Line-up sur cet Album
- Gabriele Fancellu : batterie, choeurs, paroles
- Francesco Pintore : basse
- Marco Nieddu : guitare, chant, paroles
Style:
Doom Metal / StonerDate de sortie:
14 avril 2023Label:
Heavy Psych SoundsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 7.5/10
« Lucide: Lucifer de l’épée, quel suicide? » Michel Leiris
Il fut une époque où le label Heavy Psych Sounds faisait des splits régulièrement. Ces fameux splits me permettaient à l’époque, et j’étais loin de m’en rendre compte à ce moment précis, de découvrir le genre doom metal et tous les styles associés autour. Que ce soit le stoner, le sludge metal ou encore tout ce qui est fuzz rock, desert rock, ou stoner rock, j’avais la garantie de découvrir non seulement des genres sur des tournures différentes, mais aussi des nouveaux groupes dont beaucoup encore aujourd’hui tournent en boucle chez moi, dans ma voiture ou dans mon casque. J’aimais énormément ce concept ! C’est banal, vous me direz, d’aimer les splits. Mais en vérité, cela permet de découvrir quelques groupes d’un coup, d’en décortiquer les subtilités entre eux et de se demander lequel tient le mieux la dragée haute. Même si ce n’est pas un concours, chacun est libre d’en faire son appréciation. Mais voilà ! Depuis, je ne vois plus passer ce concept qui me faisait adorer ce label. Soit par méconnaissance totale, soit par tout simplement la confirmation de la rumeur selon laquelle le label stoppe ce processus. J’en aurai donc fait cinq ou six comme celui-ci. Comme j’étais un vrai novice dans ces genres, il me fallait un support adéquat pour joindre l’utile à l’agréable. Vous savez, j’ai un grand défaut qui entre tout à fait en paradoxe avec mon statut de chroniqueur : je suis très mauvais pour conseiller des groupes aux gens. J’en fait encore l’amère expérience actuellement, parce que j’ai toujours eu le sentiment que je n’ai pas réussi à durablement influencer mes ami(e)s sur mes goûts musicaux, hormis quelques rares exceptions. Et comme dans ces genres, je me considère encore comme un amateur, je prends tout ce que je peux. Et comme j’apprécie beaucoup de ces groupes, je me retrouve à refaire une énième entorse à ce réglement que je vais finir par rendre caduque, qui consiste à ne pas refaire deux fois le même groupe en chronique ! Une fois de plus, j’ai échoué. Il va donc falloir que j’assume cette nouvelle déconvenue personnelle, en lien d’ailleurs avec le dit label cité plus haut pour lequel je reviens aux affaires. Et pas avec n’importe quel groupe : 1782 et son dernier album nommé Clamor Luciferi sorti cette année.
1782 est un groupe qui a jeté ses premières bases très récemment, et je ne m’en souvenais plus. Soit 2018 ! Cela n’a pas empêché le groupe d’origine italienne, de la Sardaigne pour être exact, de se montrer extrêmement prolifique. Avec pas moins de trois albums en comptant ce dernier, un single au début de leur existence et le fameux split sorti en 2020 avec Acid Mammoth. Je me souviens avoir encensé nos amis dans ma chronique sur le split, mais aussi d’avoir fait en chronique l’album nommé From the Graveyard, avec une note légèrement plus réservée. La production m’avait beaucoup interrogé à l’époque, et je me dis que finalement, cette occasion d’aller sur une nouvelle chronique sur le groupe 1782, dont le nom vient de l’année de l’exécution d’Anna Göldin, dernière sorcière « connue » exécutée. Une part mystique qui transparaît de la musique et dans la lourdeur générale, que la prestation live cette année au Brin de Zinc à Chambéry n’a pas dénigré, selon mon patron Chris Metalfreak. Je le remercie au passage de m’avoir cité dans son live report. Allez, assez de flatterie ! Passons à la chronique.
