Règne – The Kingdom of the Sibyllines
Line-up sur cet Album
Règne : composition
Style:
Dungeon SynthDate de sortie:
02 novembre 2023Label:
Autoproduction / Kajdum's Tower (K7)Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.5/10
“Certains matins de printemps ont une fraîcheur de grenouille.” Francis Dannemark
J’adore le dungeon synth. On entend souvent qu’il y a des styles de musique qui sont toujours colorés de la même manière, que cela en devient rébarbatif. En vérité, si ce constat s’applique parfois à des variétés très old school des branches metal, il y a d’autres styles que nous mettons à l’honneur chez Soil Chronicles et qui, pourtant, ne peuvent pas être compris par n’importe quel initié. Je ne parle même pas de ma réputation où j’aime tout ce qui est bizarre, parce qu’on pourrait écrire un roman, et ma dernière chronique avec Temple et N.K.R.T. en atteste. Mais je parle des styles comme le dungeon synth, qui ne vieillissent pas. Clairement ! Malgré l’évolution des claviers, l’avènement des logiciels de MAO, on écoute un album de dungeon synth actuel, on croirait souvent qu’il date des années reculées. Ce qui me plait dans ce genre précisément, au-delà de cet aspect immortel, c’est l’effet que cela me procure. Il y a de tout, et pour tous les goûts ! Vous prenez Dame Silu de Mordomoire, et vous avez un univers presque néo-classique à la Narsilion qui est magnifique. Vous prenez l’album « Fjelltronen » de Wongraven (Satyr de Satyricon aidé d’Ihsahn d’Emperor, excusez du peu), qui est au passage mon album préféré de tous ceux que je possède, vous avez du médiéval noir. Vous prenez Cromworx, vous plongez dans l’univers chevaleresque. Bref ! C’est simple, vous en avez pour tous les amateurs. C’est un genre qui non seulement ne vieillit pas, et ne vieillira jamais, mais en plus il explore à peu près tout ce qui est possible, voire le burlesque avec Synthosaurus ou Octobeast. Enfin, vous l’aurez compris, j’adore énormément le style dungeon synth. C’est un style qui m’apporte du réconfort bien plus que le metal, et quand il est original, alors là ! C’est l’extase absolue. La calice suprême de la musique. Alors, vous allez me dire : mais pourquoi en arrive-t-il à nous causer de ce style musical ? Dans un webzine à visée metal, rock et punk a fortiori ? Eh bien parce que chez nous, on ne s’interdit pas certaines entorses. Et parce que le dungeon synth est lié intrinsèquement au metal, malgré les gros écarts qu’il y a musicalement parlant entre les deux. Les deux partagent en effet le même univers, même si ce dernier est vaste, et les mêmes musiciens. Il n’est pas rare de voir des musiciens de metal composer par-dessus du dungeon synth. C’est le cas du projet Règne et de cet album nommé « The Kingdom of the Sibyllines« .
De Règne, je ne connaissais que le nom. En vérité, j’étais loin de me douter que la personne derrière ce projet deviendrait un musicien avec lequel je ferai de la musique un jour. Il va de soi que cette chronique pourrait prêter à sourire, vu que je connais l’artiste éponyme qui est capitaine de son orchestre. Mais je serai comme toujours objectif, il le sait. Aucun souci là-dessus. Bon ! Règne est donc un projet solo français, d’Aix-en-Provence pour être exact. Et l’artiste, qui a monté son projet si j’en crois Bandcamp en… 2021 (date de la sortie du premier album), en est déjà à.. Sept sorties ! Un artiste donc extrêmement inspiré et productif, en témoigne par exemple l’écart considérablement restreint entre « Le Vieille Homme et la Mer » (16 mars 2023) et « The Kingdom of the Sibyllines » (02 novembre 2023) en format cassette. C’est vous dire ! Bien heureux l’homme que je suis donc, d’avoir rencontré ce fameux Règne et de découvrir au passage sa prolifique discographie au travers de cette nouvelle sortie. « The Kingdom of the Sibyllines » s’offre à nous ce soir ! Et je pense qu’on va se régaler.
