Eclectika – Lure of Ephemeral Beauty
Line-up sur cet Album
Sébastien Regnier : chant, instruments / Aurélien Pers : chant / Noémie Sirandre : chant.
Style:
Black Metal théâtral expérimentalDate de sortie:
Novembre 2012Label:
Asylum Ruins RecordsNote du SoilChroniqueur (Lusaimoi) : 5,5/10 (entre 4 et 7/10)
Voilà un groupe qui porte bien son nom. À la base œuvre d’un seul homme, Sébastien Regnier, Eclectika s’est vu complété par deux vocalistes Aurélien Pers et Noémie Sirandre (remplaçant, sur ce troisième album, Alexandra Lemoine). Et comme tout projet dirigé par une seule entité, Eclectika montre une certaine forme de liberté. Une liberté que Sébastien Regnier veut conserver en étant aussi le propriétaire du label Asylum Ruins Records, sur lequel sortent les albums du groupe. Une liberté qui se symbolise par un mélange des genres. D’où une certaine difficulté à qualifier la musique. Post-Black Metal ? Experimental Black ? Black/Death Symphonique ? Les appellations sont nombreuses, mais possèdent un terme en commun. Black.
Eclectika, on pourrait le décrire comme un Black Metal pas vraiment furieux, mixé à des parties ambiantes, à des éléments atmosphériques ou encore symphoniques, le tout dans une ambiance très théâtrale.
Une théâtralité qui se ressent dès le livret, son atwork soigné, prenant pour scène des images stellaires – thème déjà présent dans les deux premiers albums du groupe, qui partagent aussi pas mal d’éléments communs dans leur construction – et ses textes littéraires en français accompagnant les paroles, elles, en anglais.
C’est par une intro tout aussi théâtrale, que démarre cet album. D’abord martiale et grandiloquente, puis plus intimiste, avant de mélanger le tout, elle se révèle assez éloignée des ambiances présentes dans l’artwork. Et en fait, ce constat sera présent sur une bonne partie de cet album.
Parce que Lure of Ephemeral Beauty souffre de pas mal de défauts qui empêchent les idées de se hisser là où le créateur voudrait qu’elles soient. En premier lieu, et parce que c’est certainement le plus important, la production.
Sébastien Regnier tient à son projet. Il y tient et veut qu’il lui appartienne. C’est louable, très, de tenir à sa création comme ça, de la vouloir sienne et seulement sienne, et c’est pourquoi il s’occupe de tout. De la composition à la commercialisation, en passant par l’artwork, l’enregistrement et, donc, la production. Le problème, c’est que celle-ci, pour symboliser l’immensité spatiale, ou la sérénité céleste, aurait mérité d’être beaucoup, beaucoup plus claire, plus cristalline. Ici, nombre de riffs Black Metal ont tendance à tomber à plat, et certains éléments sonnent très cheap, la faute à un son qui sonne encore trop « fait maison ». Ça aurait pu passer avec un groupe de Trve BM souhaitant un son crasseux – et encore, il aurait perdu une sacrée puissance –, mais ici, on peine à s’envoler.
D’autant plus que certaines fois, et malgré les variations, les différents genres brassés ici, un gros sentiment de répétition se fait ressentir. Oui, il y a des groupes de BM – même les plus grands – qui basent toute leur musique sur la répétition d’un seul et même riff au sein d’un morceau, mais là, je ne sais pas, au lieu de créer un sentiment de transe hypnotique, on sent juste la répétition. Peut-être Eclectika aurait-il intérêt à accélérer son jeu, surtout sa batterie. Peut-être aussi gagnerait-il alors en efficacité ce qu’il perdrait en originalité…
Cette originalité, elle est également apportée par Noémie Sirandre et son chant lyrique. Malheureusement, c’est aussi ce qui m’a rendu ce CD aussi dur à appréhender. Déjà, ma Nightwishophobie (*) n’a pas dû aider, mais j’ai aussi eu l’impression que cette voix était sur-utilisée. Une sensation qui m’est déjà venue dès « Lure of Ephemeral Beauty », le premier morceau non instrumental de l’album, et en particulier vers la fin, où le texte s’efface au profit de vocalises parfois très limites. Bien sûr, la demoiselle faisant partie du groupe, il est normal de l’utiliser, mais contrairement à d’autres groupes, où l’élément original est employé pour souligner, amplifier, créer un effet, ici, elle semble parfois être là simplement pour être là.
On a pourtant affaire à de très bons trucs, comme ce passage précédant un chouette solo (de Vincent Valenti, du groupe de Prog dijonnais Prophecy) sur « Cyclic Anagnorisis », où la basse est mise en avant sur une guitare électrique assez inspirée. On a souvent une sensation de réussite au sein de cet album. « Sophist’s Death : Legacy and Bitter Tears », par exemple, au début ambiant à la fois très aquatique, céleste et serein ; un titre s’annonçant comme une vraie réussite, avec ce martellement qui vient casser l’intro, ce riff lointain et pour la première fois réellement prenant. Même si, par la suite, celui-ci est modifié et devient moins bon, un autre changement le rend plus rageur, et même (je dis « même » en raison de ma phobie) la voix lyrique nous pond des lignes de chant vraiment bien senties.