Et bien évidemment, comme toujours, nous allons évoquer la pochette. Toujours dans la lignée de ce qui fait la spécificité de ce groupe, qui oscille pourtant sur une musique peu propice à parler de ce type de sujet, 1782 se pare donc d’une imagerie très démonologique. En même temps, avec un nom d’album similaire, il aurait été compliqué d’être hors sujet. Voici donc un artwork dans une ambiance très médiévale, si j’ose dire, encore que le terme « médiéval » regrouperait trop de critères pour être mis sur ce piédestal. Bref. On a un château en arrière-plan, et je laisserais volontiers mon collègue passionné d’architecture Le Marquis Arthur nous détailler de quoi il s’agit exactement, si le coeur lui en dit, on a également une représentation démoniaque qui, si l’on reste stricto facto sur le titre, serait Lucifer en train d’embrocher quelqu’un à terre, à demi-enterré. Et deux chauves-souris s’envolent devant ce parjure terrible. Mais on n’est pas à un pêché près ! J’aime bien les couleurs, mais sans plus. Disons que, ce que je reprocherais à cet artwork pourtant assez fidèle à ce que 1782 usite habituellement, c’est le caractère un peu simpliste et naïf surtout. Simpliste par l’iconographie qui me semble un brin grossière comparé aux innombrables possibilités, même en restant sur du moyenâgeux, qu’il y aurait pour représenter Lucifer. Et surtout naïf, dans la mesure où, en fait, cet artwork se contente de faire le boulot, mais sans creuser plus. Moi, j’aurais aimé un artwork qui représente Lucifer sous un autre angle, ou avec une pointe de recherche plus approfondie. Là, on est sur du basique de chez basique. Mais je me souviens avoir déjà, de mémoire, pointé du doigt cet naïveté qui transparaissait par la simplicité exagérée de ce choix de pochette. Que 1782 joue la carte de la magie noire ou que sais-je, pour parler de sa musique – référence à cette fameuse sorcière – ne me dérange pas du tout, bien au contraire. Mais qu’au moins, cela se fasse de manière réfléchie, originale et surtout, surtout, pas aussi bête et disciplinée. Le groupe peut mieux faire, réellement.
Après, sur la musique en elle-même, comme dans le précédent opus, je n’ai rien à reprocher de spécial d’un point de vue riffique. La musique se situe évidemment, là encore, sur une sorte de doom metal aux forts accents soit stoner, soit sludge metal. En fait, c’est là que le bât blesse, parce que j’ai encore du mal à situer dans quelle accentuation le groupe se situe pour agrémenter son doom metal. Le son est très particulier, comme dans le précédent. Chose que j’avais pointé négativement, mais qui m’apparaît finalement, après un recul nécessaire sur 1782, beaucoup plus opportun, quand on se souvient que le groupe joue la carte du démoniaque dans sa musique. Après, seule la lenteur des riffs et les accords ne laissent pas l’ombre d’un doute sur le côté doom metal. Mais pour le reste, cette lourdeur qui était évidente pour Metalfreak en concert ne me semble pas aussi évidente en studio. Il y a effectivement un début de lourdeur, mais ce son un peu nasillard, finalement plus stoner qu’autre chose (mais pour donner un genre définitif) me laisse perplexe. Musicalement parlant, en revanche, j’aime beaucoup ! Un doom metal finalement plutôt minimaliste, j’ai toujours trouvé cela très efficace. Comme si le doom metal était fait pour n’être qu’un amalgame de balancements d’accords sans prétention, et que c’était ultra bon comme cela. Et au moins, 1782 a su concocter une savante musique qui brille par son minimalisme et sa « demi-lourdeur » pour retranscrire tout le caractère démoniaque et ensorceleur de son concept. On peut au moins reconnaître que musicalement parlant, c’est du très bon surtout quand, comme moi, on aime vraiment ce minimalisme. L’album s’écoute bien, harmonieusement, et c’est tout ce qu’on lui demande au fond. Mais comme on chronique, on est tatillon. Et la suite va vous démontrer que malheureusement, je ne vais pas éprouver tant de satisfaction que cela pour la production.
J’avais déjà longuement pointé du doigt l’errance manifeste du groupe sur la production de From the Graveyard, je ne suis pas loin de penser à peu de choses près la même chose pour Clamor Luciferi. Clairement, ce son me dérange un peu. En fait, je compare 1782 avec un groupe américain dont je ne me souviens plus du nom, qui m’avait pourtant marqué notamment par ce son très Rob Zombie et ce côté psychédélique sans la face stoner ou fuzz rock qui va avec. Disons que cet album en question, c’est la face Nord, et le doom metal bien lourdingue aux accents stoner à la Conclave par exemple, c’est la face Sud. Et le souci, c’est que loin d’être une qualité dans le cas présent, le fait que 1782 se situe soniquement parlant au milieu de cette bipolarité parfaite, n’amène pas l’équilibre voulu. Pour faire simple : la production ne convient, selon moi, pas du tout à la musique proposée. Il convient pour avoir ce son nasillard de se situer sur une frange peut-être plus « cringe », carrément industrielle par exemple, ou alors tout sauf du lourd hypothétique. Or, par son minimalisme riffique et répétitif, l’absence de ces fioritures qui donneraient de la coloration à la musique et de facto, du crédit à un son nasillard comme ici, Clamor Luciferi ne fonctionne pas pleinement comme il devrait. Cela grésille, cela oppresse, et le son devient agaçant sur la fin. Moi, j’aurais vraiment aimé que 1782 joue sur un doom death metal bien macabre comme le ferait Eternal Rot, par exemple, pour donner du macabre ou de la lancinance. Mais avec un son aussi aigu, je trouve que les riffs pourtant bien sympathiques, deviennent vite pénibles. J’avais fait un constat quasiment similaire sur le précédent opus, hélas. Le groupe a persévéré dans cette maladresse sonore qui dénature considérablement sa musique. Mais ce n’est que mon point de vue, maintenant… Les goûts et les couleurs, comme on dit… Mais ici, cela ressemble plus à de la fadeur.
