Line-up sur cet Album
- RI Salma : basse, claviers, orgue
- Ardath : guitares, chant, percussions
- L.C. Chertan : batterie
Style:
Sludge Metal / Drone AmbiantDate de sortie:
13 novembre 2020Label:
Argonauta RecordsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 8/10
“Ainsi, ce sont bien nos ancêtres qui sont à l’origine de nos mauvaises passions ! Le diable, sous l’apparence du babouin, est notre grand-père.” Charles Darwin
Allez! Encore un groupe qui va me faire cogiter sur mes connaissances en mythologie. J’en apprends beaucoup parce que les références concernant les différentes mythologies sont fréquentes dans ce type de musique, sans trop que je comprenne pourquoi parfois. Que l’on soit sur des références démoniaques, dans le domaine de la Goétie ou de la démonologie dans sa globalité, je peux l’entendre assez bien. Mais quand on touche des mythes beaucoup plus anciens, et surtout païens, je me dis qu’il y a vraiment une curiosité en ce bas monde, et un regain d’intérêt pour ces croyances anciennes et désuètes. D’ailleurs, en plein préparatifs pour Noël avec ma femme, nous nous sommes aperçus de ce regain pour les mythologies notamment dans les rayons enfant des libraires, ou les bandes-dessinées, les films, etc. Il y a une flopée assez folle d’ouvrages artistiques en lien avec les mythes et croyances polythéistes. Cette fois-ci, c’est le dieu Niribu qui a été mis en valeur par un groupe. Lié à la mythologie babylonienne, il est souvent mentionné que Niribu serait surtout la transposition du Dieu bien connu par les amateurs de black metal : Marduk. Autrement, Niribu est surtout connu pour être un astre inconnu, supposé existant au-delà de Pluton, « [Les chercheurs] soutiennent l’idée que Nibiru serait un objet céleste encore non identifié par l’astronomie moderne. Cet astre supposé inconnu, la planète X, passerait à proximité de la Terre tous les 3 600 ans, et serait actuellement situé au-delà de Pluton. On l’assimile parfois à l’hypothétique planète Perséphone (astre supposé par certains astronomes sur base d’anomalies dans l’orbite de Neptune). » (Wikipedia). Voilà un nom empreint de mystères et, on peut le dire, de noirceur. Aussi, il m’apparaît évident qu’un groupe répondant de ce nom précis existerait, et c’est celui que je vais vous présenter ce soir.
Le Niribu qui nous intéresse donc ce soir nous vient non pas des confins du système solaire, ni des livres de l’Enuma Elish, mais bien d’Italie. Du Piémont plus précisément, et encore plus précisément de Turin. Le groupe existe depuis et cartonne actuellement à six albums, un EP et deux singles. Une carrière florissante, avec pas mal de sorties, on en a pas mal des groupes comme celui-ci. Ce qui caractérise Niribu réside dans ses concepts albums, très centrés tous sur l’occultisme, la magie et croyances des pays de l’Est asiatique et surtout, un sujet qui ne me laisse pas du tout indifférent et qui montre à quel point le trio pousse le bouchon très loin : les écrits énochiens. Pour les méconnaisseurs, les écrits énochiens sont issus d’une langue construite occulte, considérée par l’occultiste John Dee comme le « tout premier langage. » Il l’appelait « langage céleste », « langage des anges », « premier langage du Christ-Dieu », « langage sacré » ou encore « la langue adamique », utilisée par Adam pour nommer les choses et les êtres qui l’entouraient. J’ai toujours été très fasciné par ce langage incroyable, difficile à percer et de voir un groupe qui se penche dessus, cela m’excite comme un poisson devant l’appât.