La pochette est elle aussi une bien belle surprise puisqu’elle est faite par Macchabée Artworks qui est l’artiste qui a tout simplement fait toutes les pochettes de mes propres projets musicaux jusqu’à ce jour. Je connais donc le talent de ce créateur qui est également guitariste dans Terreur Nocturne, groupe dans lequel officie un certain… Règne ! Tout est lié dans la vie, le destin est un fin tisseur. Voici donc un artwork splendide, avec évidemment un décor propice à l’onirisme et au fantastique, voire au mythologique avec un château lumineux, peut-être même spirituel ou fantomatique c’est selon les interprétations, faits au passage avec des champignons, dans une clairière de forêt avec ce qui semble être des arbres morts. Le pont en avant-plan est étrangement fait avec le corps d’un troll j’imagine, ce qui rappelle le mythe du troll et les trois frères bouquetins. La seule petite incongruité pour moi demeure ce cours d’eau qui se dirige vers le château mais disparait du décor. Peut-être entoure-t-il le dit château, je ne sais pas. Mais je trouve que c’est dommage de ne pas voir où va ce cours d’eau. Masqué probablement par le pont, c’est un peu dommage. J’adore la petite lanterne qui pend de l’arbre en revanche, je ne sais pas exactement pourquoi mais j’aime probablement cette cassure symétrique sur l’artwork. J’ai été en revanche franchement intrigué par l’utilisation du mot « sybillines », qui n’est pas traduisible en anglais mais qui signifie « Dont le sens est obscur, énigmatique. » J’adore comme je disais, les concepts originaux et cela a fortement piqué ma curiosité. On a donc un nom d’album « The Kingdom of the Sibyllines » et un artwork qui remplissent largement le contrat par le côté énigmatique et très beau de chacun. Une imagerie poétique pour un concept qui s’annonce intéressant au possible, excellent boulot !
J’ai brisé le sacrosaint suspense de chronique en révélant le style qui sera abordé ce jour avec « The Kingdom of the Sibyllines« . Il s’agit donc bel et bien de dungeon synth ! Il suffit d’écouter l’album pour comprendre que le principal instrument que Règne nous propose est le sampling, par MAO, mais avec les sonorités des vieux claviers analogiques tantôt, et avec les banques sons d’un certain logiciel que je connais très bien et qui, même si l’on ne rentre pas dans l’authenticité sonore profonde des instruments reproduits sur l’album, est d’une qualité plutôt bluffante. Il me semble avoir en revanche entendu distinctement une guitare sèche, notamment sur le quatrième morceau éponyme, ce qui prouve donc que le sieur Règne s’amuse aussi à mettre des instruments moins reconnus dans le domaine du dungeon synth. Première belle surprise donc ! Mais il n’est pas le seul, puisque Dame Silu de Mordomoire incorpore du chant, dans un style qui devrait normalement en être dépourvu et qui confère donc une consonance plus néo-classique. Cela fait donc partie des surprises que les initiés de ce fantastique dungeon synth peuvent déceler, et adorer. Mais au-delà du style, très bien composé ici, Règne nous emmène dans un univers à la fois pleinement onirique, parfois dansant, parfois plus solennel, avec même une petite touche de légèreté à la fois sonore et dans le conte. On croirait presque par moment un conte pour enfants ! J’adore ce mélange, les morceaux ont chacun leurs univers propres, et le tout fonctionne finalement plus comme un recueil de contes qu’une histoire osmotique. Le compositeur nous entraine dans des pérégrinations oniriques, du genre de celles que l’on fait en balade nocturne pour chercher les petites trouvailles de la nature, ou les petits vers luisants cachés dans l’herbe. Il y a une réelle part enfantine dans cette musique, j’y reviendrai. En tout cas, j’ai été transporté dès la première écoute achevée. La musique de ce « The Kingdom of the Sibyllines » est superbe, sans en faire des tonnes. Une musique épurée, poétique et enchanteresse qui m’a ravi à un niveau rarement atteint dans mes écoutes d’albums dungeon synth. Loin d’être naïves, les compositions sont toutes aussi bien composées les unes que les autres, avec un côté minimaliste qui, en fin de compte, nous berce plus que nous égare. Bref, c’est un petit bijou.
