Line-up sur cet Album
- Ossidiana : batterie, orgue, samples
- Noctu : guitares, basse, chant
Style:
Doom MetalDate de sortie:
18 mars 2020 (digital) / 30 septembre 2020 (CD)Label:
Autoproduction (18 mars 2020) / Black Death Production (30 septembre 2020)Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 8/10
“Écrire des lettres, c’est se mettre nu devant les fantômes ; ils attendent ce moment avidement. Les baisers écrits ne parviennent pas à destination, les fantômes les boivent en route.” Franz Kafka
Hommage à ma petite femme avec cette citation de Kafka, on en parlait la dernière fois du talent de cet auteur. Difficile de faire un lien direct avec la musique du groupe que je m’apprête à vous présenter, mais j’ai toujours cru aux phénomènes paranormaux. Je suis convaincu que les personnes laissent une trace de leur passage sur Terre, ce que l’on peut appeler vulgairement des ondes positives ou négatives. Certains vivants laissent même leurs tourments sur des objets, des créations artistiques. Je me souviens notamment avoir visité avec ma promotion infirmière à la Maison de Santé Saint Paul, la chambre où Vincent Van Gogh avait séjourné et créé quelques-uns de ses célèbres tableaux. Jamais une pièce ne m’avait autant paru étroite et sombre, bourrée de mauvaises ondes. A supposer que Van Gogh était sacrément torturé, les traces de son passage et de sa souffrance avaient imprégné les murs et les cloisons de sa chambre. Et contrairement à ce que beaucoup croient, le paranormal n’a rien à voir avec une quelconque religion ou autre. La souffrance ne dépend pas d’une croyance mais d’un vécu, aussi tout ce qui attrait à l’exorcisme par exemple, je n’y crois pas du tout. Qu’une âme en peine tourmente quelqu’un, cela va au-delà de la perversion supposée de la démonologie puisque le sentiment de tourment est accointant à une communication. En gros, une âme en peine cherche le plus souvent à communiquer et non à faire mal. Bon, je m’égare un peu, mais un groupe qui s’appelle Ghostlord, au mieux me rappelle mon rôle occasionnel de magnétiseur, au pire le film d’horreur absolument affreux qu’est Ghostland. Je dérive, je dérive… Mais allons-y pour cette nouvelle chronique.
Ghostlord est un groupe italien formé tout récemment, en 2019. La localisation exacte, on ne la connaît pas, et la seule chose que l’on connaît réside dans le fait qu’il s’agit d’un duo de musiciens. Une femme et un homme, Ossidianaet Noctu, ce dernier étant musicien dans les groupes Atra Mors (connu), Necromist et le groupe éponyme qui est en fait son projet solo. Donc, le duo de musicien sort en cette fin d’année 2020 une démo quatre titres, qui répond au doux nom (peu original) d’ Abyssic Death Masters. Pour le reste, c’est une démo sortie de manière indépendante, donc à prendre avec pas mal de recul quant à la qualité.
En elle-même, la pochette est intéressante. Surfant sur ce que l’on voit de mieux, ce qui n’est pas hyper original en soi, c’est à dire une sorte de mur de crâne, comme l’on en voit dans les catacombes de Paris. J’aime bien le contour limite un peu raffiné, qui se démarquent de la macabrité des crânes et la couleur beige qui fait plutôt l’effet d’une diarrhée de quelqu’un ayant des soucis hépatiques qu’autre chose, et le fond noir habituel et redondant, mais au moins le décor bien malsain est planté, et c’est ce que l’on demande dans le cas d’une démo, que ce soit clair et concis. Le logo est dans la même mouvance que les crânes et dénote encore plus du contour. Bon, c’est une pochette de démo, on ne devait pas s’attendre à bien mieux en fait. Je trouve qu’au moins, l’artwork fait le boulot sans prétention aucune que d’attirer l’oeil. Au moins, jouer sur le mortuaire comme cela, quand on a l’œil avisé et l’oreille aiguisée, on devine que c’est facile pour nous attirer puisque c’est immédiatement attrape-l ’œil et que l’on sait vers quoi l’on tend comme musique. Voilà donc une pochette bien, sans plus.
Alors, quoi dire de cette première démo pour notre duo italien? Qu’il y a de bonnes choses et de mauvaises choses. J’aime beaucoup l’intention derrière cette démo, la volonté de faire dans le funéraire à outrance a ses avantages et ses défauts, les avantages se situant sur des atmosphères bien macabres, qui font d’ailleurs plus penser à du black metal, ce qui est agréablement surprenant, et le travail qui est fait aux claviers notamment est superbe. La première écoute est intéressante sur bien des points parce que l’on sent que nos camarades italiens ont de très bonnes idées mais manquent en fait de « moyens » pour faire mieux. La musique, qui se veut être du doom death metal, est en fait plus du doom metal qu’autre chose surtout au vu de la qualité du son, de l’extrême lenteur de l’ensemble instrumental. S’estampiller doom death metal revient à mettre de temps en temps quelques éléments death metal, comme une bonne grosse batterie bien agressive et grasse, des guitares accélérées dans des riffs plus classiques en termes de tempo, un chant bien grunt grave. En fin de compte, tout ce que cette démo n’a pas. Donc, on pourrait se dire qu’ Abyssic Death Masters est une démo de doom metal, peut-être même de funeral doom, mais pas de doom death. Ou alors, le duo s’est sacrément lourdé dans sa production. La première écoute est en tout cas intéressante, je ne suis pas emballé, voir franchement pas trop, mais au moins je note quelques entrées en matière dignes d’intérêt, ce qui est déjà un bon point.
