Photographies : Le Marquis Arthur
Report : Quantum
Après une bonne nuit de sommeil et un réveil tôt pour s’offrir une excursion au Mont-Saint-Michel, nous voici de retour en ce second jour de festival en Bretagne ! Comme j’ai coutume de dire, quand on voyage, on n’est pas là pour se reposer, mais se ressourcer. Après cette visite matinale du Mont-Saint-Michel qui est définitivement normand, ne vous en déplaise, c’est après un restaurant avec toute la clique de joyeux lurons que nous sommes, que nous voilà donc de retour pour les festivités du jour ! En espérant que le temps ne gâche pas la fête des standiers qui, contraints de se frotter au crachin local et célèbre, ont dû pour la plupart plier bagage et ne pas profiter d’une journée entière et rentable. Mais le temps semblait propice à une meilleure journée. C’est donc sous de très bons auspices que nous rattaquons cette ultime journée avec, détail curieux mais intelligent, moins de groupes que la veille. Soit six formations, trois françaises, et trois étrangères. Une programmation audacieuse et judicieuse ! Parenthèse : la bière locale servie par le festival était délicieuse !
Vous vous souvenez de mon laïus concernant le fait qu’ouvrir un festival n’est jamais simple ? Eh bien, le constat prévaut également pour la première formation à entrer sur scène en ce deuxième jour. Anaon, jeune formation rennaise composée de musiciens jeunes et moins jeunes, ouvre les hostilités en se présentant d’une manière totalement imprévue et surtout, très courageuse quand on a un public stoïque et un peu encore dans les vapeurs d’alcool de la veille. Qu’on se le dise, la formation se veut très conceptuelle et surtout, portée sur la drôlerie. Le frontman, affublé d’un blaser et d’un chapeau-melon, commence d’emblée à essayer de motiver le public en se baladant dans le pit, mettant en scène ses propos via un processus théâtral qui ne me laisse pas indifférent. Bon, quand on veut aller à la rencontre du public, il est de bon ton d’avoir un micro sans fil pour éviter que le technicien scène soit obligé de suivre ce dernier d’un air un peu blasé, en tenant le fil pour ne pas qu’il y ait d’accident ! J’en profite alors pour saluer Bernard, qui m’aura offert un énorme fou rire, lui qui restera de bronze en tenant ce fil dispendieux. C’était pour la blague mais je l’ai réellement félicité après le concert ! Du reste, la prestation scénique m’a laissé un gout étrange. Normalement, quand on veut motiver et fédérer un public, il est de bon ton qu’il n’y ait pas que le frontman qui suive cet objectif. Or, j’ai trouvé vraiment dommage que les autres musiciens soient chacun dans leur coin, trop concentrés sur leurs instruments pour au final, ne pas éviter des pains et gâcher pas mal la prestation globale. J’ai eu beaucoup d’admiration mais surtout un peu de pitié pour le chanteur qui me semblait, ma foi, bien trop seul pour accomplir cette lourde tâche. Certains regards de solitude de sa part ne me permettaient d’ailleurs pas d’infirmer ma théorie. Quoiqu’il en soit, je pense qu’Anaon, qui débute tout juste, aura une bonne idée s’ils décident de passer l’étape au-dessus qui consiste à développer davantage leur concept qui me semblait fort intéressant dans l’imagination qui en découlait ! Cela passe par des costumes cohérents (la robe du batteur acheté chez un hard discount et la soutane du bassiste, bon…), un vrai travail de jeu de scène tous ensemble pour que chacun interagisse avec le public, et je suis convaincu qu’au regard de la musique qui était plutôt bonne avec cette cornemuse très bretonne évidemment, mais qui occupait une place importante pour l’identité et la couleur musicale, et de l’énergie sous-jacente, Anaon ne soit une formation à en devenir. Mais le chemin est long et la prestation scénique m’interroge sur le bien fondé de la maturité nécessaire pour ouvrir un festival avec de l’ambition comme l’Ar Vran Festival.