J’ai toujours eu du mal à trouver la signification d’une quelconque bonne production dans ce registre. C’est plus par méconnaissance qu’autre chose, et comme il n’y a pas réellement d’instrument, hormis la guitare sèche, dans cette MAO qui compose « The Kingdom of the Sibyllines« , il m’est difficile de tirer un argument pour étayer si la production est bonne ou non. Toutefois, mon oreille me dit que l’album s’écoute très bien, sans fléchir ni fatiguer, ce qui est bon signe je pense. La certitude que j’ai acquise se situe sur les ressentis directs que j’ai eus. Et cette légèreté sonore, ce côté enfantin et onirique qui transparait dans les écoutes, sont pour moi les meilleures preuves que la production est impeccable. Dans ce style très codifié, il convient d’avoir également quelques exemples en amont pour analyser convenablement un album dungeon synth. Règne propose ici ce que je constate humblement être comme une très bonne référence en la matière. Connaissant enfin le logiciel employé, je ne peux que crier au génie car je n’ai jamais personnellement réussi à tirer un son propre comme celui-ci. Je ne vais pas crier d’admiration non plus ! Mais en tout cas, le son est comme il devrait être pour moi. Exactement ce que j’attends d’un album comme « The Kingdom of the Sibyllines » !
En analyse de cet album, il m’est apparu que Règne a involontairement ou non retranscrit une dimension enfantine dans sa musique. N’étant qu’un novice de son projet, et m’apprêtant à aller tout écouter, je pense que « The Kingdom of the Sibyllines » est une véritable ode à l’enfance ! L’enfance, vous savez, ce moment de notre vie où l’on s’extasiait sur les détails magnifiques de la nature comme un ciel étoilé, un papillon, les pétales d’un pissenlit qui volent au vent. Quand on s’imaginait un monde merveilleux, fait de créatures, de légendes et de contes. Moi qui suis un grand enfant, et qui assume complètement ce trait de personnalité, je sais désormais pourquoi j’ai adoré cet album. Non pas parce que Règne est un groupe d’un ami ! Mais parce qu’il a touché le petit enfant qui sommeille en moi, et qui se réveille quand il entend ou voit un truc qui ravive les souvenirs. « The Kingdom of the Sibyllines » a nourri mon imaginaire comme quand j’étais un gosse innocent. Le dernier morceau m’a même arraché une petite larme, c’est vous dire ! Alors oui, on pourrait penser que ce n’est pas l’album de l’année, que la composition dungeon synth est minimaliste, répétitive, et d’ailleurs c’est le propre au genre, pas qu’à cet album. Mais quand les atmosphères sont ainsi bien retranscrites, que le son est léger et agréable, que vous avez de quoi nourrir votre imaginaire foisonnant car les pistes ont toutes leur propres atmosphères, et que comme moi vous êtes un enfant dans un corps d’homme, alors je crois que tout est dit. Pas besoin d’en faire des tonnes. Cet album m’a touché au plus profond de mon coeur, et cela fait indéniablement de lui un album abouti. Une merveille.
N’ayant pas de chant, moi qui écris toujours un paragraphe dessus, je passe finalement à la conclusion. Règne, projet français mené par un artiste du même nom, sort son septième conte musicale nommé « The Kingdom of the Sibyllines » en indépendant pour le format digital, en cassette chez le label hongrois Kajdum’s Tower. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cet artiste prolifique sort en peu de temps un septième album qui ne manque pas d’atout ! Un album de dungeon synth d’une beauté remarquable, mélangeant les atmosphères avec des modestes lignes de sons par le nombre, mais grandes par la qualité. L’ensemble sonore donne le sentiment de lire un recueil de contes pour enfants, et réveille en moi l’âme du petit Quantum qui passait ses récréations dans les livres de son école. Et je vais me paraphraser en citant ce que j’ai écrit plus haut et qui résume bien cet album : « une musique épurée, poétique et enchanteresse qui m’a ravi à un niveau rarement atteint dans mes écoutes d’albums dungeon synth. » Sublime, tout simplement. A quand une sortie CD ?
Tracklist :
1. Old Swamp
2. The old hermit’s bequeathed heart
3. Wind Hamlet
4. The Kingdom of the Sibyllines
5. The Winding Woods
6. Batracian’s King
7. Troll’s Bridge
8. Twilight’s Prisonners
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