« Les Sept Vertus Capitales » aussi démarre bien (comme souvent d’ailleurs), mais se voit encore une fois cassé par la production. Le riff principal fonctionne, malgré tout, et fait de ce titre l’un des meilleurs du CD. Surtout que les grognements d’Aurélien Pers – dont la voix est assez écorchée et « lointaine » – est plus hargneuse qu’à l’accoutumée sans changer radicalement. Et puis, ce morceau se paye une jolie envolée vers la fin grâce aux vocalises de Noémie, placées cette fois en tout arrière plan.
On peut également citer « Handicapped Sex in a Mental Orgy », dissonant et désaccordé, où la jeune femme prend une voix plus Pop pas désagréable du tout. Ou les expérimentations lors de passages ambiants, comme ce theremin sur « Room Nineteen ».
Et l’Ambiant, parlons-en aussi, car il représente l’une des principales facettes de ce groupe. En plus des intros, des passages au seins de titres, deux morceaux entiers de ce genre sont présents sur les dix que compte Lure of Ephemeral Beauty.
Ainsi, « Trauma 835 » se montre comme une véritable BO de film d’horreur. Voix parlée, bruitages inquiétants de machines, de crissements, de bourdonnements, de hurlements. Un vrai cauchemar. Du coup, « Sweet Melancholia », qui suit, devient on ne peut plus rassurant. Basée sur la même répétition de notes (claires) – à la guitare sèche un peu mariachi sur les bords –, elle voit ses variations venir de tout ce qui l’entoure. Le chant lyrique y devient réellement justifié et contribue au sentiment de paix qu’il dégage.
Mais le plus important, le plus long, et aussi celui qui clôt l’album, « Aokigahara ». Un titre très serein où l’on ressent vraiment cette atmosphère à la fois tranquille et glacée de l’espace. Les incursions de guitare électrique, très éloignées du BM cette fois-ci, deviennent savoureuses, malgré toujours cette tendance à la répétition – hormis dans la deuxième partie, où cet instrument fait un peu « ballade de Guitar hero ». C’est un morceau qui, discrètement – car on reste souvent sur cette mélodie rappelant la BO de Final Fantasy VII –, évolue par l’ajout et la suppression progressive d’instruments.
Un dixième titre de dix minutes pile (tout comme les dixièmes et derniers titres des deux albums précédents), qui passe tout seul même si sa durée n’est pas épargnée par quelques longueurs.
Avec ce troisième album, Eclectika poursuit son chemin. Un chemin qui lui est propre, un chemin façonné par son créateur. Malheureusement, parcourir ce chemin seul ne lui évite pas quelques embûches. Parce que Lure of Ephemeral Beauty possède pas mal de défauts qui peuvent entacher son écoute, ou son envol. Une production faiblarde, une voix lyrique un peu trop utilisée… Malgré tout, la musique de ce trio possède ses atouts. Certains riffs, certains ambiances…
C’est un vrai concept que propose Sébastien Regnier. Un concept qu’il étale sur l’intégralité de ses albums, d’où la présence de certains points communs dans leur construction – la durée du dernier titre n’étant qu’un exemple parmi tant d’autres (le nombre de plages, la présence de chiffres dans titre de la sixième, etc).
En fait, le ressenti qu’on aura à l’écoute d’Eclectika variera pour chacun. C’est un peu vrai pour tout, vous me direz, mais ici, ça semble comme amplifié. Certains le détesteront et le rejetteront dès les premiers moments, d’autres pardonneront ses défauts et le prendront pour ce qu’il est. Un album, un concept ambitieux, pas totalement maîtrisé, mais, par certains côtés, original.
(*) terme musical renvoyant à une intolérance quasi-physique concernant toute présence de chant lyrique au sein de morceaux Metal. Cette allergie peut se montrer sous divers degrés, allant de quelques groupes isolés à tous les représentants de formations de Metal à chanteuse.
Pour ma part, elle se résume au chant lyrique dans le Metal, mis à part quelques exceptions venant surtout de l’autre côté de l’Atlantique.
Site officiel: www.eclectika.fr/
Facebook : www.facebook.com/pages/ECLECTIKA
Tracklist:
1. Through the Supernova Remnant
2. Lure of Ephemeral Beauty
3. Cyclic Anagnorisis
4. Room Nineteen
5. Sophist’s Death: Legacy and Bitter Tears
6. Trauma 835
7. Sweet Melancholia
8. Les Sept Vertus Capitales
9. Handicapped Sex in a Mental Orgy
10. Aokigahara
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