Changement total d’ambiance, mais toujours sur la thématique bretonne avec Paydretz qui se présente à nous. Totalement est le mot. Totalement aux antipodes du groupe précédent, avec de vrais costumes qui rappellent l’époque de la révolte vendéenne, le Sacré-Coeur Vendéen cousu à même les chemises, et cet air hyper solennel des musiciens qui, contrairement aux prédécesseurs, ne sont clairement pas là pour amuser la galerie. En fait, Paydretz représente sans même l’arrivée des premières notes tout ce que j’adore en matière de concept-album. Pousser la mise en scène jusqu’à l’authentique, costumes cohérents et frappants, ce jeu de regard qui en dit long sur les émotions qui nous parcourront, etc. Déjà alors, je savais que j’allais adorer la formation costarmoricaine, mais j’étais loin, très loin de me douter que j’allais ramasser aussi sévèrement. Il faut savoir que malgré le fait que je connaisse la majorité des musiciens du projet, vouant une admiration notamment à Sven et Geoffroy pour leur parcours musicaux respectifs, je n’avais pas encore écouté leur seul et unique album à ce jour, par manque de temps. C’est donc avec des oreilles toutes neuves et attentives que les notes ont retenti, et tout de suite je me suis prêté au jeu de ce groupe qui nous conte de manière narrative et vivante l’insurrection vendéenne entre 1793 et 1795. La musique, résolument black metal, plante une ambiance lourde et dramatique, pas du tout incisive ni démoniaque, plus en balance vers un aspect historique et tragique, pour nous faire vivre le contexte de cette insurrection sanglante et terrible. Véritable tâche de l’histoire comme les conflits sur fond d’identité culturelle et / ou religieuse, les musiciens se rangent totalement du côté des vendéens, ce qui, au regard de l’identité bretonne du festival, ne manque pas de cohérence et touche, à mon avis, en plein cœur le public qui restera de plomb pendant la performance. Ne manquant évidemment pas d’acclamer comme il se doit Paydretz qui jouait, avec une justesse et un sérieux déconcertant, leur deuxième concert seulement. Mais là où la beauté de la musique m’a frappé de plein fouet sera sur le morceau très patriote « Les Bleus Sont Là », qui m’a tout simplement fait pleurer. C’est rare qu’un groupe m’arrache des larmes, de vrais larmes, et ma copine est témoin de cela. Cette piste, extrêmement triste mais profondément puissante, un hymne, m’a fait pleurer. J’ai énormément aimé la prestation de Geoffroy au chant et aux flûtes, qui a su rendre vivant et prenant la musique, avec une articulation qui permettait en plus de bien comprendre les textes en français, chose là encore rare pour être souligné. Bref ! Vous l’aurez compris, Paydretz aura été mon énorme coup de cœur du festival. Pour moi, c’est dans ce genre de concept développé et rendu vivant par les protagonistes, que la musique metal prend une tournure idéale. Et malgré là aussi sa jeunesse, Paydretz s’impose à moi comme un des meilleurs groupes revendiquant une sorte d’identité régionale et historique qui m’ait été donné de découvrir ! Tout simplement exceptionnel.
Troisième et dernière formation française de la soirée, ∏ΣzΣL nous offre là encore un vrai grand écart musical comparé aux deux précédentes formations. Nous avions eu la drôlerie, nous avions eu ensuite la majestuosité, place désormais au démonisme ! ∏ΣzΣL, prononcé « Mezel« , est une formation bretonne, de Rostrenen pour être exact, qui, là encore même avant de jouer les premières notes, proposait un avant-gout de ce qui nous attendait ! Corpse paint pour le chanteur, tunique en soutane, les autres musiciens oscillant soit avec des capuches, soit avec un look plus « gothique », nous allons avoir une musique plus tournée sur le démonisme ! C’est un peu la curiosité du festival qui allait jusqu’à présent sur des groupes estampillés metal folklorique, mais qui d’un coup nous balance une formation beaucoup plus old school. A n’en pas douter dès les premières notes, avec ce black metal teinté de death metal et de symphonique, la présence de ce clavier étant prépondérante avec des sonorités très années 90 / 2000 que j’adore par-dessus tout. La prestation du chanteur dont j’ai adoré les facéties sur scène et ce talent incroyable qui consiste à se défouler en pliant son corps et d’un coup se remettre droit, totalement possédé et dans son personnage de prêtre traitre à sa foi, qui va évoluer de plus en plus en fonction de la prestation vers une allégeance aux démons, n’hésitant pas à planquer une fiole d’alcool dans une Bible par exemple, ou en enlevant cette soutane pour finir torse nu avec plein de pendentifs. On sent que ∏ΣzΣL tourne son concept vers cette idée d’apostasie. La musique quant à elle est extrêmement efficace et bourrine au possible, avec tantôt des riffs acerbes et tranchants très black metal, tantôt une lourdeur extrême et oppressante très death metal, le chanteur lui-même variant avec beaucoup de maitrise les deux techniques principales des genres dûment nommés. D’ailleurs, détail très important pour moi, j’ai noté l’intelligence totale du bassiste qui a varié les techniques de jeux de corde selon les riffs black ou death metal, allant au mediator sur le black pour les blast beats, et sur un jeu de doigt pour la lourdeur du death. Cela peut sembler anecdotique mais c’était très bien trouvé ! La musique m’a bien parlé, j’adore ses sonorités qu’elles soient black metal ou death metal, et ces claviers… Le son de ces claviers qui font très anciens, très old school, ma copine et moi en raffolons ! Au final, ∏ΣzΣL, qui remplaçait une autre formation (Les Chants de Nihil que je me faisais une joie de voir), m’aura offert ma deuxième claque du festival. Véritablement sérieuse et carrée, allant sur une musique aussi inattendue que bien jouée, dotée d’une prestation scénique puissante et théâtrale au possible, je crois que cette formation pourrait aller très loin si elle s’en donnait les moyens. Vraiment ! Grosse grosse surprise.
