Line-up sur cet Album
- Nieke : batterie
- Pui : guitare
- Pede : chant
- QW : basse
Style:
(Raw) Black Metal / Sludge MetalDate de sortie:
05 février 2021Label:
Babylon Doom Cult Records (LP) / ConSouling Sounds (CD)Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.5/10
“Le corbeau critique la noirceur.” William Shakespeare
D’ordinaire, il ne me viendrait pas à l’idée de faire l’ode du pessimisme, surtout vu les temps qui courent. Mais il me faut me rendre à l’évidence : le pessimisme nourrit profondément la musique metal. Presque fer de lance d’un genre musical décrié, et on comprend pourquoi, le pessimisme est un vivier d’inspiration pour énormément de groupes depuis très longtemps. Pourquoi cette notion philosophique a tant que cal influencé le genre? Cela, je l’ignore. Il faudrait proposer une étude scientifique pour comprendre les raisons de cela, mais en tout cas, force est de constater que le pessimisme est une notion qui devient de plus en plus envahissante dans le genre. On peut s’en réjouir ou pas! Mais le fait est que le malheur de l’Homme et de son destin fasse parler, ce n’est pas pour rien. Nombre de personnes ont du mal parfois à s’insérer dans cette société qui fait la part belle, on doit le dire, à la souffrance et à la division. Ainsi donc le punk et son opposé parfait, le sludge, ont vu le jour. Le premier vise à rassembler les gens vers une vie meilleure, le second vise au contraire à ne rassembler personne parce que le destin est joué d’avance. C’est donc un genre musical propice à l’expression d’un pessimisme enfoui mais de plus en plus mis en avant! Voilà pourquoi le sludge est un genre musical qui me fascine de plus en plus, et voilà pourquoi je ne pouvais pas passer à côté d’un groupe comme Alkerdeel et son quatrième album appelé Slonk. Au passage, je remercie Metalfreak, dont j’exprime mon éternel lèche-culisme plus bas (NdMetalfreak : … comme d’habitude), pour m’avoir laissé faire la chronique de ce CD.
Alkerdeel est un groupe qui provient de Zomergem en Belgique, et qui existe depuis 2005. Cela commence à faire un paquet d’années pour cette formation qui pourtant, ne dénombre « que » quatre albums, deux splits, un EP et une démo. A noter également une démarche un peu étonnante mais dont je m’épanchais la dernière fois dans la chronique du groupe français Age Total : une collaboration avec le groupe Gnaw Their Tongues pour sortir un morceau de dix-neuf minutes en commun. Cela vous explique de loin la différence entre un split et une collaboration comme cela. Alors, je peux paraître parfois un peu dur quand je dis « que » en parlant de la discographie des groupes et leurs années d’existence, mais cela n’est pas forcément un gage d’échec! Il peut s’agir d’une volonté de se laisser un espace temporel de création plus important. Donc c’est sans préjugé aucun que je m’attaque à l’écoute de ce quatrième album, appelé Slonk et qui sort cette année. Le groupe m’a donné gentiment la signification du nom de son groupe, pour lequel je n’avais trouvé aucune traduction possible sur Internet. « Alkerdeel » est un mot très ancien que, d’après le musicien qui m’a répondu, seules les personnes d’un âge très avancé connaissent, et qui évoque les machines qui servaient à répandre le fumier dans les champs. Donc voilà voilà… Pour un groupe qui produit ce style de musique, je trouve cela assez osé et surtout, très cynique sur le plan métaphorique. Intéressant donc! Pour information également, « Slonk » veut dire en hollandais « rétréci ».
