Note du soilchroniqueur (Mitch) : 8/10

Ce nouveau groupe venu du sud-ouest de la France se présente à nous avec des membres de Psykup, Gorod, Eryn Non Dae, Zubrowska, Drawers…
A ce titre, il pourrait être qualifié de « super-groupe » ou « all star band », réunion de musiciens ayant fait leurs preuves par ailleurs, et dont le résultat peut aller de l’addition de CV sans grosse valeur ajoutée (Hollywood Vampires, Prophets Of Rage), au plus enthousiasmant (Black Country Communion, Audioslave), voire à l’OVNI carrément jouissif (Killer Be Killed).

Et pourquoi citer Killer Be Killed (Mastodon, The Dillinger Escape Plan, Cavalera…) dans le cadre d’Ahasver ? Avant tout car les 41 minutes de ce Causa Sui s’émancipent du pédigrée de leurs géniteurs, proposant un Metal Avant-Gardiste et défricheur, aussi moderne et riche en mélodies que dérangeant et malsain, comme a pu le faire Killer Be Killed sur ses deux LP. Mais surtout car la voix de Nicolas Bastide (du groupe Drawers, de Toulouse) amène une vraie filiation avec celle de « l’ogre » de Mastodon, Troy Sanders. Enfin, par moments seulement, tant celle-ci se montre ici protéiforme, couvrant un large spectre allant de la mélodie virile aux vocaux hallucinés !

Ce qui règne sur cet album, c’est un profond sentiment d’inconfort, d’insécurité, à l’écoute de ces huit morceaux, aux titres formés d’un mot chacun (« Fierce », « Peace », « Dust », « Tales »…).
Malgré une production percutante et qualitative, l’auditeur n’est pas brossé dans le sens du poil, il doit veiller sans cesse à ne pas trébucher au milieu des rythmes franchement complexes, à ne pas s’égarer parmi les parties instrumentales frénétiques et schizophrènes. Un peu comme si chaque instrument tissait sa toile dans son coin, loin d’interpréter un riff à l’unisson, un peu comme un batteur qui aurait acquis la parfaite indépendance de ses quatre membres, jouant quatre rythmes différents, qui ne forment pourtant qu’une partie de batterie logique une fois réunis.

A ce titre, un certain nombre d’écoutes est exigé pour discipliner son cerveau et le forcer à entendre un morceau homogène, plus qu’une addition absconse de parties hyper techniques et désynchronisées (alors, l’envoûtement fonctionne !).
Ainsi, des influences Doom, Sludge, Progressives, Extrêmes, revendiquées par Ahasver, seules les deux dernières semblent complètement représentatives du rendu du groupe. Le Doom est trop lent et minimaliste, le Sludge est trop sale et misérabiliste, pour « matcher » avec ces huit titres de haute volée, limpides et carrément barrés.

La thématique ambiante n’est pas forcément plus « sexy », Ahasver, à l’instar du film allemand éponyme de 1917, représentant le symbole du Juif errant, empêché de mourir, et condamné à errer sans repos, après avoir refusé d’aider Jésus sur son chemin vers le Golgotha.

Sorti depuis septembre 2022, Causa Sui s’avère un disque exigeant, difficile, riche en contrastes et humeurs. On comprend mieux pourquoi son écriture et son enregistrement ont pris quatre années, ce réseau complexe de rythmes et d’instrumentations barrées ayant dû donner de sacrées migraines à ses créateurs ! En tout cas, le résultat est remarquable et sans concession, il fait « avancer la cause » plutôt qu’enfoncer une énième porte ouverte.

Tracklist :

1. Fierce (04:45)
2. Peace (04:12)
3. Dust (04:44)
4. Tales (03:32)
5. Wrath (03:31)
6. Path (06:05)
7. Sand (05:31)
8. Kings (09:08)

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