Il est temps pour nous désormais de laisser la place aux trois dernières formations étrangères du festival ! Et croyez-moi, cela va s’annoncer très lourd. Havamal est une formation que je connais grâce aux relations amicales que j’entretiens avec leur bookeuse Brigitte, française qui réside en Suède et qui gère Hell Frog Promotion, une agence de booking européenne. Ce groupe originaire de Suède a une saveur toute particulière pour moi pour cette amitié, mais aussi parce que cela va sans dire qu’en termes de talents, nos amis nordiques n’en manquent pas. De grandeur aussi, puisque leur chanteur doit facilement dépasser les deux mètres de haut et domine littéralement toute la fosse ! Cela devrait être considéré comme du dopage moi je dis… Je plaisante ! Havamal confirme en tout cas ce que je pensais depuis un moment : on peut faire dans le paganisme et dans un autre genre que le metal folklorique et le black metal. Proposant une musique résolument death metal mélodique, très ancrée sur une démarche comme le ferait Wintersun par exemple, ce genre de formation a parfaitement sa place sur une affiche comme l’Ar Vran Festival et le démontre par la manière avec laquelle le public a totalement adhéré au concert. Vraie bombe musicale, doté d’un jeu de scène quasiment parfait et qui fait la part belle aux interactions avec le public (qui joue totalement le jeu !). Moi qui suis frontman, j’ai été franchement admiratif de la capacité du chanteur à motiver le public comme il l’a fait. Tout est dans le regard, dans les paroles, dans le bon choix des moments dans les morceaux pour réveiller la foule. Bref, tout était impeccable. Musicalement, on ne peut pas douter du sérieux de la formation pourtant assez récente, et avec « seulement » deux albums au compteur dont le dernier remonte à 2021. En plus, en se basant sur la mythologie nordique pour amener son concept, le groupe utilise forcément ses thématiques qui me parlent et qui me permettent de vivre le truc. Tout ce qui est viking, nordique et légendaire, forcément on ne peut que me séduire, et je trouve qu’en plus, les thèmes sont choisis avec justesse sans pour autant tomber dans la facilité. Quand on parle du Kraken, puis des Berzerker, je me dis qu’au moins Havamal fait l’effort de ne pas nous rabâcher les oreilles avec les sempiternels mêmes dieux nordiques, et que sais-je. On sent en tout état de cause que Havamal a de l’ambition à revendre et qu’ils pourraint sans difficulté aller loin, tant la prestation était propre. J’aime beaucoup leur musique même si elle sonne peut-être un poil trop moderne à mon gout pour du death metal mélodique, et ses nappes de claviers je trouve qu’on les entend trop de nos jours, comme si c’était à la mode. Mais je dois bien admettre que Havamal est une formation qui avait largement sa place plus haut sur ce festival tant la perfection était de mise ce soir. Une bien belle découverte pour moi !
S’agissant de la formation suivante, Vanaheim, je peux me targuer d’avoir été en relation Facebook avec deux des musiciens bien avant qu’ils ne montent autant ! C’est donc un groupe que je suis depuis les tout premiers débuts. Que j’ai eu la chance de voir monter, de loin évidemment, et j’aime cette sensation. Cela m’avait fait pareil avec le groupe Fleshgod Apocalypse par exemple. Et détail curieux, c’est la première fois que je les vois sur scène ! C’est avec un brin d’excitation et de curiosité exacerbées que je vois le décor s’installer. Un décor plus travaillé que tous les groupes précédents réunis, avec cette monture en bois où tombent des plantes grimpantes, des lanternes tout autour et bien évidemment les fameux drapeaux derrière et sur les côtés. Je trouve que cela amène d’emblée un sérieux et une ambition dans la prestation qui motive, ce genre de décor. Et suffisamment de mystère pour la suite, parce qu’au final, un contour en bois avec des lanternes peut être vecteur de n’importe quel style ! Et d’entrée, c’est la claque ! Le metal proposé par les hollandais est, à ma grande surprise, finalement très moderne et violent, ne laissant aucune place à de la fioriture. Une vraie intensité dans la musique qui pourtant, se pare d’un violon pour amener une touche mélodique en plus, mais la déflagration que l’on se prend est incroyable. En fait, toute la prestation scénique est vouée à nous en mettre plein les yeux, tant les musiciens ont un énergie d’enfer ! Le chanteur nous gratifiera de quelques mots en français, effort que j’apprécie sincèrement. Et surtout, surtout ! Quand on sait que Vanaheim n’a finalement sorti « que » un album et deux EPs, le tout sans label, et quand on voit l’ascension démentielle de la formation de Tilburg, on se dit quand-même que c’est du lourd. Et de l’ambitieux ! Jusqu’à présent pourtant, la formation n’a jamais été réellement tête d’affiche, plutôt première partie de très grosses pointures. Force est de constater qu’à ce jour, Vanaheim tutoie les sommets de plus en plus et au vu de la prestation du jour, c’est amplement mérité. Mention spéciale à l’extrême gentillesse des musiciens, et au fou rire pris avec le chanteur quand nous avons remarqué un couple qui s’embrassait fougueusement dans la foule, pile devant nous. Non, vraiment, c’est un super groupe de metal folklorique.
