Line-up sur cet Album
- Leonid Rubinstein : guitare, claviers, basse
- Stephan Wehrbein : chant
- Lucas Freise : batterie
- Guests :
- Jeff Black : piano sur 6
- Luc Francois : chant guttural sur 6
- Paul Thureau : voix samplée sur 4
Style:
Doom Heavy MetalDate de sortie:
19 mars 2021Label:
No Remorse RecordsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 7/10
“La psychanalyse : dites-moi vos phobies et je vous dirai ce qui vous fait peur.” Robert Benchley
Deuxième groupe que je connais qui me fait penser à cette phobie horrible et qui fait pourtant beaucoup rire les gens autour de moi : celle des fonds marins. Plus précisément, de tout ce qui se trouve sous l’eau, des poissons aux épaves en passant par les cétacés, les requins, les méduses, les pieuvres, etc. Tout! Et j’éprouve une fascination morbide pour les fonds marins dès lors qu’une entité musicale en parle. C’est assez dingue je sais, mais l’un de mes groupes préférés en a fait son fond artistique majeur : Ahab. Groupe allemand de funeral doom, Ahab dont le nom est une inspiration du Capitaine Achab, parle des océans et ses légendes dans chacun de ses albums. Chaque album est d’ailleurs un vrai noyau de noirceur tellement bien exprimée qu’on a vraiment le sentiment que les océans sont des dangers mortels pour l’Homme. Vous prenez le morceau The Pacific du premier album The Call of the Wretched Sea, vous avez l’impression bluffante de vous retrouver sur l’Océan Pacifique avec ses remous, ses accalmies étranges et ses profondeurs insondables. Alors forcément, quand un autre groupe propose un album sur les océans et tout ce qui m’effraie à un point maladif, j’éprouve une sorte de curiosité à la même hauteur que ma peur. C’est ce qu’on appelle grossièrement la fascination morbide, un peu comme une personne est sensible aux films d’horreur, mais va les regarder quand-même par fascination. Eh bien pour moi, c’est la même chose avec ma thalassophobie. D’ailleurs, je vous serai gré de ne pas prévenir Georges Pernoud, il est occupé à se reposer depuis le 10 janvier 2021, paix à son âme. Bref! Comme d’habitude je me suis lancé dans une introduction assommante pour raconter ma vie, je ne devrais pas mais que voulez-vous… Nous voici donc aux prises non pas avec un gros poisson, mais bien avec le groupe Servants to the Tide et leur album éponyme!
Servants to the Tide ne sont pas des marins d’eau douce, mais plutôt un groupe originaire d’Allemagne et c’est à peu près tout ce que l’on sait. Disons pour faire court que le groupe est surtout vendu pour être une sorte d’hommage rendu par son créateur Leonid Rubinstein envers ses « héros de doom metal » comme le label explique, en montant ce projet musical. C’est assez flou quoi. Pour le reste le groupe pose en photo à deux membres, or trois sont répertoriés sur le dossier presse du label donc là encore, mystère et boule de gomme… Mon principal attrait, en dehors de l’intérêt porté par le duo ou trio allemand pour la mer, se situe sur la liste d’invités qui sont présents en plus sur l’enregistrement de ce premier album. Il y a une vague connaissance : Paul Thureau, ancien membre de feu le groupe Gorgon que j’avais vu à Lyon une fois, et qui occupe le poste de guitariste chez… Frosttide! Rien que cela! Un sacré bond dans sa carrière, je suis épaté! Pour le reste, on retiendra donc, au vu de l’absence du groupe dans Metal Archives, qu’il s’agit d’un premier album, éponyme de surcroit. On va donc sur des terres inconnues, sans Frédéric Lopez toutefois. Ce qui n’est pas plus mal…
Mais avant d’attaquer l’écoute, place comme d’habitude à l’artwork. Bien naturellement, et comme j’expliquais plus haut, Servants to the Tide font l’apologie de la mer, mais dans sa forme déchainée. On voit ici ce qui ressemble un peu à une gravure, ou dans un style crayon à papier fort gracieux, et cette image représente un bateau en train de chavirer violemment sur une vague très haute, la même chose attendant le deuxième navire posté en fond d’image. En fin de compte, c’est un classique dans le style marin, cette allégorie de la puissance naturelle face à l’Homme, ce bateau qui chavire, censé être un appareil de maitrise des océans et qui se voit réduit à néant par l’océan lui-même. On pourrait y voir également d’autres métaphores plus complexes mais ce dessin est tellement déjà vu que je ne m’attarderai pas davantage à démêler le vrai du faux. Simplement, je dirais que ce n’est pas tellement le genre d’artwork qui me parle, je note cependant que le logo du groupe est bien plus sensibilant et représentatif de la musique de Servants to the Tide! Avec le trident en paréidolie, c’est plus quelque chose d’original que l’artwork lui-même. Constat plutôt du genre « Ok. Suivant » pour moi, il y aurait moyen de faire mieux je pense.
