Note du SoilChroniqueur (Vince le Souriant) : 8/10

Oppressant (adjectif) : «qui pèse, qui crée une sensation d’accablement»
Fondé en juin 2023 en Californie, Antania est un duo issu de Luna 13, l’ancien projet de Dr Luna. A l’origine bassiste, ce dernier rencontre des soucis de santé à l’âge de 18 ans et part pour l’Inde, où il troque la quatre cordes contre des synthés, tout en développant un goût prononcé pour la spiritualité et l’occulte. De passage à Londres, il assiste à un concert de The Prodigy. Lui vient alors l’idée d’en créer une version black metal : le blackened doom bass, genre n’ayant recours à aucun sample ni instrument à cordes, est né.
Kali Mortem, second membre du duo, était la photographe attitrée de Luna 13 avant de devenir la voix du groupe. Dr Luna étant prêtre au temple d’Hécate à New York, c’est tout naturellement qu’il a nommé son groupe d’après un des noms de la déesse : Antania, ennemie du genre humain. Le groupe a sorti un premier disque en juin 2023, « Lividity« , dont la plupart des titres ont été repris et remaniés pour « The God Complex« .

Et l’album lui-même ? Eh bien, vous êtes vous déjà demandé quel son pouvait produire une araignée ? Ce que pouvait entendre une mouche engluée, tandis que la bête arrive sur elle, faisant claquer ses chélicères ? Eh bien Antania en donne une idée assez précise, tant la musique du groupe semble dédiée à la mort et à la douleur. Ce caractère malsain est d’ailleurs parfaitement assumé, le duo californien indique lui-même que ses pistes sont inspirées de crimes et de faits-divers ayant réellement eu lieu, le tout mêlé à des références occultes. Et de fait, on ne sort pas indemne de cette heure d’écoute, tant l’ambiance est poisseuse…
Ainsi, l’album ouvre sur le titre éponyme, « The God Complex », mur du son, sur fond de flûtiau orientalisant, et dont les chœurs sont assurés par… La famille Manson, ressuscitée pour l’occasion. C’est d’ailleurs d’eux dont traitent les paroles, promettant entre autres “l’obéissance par le sang et le sexe”. Le décor est planté et, un peu comme dans un grand huit, on regrette peut-être d’être monté, mais trop tard.

Et c’est bien comme dans des loopings que les titres s’enchaînent, tous plus vertigineux les uns que les autres, et menaçant tous de vous faire rendre vos boyaux. A ceci près qu’ici, le manège est couplé avec un train fantôme. En effet, les sonorités industrielles, répétitives et dérangeantes, par ce qu’elles véhiculent de mécanique et d’inhumain, sont partout, et notamment dans « Angels and Demons III », et son sifflet à faire dresser les poils. Antania n’est guère plus rassurant, dont les loops de cris féminins n’évoquent pas franchement la tendresse et la complicité.

Rien de vanille non plus dans « D3D SOLZ », sur lequel le clavecin rappelle la saga Saw, et dont la conclusion est ‘Death is your only escape’.

Passons sur « Ritual Carnage », sorte d’intermède, pour aborder « August », sixième titre et comptine sinistre, agrémentée de boîte à musique, dédiée à Kali Mortem, née un six août. Vous en avez assez ? Dommage, voilà « Black Glitch Six », le titre le plus terrifiant de l’album. Le duo y recrée des sons de jeux vidéos rétro, comme les arcades des années 80, et nous fait visiter une sorte de fête foraine tout droit sortie d’un esprit dérangé. La voix de Kali Mortem s’y fait particulièrement inhumaine, qui scande “I invoke the magic of hate, I invoke the power to decimate”. Ça sonne comme un clavier Bontempi, mais je peux vous jurer que l’envie de rire s’est fait la malle. Un prodige d’horreur devenu son.
Les trois titres qui suivent, sans être anecdotiques, offrent un répit relatif : « Scienze of Murder », « Todays Your Day » dont le chant évoque vaguement Korn ou Slipknot, et « Hello Gloomsday » auquel l’orgue confère des relents gothiques. C’est bienvenu, tant le titre qui leur succède, « Trophy », est peut-être LE morceau emblématique de l’album, et à coup sûr, celui qui donne le plus envie de remuer, même si c’est pour se carapater à vitesse grand V de cet abattoir où c’est vous qui fournissez la viande.

Si le pire est passé, la suite de l’album n’est pas une sinécure pour autant. « In The Fire » rend un bel hommage aux violons des B.O. de films d’horreur, tandis que « Cyclops » vous promet ni plus ni moins que d’être énucléé (“You’re gonna be a cyclop, with pick in your eye”). Youpi, je prends tout de suite rendez-vous chez l’opticien pour me faire faire un monocle !
Quant à, « Netherland », le titre vous passera l’envie de visiter l’autre pays du fromage : le vent y souffle fort (d’où les moulins) et fait un drôle de bruit.

Enfin, « 3 Days » (outro) ferme la marche en beauté, avec l’interview d’une dame qui admet avoir arraché les dents et fracassé le crâne de sa victime au marteau avant de la découper. Quand on commence à chahuter, on ne sait jamais comment ça va finir.

Cet album est à écouter avec précaution. “Three days to rip off your heart” dit la dernière chanson, c’est beaucoup de temps pour faire ce que l’album parvient à accomplir en une heure chrono ! Je n’aurais jamais cru qu’un disque donnant parfois l’impression d’avoir été enregistré avec des instruments Playskool puisse être aussi terrifiant. J’ai depuis longtemps passé l’âge des contes, mais désormais, au moment d’aller me coucher, je n’ose même plus regarder sous mon lit : j’ai bien trop peur d’y trouver Antania !

Tracklist :

The God Complex 04:12
Angels and Demons III 04:09
Antania 03:52
D3D SOLZ 05:06
Ritual Carnage 04:22
August 04:07
Black Glitch Six 04:08
Scienze of Murder 03:51
Todays Your Day 03:32
Hello Gloomsday 04:07
Trophy 04:19
In the Fire 04:24
Cyclops 04:04
Netherland 03:48
3 Days (outro) 02:49

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