Et pour clôturer cette deuxième édition du Ar Vran Festival, Dalriada se présente à nous. On ne présente plus la formation hongroise, une des pionnières des deux jours avec une existence depuis 2003 et pas moins (c’est colossal) d’onze albums, une compilation, trois singles, un album live et une démo. Ce n’est pas rien ! Forts de cette longue et belle carrière, on pourrait croire que Dalriada n’a plus rien à prouver, eux qui sont considérés comme le meilleur groupe de Hongrie en matière de metal extrême. Mais dès les balances, je sens que quelque chose ne va pas le faire ce soir. D’abord, l’attitude de la chanteuse, très fermée et visiblement agacée par un certain nombre de choses. La nonchalance étonnante du guitariste et fondateur du groupe, qui semble dans un état second. Et cette ambiance pesante qui règne d’une manière générale sur la scène, comme si, clairement, cela emmerdait le groupe d’être ici. Après, les premières notes arrivent et même si l’entrée des musiciens demeurait molle, les compositions retrouvent cette joie qui anime depuis toujours les compositions de Dalriada ! Globalement, le concert met un peu de temps à démarrer mais le public lance dans la bagarre toute son énergie subsistante après l’ouragan Vanaheim pour honorer le groupe comme il se doit, avec tous les égards que l’on peut avoir. J’ai quand-même été déçu de la prestation, notamment en reprenant ce que je disais plus haut. L’attitude de la chanteuse qui finalement ressemble de plus en plus à une pop star y compris dans ses postures sur scène et son air renfrogné, et l’apathie décidément curieuse du guitariste / chanteur (qui a toujours une belle voix avec les années) font que je n’ai jamais réussi à entrer dans l’ambiance. Ce n’est pas faute, du côté du claviériste et du bassiste, de se donner corps et âme pour faire vivre ou survivre le spectacle. Mais il y a un truc qui ne va pas ce soir avec Dalriada. J’adorais les lives avec tout un panel de musiciens folkloriques pour donner davantage encore d’âme à cette musique traditionnelle et metal magnifique. Là, c’est d’une pauvreté décevante. Je suis parti du festival un brin sur ma faim, je pense que Dalriada aurait largement pu faire mieux.
C’est néanmoins sur une note extrêmement positive que je quitte pour la dernière fois la salle où s’est déroulé le Ar Vran Festival. Je crois que la satisfaction est le mot le plus ingrat que je connaisse pour décrire ce que j’ai vécu pendant deux jours. C’est presque un sentiment de zenitude qui m’anime pendant que je rédige ces lignes. Modeste contribution de notre part, mais je crois définitivement après ces deux jours que mes festivals préférés demeurent ceux à taille humaine comme celui-ci. Je ne connaissais que peu de monde mais j’ai adoré les rencontres sur place. Les confirmations de ceux que je côtoyais sur Facebook et qui sont des musiciens exceptionnels, aussi bien humainement qu’artistiquement, comme Pierre Delaporte, Geoffroy et Sven, les musiciens de ∏ΣzΣL, ceux de Vanaheim qui ont été d’une disponibilité incroyable pour déconner. Et le fait d’avoir discuté avec son fondateur, Kobal, me prouve que l’on peut mettre en avant la passion, quitte à prendre des risques, tant que le public est heureux l’essentiel est sauf. Et j’espère sincèrement que l’année prochaine, je reviendrai pour une troisième édition parce que c’est amplement mérité. Que le public réponde présent, c’est pourtant pas si compliqué bon sang !
Merci à tous et à l’année prochaine, on y croit ! Et Soil Chronicles sera là !
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