Mais comme je disais, et c’est là tout le paradoxe de cet album, et d’une manière plus globale du groupe italien, c’est qu’on ressent bien l’intention conceptuelle derrière. J’entends par là qu’on vit l’aspect démoniaque et tout le folklore autour, sans forcer. C’est peut-être probablement voulu d’avoir ce son si hors case, mais je suis intimement convaincu que 1782 pourrait se risquer dans une démarche bien plus lourde, comme le font d’autres par ailleurs, pour traiter de ce sujet précis. Je trouve que la musique est extrêmement prometteuse sur le papier, et sur le contenu, mais sur la forme il y a encore cette indécision terrible qui me laisse sur ma faim. Je ne vois pas ce que je pourrais rajouter d’autre en vérité, je suis perturbé par le sentiment de vivre la même situation que l’album avant. Ce qui reviendrait à dire que Clamor Luciferi n’est que le prolongement maladroit de son prédécesseur?… Non. Je n’ai pas envie de m’arrêter à ce constat idiot. Je note que sur la composition, il y a tout de même une légère mais belle amélioration, notamment sur le contenu un peu plus minimaliste. Oui ! Vous avez bien lu. Le groupe a progressé dans une approche plus… Simple. Beau paradoxe? Mais la musique, peu importe son style, en regorge. C’est la beauté de la passion pour la musique ! Alors, pour cet effort, somme toute bien maigre, je pense réhausser la note finale. Qu’on se le dise, Quantum peut être juste des fois.
Bon, il demeure un point sur lequel je serai toujours unanimement d’accord avec moi-même, cela concerne le chant. Autant j’étais perplexe avant, autant sur cet album je suis presque conquis. La carte ultra psychédélique, faisant passer le cerveau d’Amigo the Devil pour un monument historique, n’est pas spécialement incongru. Quoique parfois, je suis le premier à clamer que trop d’effets tue l’effet de surprise, mais dans le cas présent, je trouve que finalement ce côté retouché et écholalique fonctionne bien. Je cherche un peu où se situe le démoniaque dans ce procédé de chant clair, mais bon. Je me dis que les voies (voix) du seigneur étant impénétrables, il y a une part insondable qui doit encore m’échapper. Mais sur l’intention, en tout cas, j’aime bien. C’est déjà cela de pris !
Pour mettre un point final, il est temps que vous alliez à la découverte de ce nouvel album de 1782, nommé Clamor Luciferi. Troisième album officiel du groupe italien, qui est signé chez un chouette label bien spécifique à ce style de musique, soit un album de doom metal qui se veut stoner, mais qui souffre de quelques largesses remettant en doute selon moi l’identité même de cette musique. Bon ! On ne va pas non plus crier au loup, mais disons que si cette production qui fait défaut depuis les temps que je chronique 1782 était (enfin) corrigée, on n’en serait pas à se poser ce genre de questions inutiles. Car tout le paradoxe de la musique des italiens réside dans le fait que si on est dérangé par ce qui ressemble à une erreur sonore remplie de naïveté, il n’en demeure pas moins que l’on capte l’intention démoniaque du groupe. Alors, la question demeure : est-ce un bon album ou un album maladroit ? Moi, je ne suis pas parvenu à répondre officiellement. Je tranche donc la poire en deux, encore, pour cette fois. A vous de vous faire un avis plus clair. Moi, je cale.
Tracklist :
1. A Merciful Suffering (1:46)
2. Succubus (5:19)
3. Demons (4:39)
4. Black Rites (5:49)
5. Tumultus (5:21)
6. River of Sins (4:38)
7. Devil’s Blood (6:09)
8. Death Ceremony (5:52)
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