Pour ce qui est de la musique, de but en blanc sur une première écoute, je ne peux pas vraiment me prononcer sur l’intérêt que je porte à la musique de Servants to the Tide. En tout état de cause, le metal qui est présenté ici est un doom metal bien saupoudrés de heavy metal, un peu comme le groupe que j’ai fait récemment, Carcolh. La seule petite différence est que le doom metal a un son bien moderne, mais surfe sur des riffs qui me font penser très vite aux gros groupes comme Candlemass par exemple. En fait, il n’y a pas réellement de chose attrayante dans le sens où la musique qui est proposée par Servants to the Tide me semble être un peu réchauffée. Ce qui n’enlève en rien que la musique est bien ficelée, que l’album est une belle entrée en matière agréable, mélodieuse et avec un aspect océanique que je n’avais pas encore abordé dans un projet musical. Les compositions m’ont semblé relativement variées, justement un point intéressant pour un style de metal où le minimalisme syndical est une règle d’or encore de nos jours. Sans parler de la production fort bien construite avec un son qui sonne très bien. L’apparition des invités au piano, chant guttural et narration ajoutent un peu d’originalité, mais trop peu. Il y a des billes à jouer dans cet album éponyme, c’est assurément vrai! Seulement, en dépit de tous ces arguments et de ma bonne volonté, je n’accroche pas pleinement à l’album. Il manque sûrement un petit semblant de quelque chose, un ingrédient en plus qui relève le plat suffisamment pour que mes papilles chantent aussi. Il faut voir probablement du côté heavy metal qui n’a jamais fait éclore en moi un intérêt aussi profond. D’où le fait qu’à la suite de cette première écoute, je sais déjà que je ne vais pas y revenir dessus.
Mais il faut quand-même rendre à César ce qui appartient à la salade : Servants to the Tide s’est donné les moyens de proposer une production plus qu’intéressante. Faisant une belle place à un son moderne, en alliance avec des riffs épiques et donc par définition plutôt maturés, la production est sans conteste un gros point fort de ce premier album. Disons qu’elle sauve grandement les meubles et contribue indirectement à me redonner de l’intérêt pour cette écoute laborieuse que j’ai entamée par le passé. La particularité principale étant cette association d’accords distendus avec des parties mélodiques en guitare lead qui donne envie de nouer la corde sensible de chacun. Rien de mieux pour parvenir à mettre en avant chacun de son côté les riffs et mélodies qu’avec un son aussi bien élaboré. On peut donc sans peine dire que la production de ce premier album éponyme est déjà une très belle satisfaction.
Si vous voulez, je trouvais que cet album partait vraiment très bien! Le premier morceau est une partie en clean avec un chant clair très apaisant, que je trouvais épique au possible et qui me donnait envie de me balancer doucement la main sur le cœur, tel un guerrier en méditation. Et dès que le deuxième a démarré, j’ai été tellement pris de court par ce riff étrange et discordant avec l’introduction, que je me suis comme braqué. J’ai donc trouvé que le travail de composition manquait clairement de clarté, et de logique. Certains choix dans le placement des pistes, ainsi que dans les pistes elles-mêmes, font que la réflexion autour de la construction de l’album manque cruellement de bon sens. Les morceaux ne se suivent pas, ne se complètent pas correctement, laissant l’auditeur dans une brume d’incompréhension. De même qu’il n’y a pas de réelles compositions qui soient pleinement harmonieuses. J’aime beaucoup certains riffs, mais une chanson entière non. Il y a de l’irrégularité dans le placement des riffs, dans l’enchainement de ces derniers notamment dans les alternances entre des couplets et des ponts en clean. Je crois que Servants to the Tide est une formation qui manque encore de liant, et qui propose un album un peu trop brouillon pour moi. Ce qui est déconcertant c’est qu’il y a trois pôles : un au milieu qui est celui du positif, et heureusement il est bien fourni. Et de chaque côté se dressent soit l’irrégularité, soit le manque d’inspiration dans la nouveauté. Ce qui donne un album digne d’intérêt mais encore pas assez bien construit. Il manque de maturité, ce groupe.
Et en ce qui concerne le chant, sans être trop sévère, disons que ce n’est pas came non plus. Je reconnais néanmoins de vraies qualités vocales avec une disposition toute particulière à monter dans les octaves, typiquement le chant très heavy metal qui me rebute un peu. Le souci est que selon moi, ce chant devient vite redondant quand le chanteur use et abuse des étendues vocales à outrance. J’aime un chant posé, que l’on trouve fort heureusement dans divers passages de l’album. Après, j’aurais sincèrement aimé un autre chant, certains groupes sont capables de varier les plaisirs ou, cherchant sans cesse des mélodies voix intéressantes, sont surtout en capacité de ne pas tourner en rond. Or, j’ai le sentiment malheureux que c’est le cas ici. Il faut impérativement que Servants to the Tide devienne capable de varier. Varier varier et varier. Sinon, même le chant va devenir chiant à la longue…
Bon les ami(e)s, pour en finir avec cette chronique, vous connaissez un peu comment je fonctionne. Je vais dire du mal d’un album pour au final édulcorer mon propos et mettre une note plus prompte à motiver le lecteur. Je dirais que je suis typiquement dans ce cas de figure où je m’empoigne avec un groupe, qui sort tout jeunot un premier album, avec quelques points satisfaisants, mais qui sont par moment un peu mis à l’écart par les défauts inhérents à la jeunesse! A savoir, des compositions qui manquent de variations ou en tout cas qui varient très mal, un chant très old school qui a tendance à m’épuiser les tympans plus qu’autre chose, et donc un manque criard de cohésion. Je dirais qu’il faut être indulgent, parce que le groupe va surement vouloir tirer les conséquences de cette chronique qui se veut honnête et aidante pour avancer. Encore faut-il que nos copains teutons la lisent, cette chronique… Bon! Toujours est-il que ce Servants to the Tide n’aura pas réussi à me déclencher ma fascination morbide sur les océans comme d’autres avant lui, j’aime moyennement cet album et je ne suis pas sur d’y revenir un jour. Il y a des qualités, mais aussi des défauts qu’il faudra corriger pour avancer.
Tracklist :
01. Departing From Miklagard
02. A Wayward Son’s Return
03. North Sea
04. On Marsh And Bones (The Face Of Black Palmyra)
05. Your Sun Will Never Shine For Me
06. A Servant To The Tide
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