Je trouve l’artwork de ce sixième album qu’est Panspermia particulièrement dérangeant. Il m’est compliqué de le regarder longtemps pour le décortiquer tant j’ai le sentiment de percer un secret inavouable et de devenir une sort de blasphème. Un artwork dérangeant qui mélange des symboles anciens, une texture qui fait penser à un parchemin mouillé, et qui montre des personnages qui semblent tout droit sortis d’un livre démoniaque ou d’une histoire sanglante de la mythologie babylonienne. On a le prototype parfait du stéréotype mythologie sanglante avec ce personnage musclé qui montre d’un côté une tête coupée et de l’autre une direction, les personnages anthropomorphes sur les côtés et une sorte de promontoire au milieu. Ce n’est pas très évident de dire que ce design ô combien intéressant est vendeur parce que, si vous n’êtes pas branchés mythes et légendes, que vous être plutôt du style à aimer les artworks qui respirent l’ancien hard rock des années 80 ou au contraire la modernité, je dois vous avouer que cela ne vous plaire pas. Clairement. Parce que moi qui suis habitué à ce genre de représentations graphiques dérangeantes mais surtout ciblées (je cite en exemple la chronique du groupe Nyarlath qui avait fait un genre comme celui-ci et que j’avais bien aimé), j’aime beaucoup! L’effet dérangeant doit être assumé, je le soupçonne en tout cas fortement et je suis enclin à l’accepter pleinement puisque c’est exactement ce que j’ai ressenti : une gêne, mais une gêne qui pousse à la découverte, un peu comme devant un film d’horreur alors que l’on déteste : on va regarder malgré la peur. Je trouve d’ailleurs qu’il y a une belle métaphore de proposée entre cette mythologie apparente et le principe de la panspermie qui a donné son nom à l’album et qui est, pour les ignorants, une théorie selon laquelle tout organisme vivant sur la Terre est extraterrestre.
Petit bémol : mettre le logo du groupe et le nom de l’album n’aurait pas été de trop, pour les auditeurs qui veulent acheter le CD c’est quand-même mieux de donner un repère visuel net.
Constat fait en haut, constat fait à présent au même niveau pour la musique. La première écoute est laborieuse. Présenté dans la liste que l’on reçoit tous les mois comme du « sludge black metal« , je suis un peu en peine de le confirmer ou de l’infirmer tant la musique est tout sauf aisément codifiée ainsi. D’abord, pour moi, il n’y a aucun élément black metal dans cet album. Et ensuite, si sludge il y a assurément, il est bien édulcoré et parfois même carrément mis de côté pour une musique très drone metal, voir ambiant. Je verrais bien une nomination genre « sludge metal / drone ambiant » pour ma part. Une fois l’effet de surprise passée concernant le genre, il y a un autre défi de taille à relever : la longueur des morceaux. L’album dure plus d’une heure, mais il n’y a que quatre pistes! Pour une moyenne globale de quinze/vingt minutes chacun. Seul le dernier dure moins de dix minutes… Et franchement, ce n’est pas du tout un album que l’on doit écouter comme une démarche d’écoute habituelle : il faut se dire qu’on va au mieux méditer, au pire s’ennuyer. C’est long, lancinant au possible, d’une langueur terrible et terrifiante, les ambiances feraient passer un bad trip durant une semaine à un toxicomane en rave party sous héroïne ou champignons hallucinogènes. La musique est donc dérangeante, tout autant que l’artwork! Il faut être en plus très attentif à ce qui se passe, parce que les morceaux (fort heureusement) varient souvent dans les riffs et les ambiances, ce qui demande un effort de concentration assez phénoménal. Vraiment, cette première écoute me laisse déjà sûr de moi concernant le public à laquelle je vais conseiller cet étrange et mystérieux album quatre titres. Pas à tout le monde.
Pour ce qui est de la production c’est là encore une démarche artistique surprenante, et je suis d’autant plus agréablement surpris que le label Argonauta Records a sorti cet album, comme au moins quatre précédents! Ce label s’intéresse donc de près à des groupes aussi perchés? C’est épatant! Le son est particulier, pas à la portée de toutes les oreilles, surtout les plus sensibles et les plus hémophiles on va dire. C’est un son très enveloppé dans une sphère ambiante donc avec une occupation du champ sonore très vaste, très linéaire, comme de grosses nappes de claviers mais avec ce côté nasillard assez usant. Je trouve qu’il y aurait pu avoir un effort de fait sur la batterie, moins présente qu’à l’ordinaire mais qui sonne trop organique. Par contre les samples sont excellents et sont très bien retranscrits. Je trouve que l’avantage d’avoir un son un peu brut de pomme comme on dit, c’est qu’on entend tout de manière certes stridente, mais au moins sans être obligé de froncer les sourcils pour se concentrer. Il y a donc un choix fort qui a été fait pour garder ce côté dark ambient très profond et ainsi donner une sorte de bestialité, de brutalité dans la musique de Niribu. Un choix artistique très judicieux mais, je le répète, ne doit pas être mis entre n’importe quelles mains.