Je suis même plutôt étonné du son qui est proposé et qui est plutôt pas mal! Qui colle bien, en tout cas, avec l’aspect très mortuaire de la musique, qui sonne comme une longue longue marche funèbre, éclairée aux chandeliers par des gens à capuche. Le mystère demeure toutefois sur l’intention du duo, puisque la démo est vendue comme du doom death. Or, le son n’est pas du tout, mais alors pas du tout death metal. Pas de tessiture épaisse, on a même un son de guitare plutôt aiguisé plus dans le genre doom, une batterie trop peu présente sonoriquement pour donner du grain à moudre, la basse est inexistante. Les claviers sont bien sonorisés, avec un aspect old school avec ces orgues et ces nappes orchestrales typiques des claviers des années 90, que j’adore par ailleurs, mais le souci est qu’ils prennent beaucoup de place. J’imagine que c’est volontaire, donc en soi cette mise en avant excessive ne me choque pas. Mais du coup, je pense qu’ Ossidianaet Noctuse sont trompés sur une bonne partie de leur production et c’est difficile de valoriser une démo qui se vend sur le papier comme du « doom death metal » alors que tout le travail en studio montre une démarche presque inversée. Tout le paradoxe étant que j’aime vraiment beaucoup le son final, c’est typiquement le mélange sonore, avec ce chant qui sonne dark wave à l’Ice Ages, que j’aime. Alors bon… On va dire que cette démo n’est que doom metal et on passe à autre chose, allez!
Pour ce qui est des compositions, il ne faut pas être amateur de morceaux qui changent de riffs toutes les minutes par contre. Parce que les quatre pistes, d’une durée de neuf à quatorze minutes (tout de même) ne varient guère dans les riffs. C’est plus une sorte de rouleau compresseur avec les mêmes imperfections qui se répètent. Je me dis que cela doit être volontaire, que cela permet effectivement d’accentuer le côté tenaillant de la musique et que cela donne un côté très lourd à l’ensemble. Je reste persuadé qu’au vu de l’inspiration des musiciens – car les riffs demeurent efficaces – il y aurait moyen de faire bien mieux. De proposer des pistes plus élaborées. Pas forcément de trop, mais juste un tout petit peu. Le schéma de composition est le même : riff / pause aux claviers / riff, et cela mériterait là aussi de varier davantage. En revanche, je prends bien mon pied avec ces riffs très old school en doom metal! Les quatre morceaux sont longs mais passent relativement bien et ne lassent pas l’auditeur pour autant, ce qui est un bel avantage et doit être souligné en conséquence. Mais je me répète : la condition sine qua none est d’être amateur de morceaux qui ne varient pas. C’est particulier.
Je souhaitais m’attarder un court instant (je sais que cela va faire marrer mon correcteur) sur le chant. C’est pareil! Quand on me vend un bon gros doom death metal des familles, je m’attends à une voix énorme, caverneuse et grasse comme un lokoum gigantesque. (ND Correcteur: j’approuve: au micro, ce sont des hommes, des vrais, poilus, virils avec un regard méchant) Là, que nenni! On a un chant qui me fait plus penser à de la dark wave qu’autre chose. Alors, la bonne nouvelle est que j’adore énormément la dark wave donc le chant passe super bien, et j’aime bien cet effet voix à outrance. Mais il faut savoir de quoi on cause et clairement c’est encore une erreur manifeste de gout. En tout état de cause, le chant passe bien, avec ce scream pas forcément high, juste comme il faut.
C’est le moment pour moi de finir. Cette démo est une bonne entrée en matière pour le duo italien de Ghostlord, qui promet de bonnes sorties pour l’avenir, en espérant qu’ils persévèrent. Maintenant, il existe un problème d’identité musicale qui dénature pas mal le fond et la forme de cette démo. La vraie question est : n’y-a-t-il pas une erreur quelque part? Une sorte de déviation énorme de parcours, comme si l’on vendait du pâté de foie avec une étiquette de terrine campagnarde. Je suis convaincu qu’en fait, depuis le début, le groupe a fait l’inverse de ce que font tous les groupes actuels pour « bien » se vendre : ils se sont donnés une étiquette alors qu’ils font tout sauf une musique codée. Et si c’est quelque chose qu’il faut absolument corriger pour la prochaine fois, il n’en demeure pas moins que cette démo est prometteuse, et m’a bien plu quand-même. A suivre.
Tracklist :
1. Part 1 (09:14)
2. Part 2 (07:47)
3. Part 3 (07:31)
4. Part 4 (09:30)
Laissez un commentaire