléchi n’en demeure pas moins une pièce sûre qui dégouline de talent à l’état brut. Aussi je considère cet album comme une exception, et il faudra sincèrement que notre ami américain ou bulgare parvienne à faire mieux tant The Traveler est époustouflant. Rien à redire, juste à savourer !

Tracklist :

1. Traveler 06:59
2. The Dead Zone 04:56
3. Forward 01:25
4. Reconciliation 05:04
5. North 02:21

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