Je vous avouerai que je me suis arrêté à la deuxième écoute, ce qui s’apparente un peu à un exploit sans vouloir me jeter des fleurs. Au final, l’aspect occulte est très envahissant et ce n’est pas le premier groupe de drone ambiant que j’entends agir de la sorte. Neptunian Maximalism, Folian, et autres, surfent sur cette vague de base musicale minimaliste mais qui s’avère, dans le cas de Niribu, bien plus sophistiquée. L’apport non négligeable dans la composition de cet aspect « on lâche les barrières qui protège le conscient de l’inconscient et on retranscrit nos sensations » est primordial et font que, même si les pistes sont quelque peu fatigantes, l’album se déguste bien. Après, je trouve que quatre morceaux c’est très bien! Neptunian Maximalism avait pondu trois CDs, c’était vraiment trop. Là, quatre chansons pour une heure c’est déjà long, mais comme on s’imprègne vite de l’ambiance torturée et magique, cela passe vite et bien. Ce que je trouve aussi de très bon vient du fait que les pistes gardent la même base tout en variant pas mal les riffs et les sons. Ce qui fait que l’album a une suite logique qui fait penser à des incantations chamaniques, ou des libations divinatoires. En tout cas, tout est cohérent dans ce CD, et c’est un gros point fort!
J’aime bien aussi ce fonctionnement à trois musiciens. N’ayant pas trouvé de traces de concert de Niribu, je pense que c’est un groupe essentiellement studio ce qui permet de garder cette base de composition solide et cohérente. En plus les musiciens sont bien inspirés, je pense qu’ils partagent le ou les mêmes trips ce qui rend la musique fluide. Le talent est au rendez-vous, il ne faudrait pas que nos amis italiens usent et abusent de narcotiques! Mais cela… On ne peut pas le démentir au vu de la musique perchée au possible. Cela me fait penser à un truc : je me demande s’il n’y a pas un lien entre la musique parfois limite céleste ou spatiale, et le fait que Niribu soit une planète inconnue!
Là où toutefois, je trouve que le mystère demeure encore, ce qui est un moindre mal, c’est le chant. Il est carrément flippant, comme si le chanteur était possédé. Mais quand je vous dis cela, je n’exagère pas du tout. La possession est quelque chose qui m’effraie pas mal, alors quand j’ai accouché de la première écoute, dans le noir complet, je dois vous dire que j’ai eu en tête les images d’Anneliese Michel. Et pas que les images, la voix aussi! Le mec est littéralement habité par ce qu’il chante, d’ailleurs je n’ai pas compris un traitre mot des paroles. Je crois que le langage est vraiment de l’énochien… Sincèrement j’ai été époustouflé. Je sais que vous allez me dire que j’exagère un peu, que le chant est juste un bon sludge des familles, mais mon instinct me dit qu’il y a plus que cela. Il est fort probable que le type soit totalement en transe, ou totalement en pleine incantation quand il vocifère dans son micro statique. Je vous laisserai juger par vous-mêmes, mais je vous dis juste une chose : j’adore, je suis fasciné par le chant de cet album. J’aimerais avoir un tout petit morceau de possession comme cela, pour moi aussi être autant habité par ce que je chante. C’est dingue!
Allez les ami(e)s, on finit la chronique! L’album Panspermia est une belle découverte drone ambiant pour moi. Avec ce soupçon de sludge metal torturé au possible, on a un CD qui n’est absolument pas à la portée de tout le monde. C’est sûrement une volonté du groupe Niribu de continuer sa voie vers l’occultisme et ainsi, de privilégier un public initié ou habituée à ce genre de son, de concept étrange. On a une production fascinante, un chant authentique et flippant, il faut une bonne dose de recul mais une fois l’univers pénétré, on n’en ressort plus et le cas échéant, pas indemne. En tout cas, c’est un très bon album, qu’il faut apprendre à aimer mais qui ne s’apprivoise pas, qui reste sauvage et mystique. Et c’est bien là sa qualité principale.
Tracklist :
1. Alkaest 21:34
2. Aqua Solis 20:20
3. Efflatus 15:48
4. Kteis 09:04
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