Note du Soilchroniqueur (Willhelm von Graffenberg) : 8.88/10

Le Requiem est une des pièces liturgiques mises en musique des plus anciennes dont on ait trace (si l’on excepte l’hymne hurien, mais on l’exclura d’office du catholicisme). On dira qu’on tient des sources sures du Moyen Age (voire du chant mozarabe, mais comme on n’est pas certain de tout, donc on se limitera à l’époque médiévale). Faut dire qu’à une époque où on maintenait le pouvoir par l’ignorance et la crainte de l’au-delà, si on vous vendait du bonheur post-mortem, il valait mieux faire un packaging de rigueur pour le rêve d’un Royaume des Cieux accueillant, avec un rituel mortuaire digne de ce folklore. A défaut de vous être fait l’intégrale des Requiem existants, vous connaissez très certainement les teneurs les plus célèbres, dont celle du Dies Irae grégorien qu’on retrouve par exemple de manière très évidente dans le Songe d’une nuit de Sabbat joué aux cuivres dans la Symphonie fantastique de Berlioz, ou le même dans la Danse macabre de Saint-Saens… ou pour les moins intimes avec la musique savante, dans « La fête approche », un des morceaux thématiques de la BO de L’étrange Noël de M. Jack. Tout ça pour dire que cette pièce du rituel catholique romain ne figure pas dans cette Apocalypse [Requiem] d’AkromA, malgré sa structure de Messe des morts en six parties tirée du rituel idoine.

Quoi de plus cohérent quand on traite de la Messe des morts que de s’intégrer dans un courant Death symphonique ? Pour resituer le genre, pensez à Ex Deo et Fleshgod Apocalypse – une coïncidence que de retrouver ce même mot dans le titre de cet album et de noter une similarité très troublante entre AkromA et FA ? J’en doute – qui ont réciproquement sorti un très bon, voire excellent album il y a peu. Pourtant le groupe se situe lui-même dans une branche BM sympho… admettons… La présence d’éléments rappelant le Prog rajoute sa petite touche de musicalité. Néanmoins on reste dans les thématiques religieuses chères à son leader/chanteur : après avoir abordé celles des sept péchés capitaux (dans Sept sorti en 2006), des dix plaies d’Egypte (dans Seth sorti en 2009), des douze apôtres (dans La Cène sorti en 2014), il s’attaque cette fois-ci à l’Apocalypse selon Saint Jean.

Si on a pas mal le sentiment de repompage d’esprit de Fleshgod Apocalypse, on note malgré tout une bonne écriture musicale et une maitrise du répertoire savant, que ce soit dans la mélodie offerte à la soprano lyrique Laura Kimpe (que vous avez probablement croisée lors d’un spectacle de La Chambre concertante ou un autre des Mains d’Elsa, dans des domaines artistiques différenciés et pourtant symbiotiques), calqué sur les plain-chant et psalmodie catholiques, ou dans la citation habilement déguisée de la partie de violons du Confutatis du Requiem de Mozart – et possiblement des chœurs d’Arvo Pärt, mais je ne serai pas affirmatif sur ce point. Si je suis un peu mitigé sur le choix des placements de paroles, si je suis assez satisfait du résultat d’ensemble, donc merci aux compositeurs/orchestrateur de s’être un peu foulés, bien que restant dans des ornières déjà tracées.

Passons maintenant sur ce qui fait tâche, voire pétéchies. Si on omet le choix de réduire les pièces du rituel à seuls quelques passages – quid d’un Lacrymosa, d’un Dies Irae, un Benedictus ou un Libera me ? – On note que le son d’ensemble, même si c’est bien joué et mixé manque d’un je-ne-sais-quoi de cohésion et de rondeur. On remarque aussi nettement les limites de la piste midi passée sous Cubase : si sur des cordes et cuivres, ce n’est pas flagrant, le manque de naturel des chœurs sur l’Agnus Dei (a contrario des onomatopées sur le In Paradisum, avec de vraies voix), ou encore celui du piano du In Paradisum tranche franchement avec les efforts dans la voix claire de la cantatrice et son vibrato permanent, y compris sur les quintes harmonisées – on va donc tempérer cette citation prise sur la page du groupe quant au « réalisme saisissant » des orchestrations. Au sujet de la voix lyrique, petit regret dans l’interprétation de l’Offertoire avec une timbre trop contenu, retenu et engorgé (admettons que ce soit un moment de recueillement, mais bon…) D’ailleurs, on pourra regretter également l’absence de parties plus aérées et aériennes – pour ne pas dire célestes et angéliques – afin d’équilibrer la violence générale et offrir un moment de respiration à l’opus (dans l’esprit du In Paradisum de Duruflé, par exemple.

Sorti de ces points de détail, le plus dérangeant est davantage la voix lead et son « growl », plus proche des miaulements d’un chat des couilles duquel on aurait fait l’oraison funèbre ; le plus paradoxal, c’est que ces parties vocales mieux réfléchies et adaptées auraient pu être intéressantes… mais pas ici ! Ajoutez à ça l’inintelligibilité dans la prononciation des paroles et on tient le gros point noir à percer avant qu’il ne se mue en furoncle.

Si l’album des nancéiens n’est certes pas celui de l’année dans le domaine, Apocalypse [Requiem] reste malgré tout de bonne facture, malgré le peu de présence d’orgue dedans – les musicologues apprécieront cette saillie drolatique.

A écouter en relisant l’Apocalypse, chapitre 6, verset 12 lors de la mise en terre de son chat Croquette… Bref… Miserere nobis.

Tracklist : 

1. Kyrie (6:23)
2. Offertorium (8:02)
3. Sanctus (5:39)
4. Agnus Dei (6:19)
5. Lux aeterna (6:53)
6. In Paradisum (7:43)

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