La pochette est la première chose qui m’a attiré tout de suite, car pour vous dire la vérité, j’avais déjà découvert Alkerdeel sur YouTube avant que sa Grande Magnificience qui vaut Mille Carats me donne gentiment l’album à faire en chronique (et je dis gentiment avec sincérité, puisqu’il avait adoré l’album!) (NdMetalfreak : je confirme). En fait, même si l’on peut ne pas être d’accord avec ce que je vais dire, je trouve que visuellement parlant, le groupe a du style et de l’idée! Les pochettes en général d’Alkerdeel sont soit originales et très bien faites, soit complètement en décalé, voire dans l’humour. Pour Slonk, le groupe a joué la carte de l’étrange, du macabre et de la géométrie. Un curieux mélange avec ce corps de lapin noirci et entouré d’une figure géométrique complexe. Cela me fait penser à potentiellement deux choses : soit le côté « rétréci » de la vie mis en perspective avec la géométrie sur le vivant, soit une cible sur le lapin qui semble mort. Dans tous les cas, le visuel du groupe est plein de mystère et cela, cela me plaît énormément. C’est donc un gros oui pour cet artwork, et pour ceux d’avant d’ailleurs! A noter que l’intérieur du livret, que l’on peut découvrir sur Bandcamp, fait la part belle à des photos en noir et blanc d’un champ avec un tas de fumier – justement -, d’un porche de maison avec une vieille voiture dessous, etc. Cela fait très nostalgique! Et cela rajoute surtout beaucoup de mystère à un groupe qui commence à vraiment me fasciner…
Et la musique ne va pas non plus me décevoir du tout. Alors, avant de vous engager dans l’écoute de Slonk, j’aime autant vous prévenir tout de suite : elle ne plaira pas à tout le monde. Je dirais même, elle ne plaira pas beaucoup. Parce qu’il faut aimer le genre de musique comme Alkerdeel, avec une bonne dose de recul, un courage pour se farcir une musique sans réelle arrangement, très nature, et surtout avec du respect. Nos amis belges proposent donc un mélange déséquilibré de raw black metal, et de sludge metal. Déséquilibré parce qu’il y a une quasi domination du raw black metal, et seul le chant et quelques passages un peu plus lents, limite doom, trahissent l’étiquette sludge. Sinon, cela reste du (très bon) raw black metal, avec donc ce son dégueulasse, crasseux et nasillard, cette déconfiture totale dans les riffs qui tournent en rond de manière lancinante, sans lasser toutefois. Très peu d’ajouts bonus, seule une introduction sur le premier morceau un peu ambient pour entrer en scène, et le reste est un concentré de noirceur extrême, à la « raw » c’est à dire agressive, violente, d’une souffrance absolue. Bref, le genre de musique que j’adore. Slonk, dès la première écoute, va me mettre le cul par terre d’effroi. C’est un album tellement noir qu’assurément, et malgré le côté décalé dont je parlais plus haut concernant l’univers d’Alkerdeel, on ne ressort pas indemne. Incroyable…
La production est donc typique d’un genre raw, c’est à dire tout simplement dégueulasse. Mais parfois, l’effet « dégueulasse » a du bon dans l’expression musicale, et loin de décourager l’auditeur avide du genre que je suis, j’y trouve toujours dans ce genre de son un parfait reflet de tous les superlatifs possibles pour décrire la misanthropie ou le pessimisme totale que veut mettre en lumière un groupe comme Alkerdeel. Rappelez-vous que le but premier du raw black metal est d’être le plus authentique possible, et donc, un son très bien travaillé n’aurait scrupuleusement aucun sens. Voilà pourquoi cette production, qui est véritablement et assumément dégueulasse, je l’adore. La particularité d’Alkerdeel se situe d’ailleurs dans la violence qui oscille donc entre le punk et le black, ce qui fait d’un certain côté le genre sludge metal. Mais j’en parlerai dans le paragraphe suivant. Retenez donc que cet album est produit volontairement de manière horrible, mais que les habitués adoreront. Moi en tout cas, j’adore!
En fait, c’est après deux écoutes supplémentaires que j’ai fini par comprendre la subtilité sludge metal d’Alkerdeel. Elle se situe dans l’intention très inversée du punk. C’est à dire que, là où le punk a un côté partisan, rassembleur et orateur, le sludge est tout le contraire. Il invite l’auditeur à se démarquer de la foule, à embarquer dans un tête à tête moral avec le groupe, en ayant une sorte de côté sectaire. Disons pour faire simple que le sludge est tellement pessimiste musicalement parlant, tellement affreux, qu’il ne rassemblera jamais personne. Il essayera au contraire de valoriser l’individu. Et le raw black metal est un peu différent : il ne cherche pas à embarquer qui que ce soit, lui préfère montrer la solitude du ou des musiciens sans chercher à plaire. Voilà donc selon moi la petite touche sludge metal des belges, qui du coup, par cette démarche qui prend de court, me bluffe encore plus. Les quatre morceaux de l’album, longs donc, sont tout simplement explosifs. C’est non seulement un concentré de noirceur incroyable, mais en plus on a envie de suivre les musiciens dans cette noirceur. Franchement, je suis bouche bée, rien qu’en écrivant cette chronique, je me rends compte que je tiens là un album extraordinaire. Admirez au passage le nom des morceaux pour lesquels je n’ai pas trouvé de traduction équivalente à Alkerdeel !
Après, je ne sais pas si l’on peut parler de talent pour évoquer les musiciens. A vrai dire, je crois dur comme fer qu’ils s’en contrefoutent d’être talentueux ou pas, au vu de la production. Les compositions ne sont pas sophistiquées du tout, les riffs sont les mêmes et tournent donc en boucle, il n’y a donc pas de recherche pour bien faire de la part des musiciens. Juste une volonté, comme je disais, d’embarquer l’auditeur dans un tourbillon infernal. Et pour cela, au plus le tourbillon est brouillon, au plus l’effet est traumatisant. C’est un peu comme si vous étiez aspiré par une tornade et que vous vous heurtiez aux débris épars, la tornade ne se soucie pas de l’effet qu’elle fait sur vous, peu importe donc! Et bien là, c’est pareil. Les musiciens sont bons dans ce qu’ils font, peu importe! Et c’est tout ce qui compte pour moi. Les détracteurs qui aiment les productions carrées et les musiciens qui sont capables de faire dix soli par heure sans se fouler les phalanges, peuvent tranquillement passer leur chemin et nous laisser apprécier un album aussi brouillon que Slonk. Merci, au revoir.
Le chant est en revanche très perturbant. Je pense que c’est un peu le chaînon manquant que l’on a fini par créer pour rassembler le raw black metal et le sludge de cet album. Tantôt sur du high scream, tantôt sur des lamentations profondes et torturées à la sludge metal, le chant est excellent! En fait, le côté brouillon intervient également ici dans la rythmique du chant et dans sa caractéristique la plus brillante qui soit : son absence. C’est simple, comme les riffs tournent en rond sur plusieurs longues minutes, le chant n’a pas de rythmique propre, d’autant que la batterie est très linéaire! Donc le chanteur peur se faire plaisir sur des phrasés très longues, où les syllabes sont décortiquées avec soin et déclamer avec une étendue vocale qui donne des frissons. Je suis certain que les textes, au passage, sont très courts, peu sophistiqués, un peu à la doom death metal, et donc font une large place à cette souffrance qui transpire dans tous les instruments, et qui dégouline comme une cascade sur le chant. Un très bon point donc que ce chant très raw, efficace et horriblement strident.
Voilà les amis! Il est temps pour bibi de conclure cette chronique sur un sentiment très positif, tout le paradoxe de l’écoute d’un metal à la fois raw black et à la fois sludge. Deux genres qui ne sont pas réputés pour être à la portée de tout le monde en étant isolés, alors imaginez le résultat potentiel sur un seul album! De fait, Alkerdeel nous a offert un véritable chef d’œuvre de noirceur et de souffrance. Une musique que je ressens très cynique sur tout, particulièrement l’existence humaine et sa condition la plus sombre, mais en même temps une nostalgie tortionnaire qui permet donc avec ce Slonk de m’offrir une des sorties de 2021 non seulement d’une noirceur extraordinaire, mais aussi d’une violence inouïe. Deux ingrédients qui font de ce quatrième album des amis belges un CD à ne surtout pas manquer! D’ailleurs, je m’en vais amoindrir mon compte bancaire avec la discographie et un tee-shirt, tant qu’à faire!
Tracklist :
Face A :
1. Vier (13:32)
2. Eirde (5:29)
Face B :
3. Zop (9:11)
4. Trok (8:46)
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