Line-up sur cet Album
- Sylvain : guitare, chant
- Vincent : batterie
- Tony : basse
- The Horse : arrangements, choeurs, percussions, banjo, vibraslap
Style:
StonerDate de sortie:
05 février 2021Label:
Ripple MusicNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10
« Et vous ne le reverrez pas, dit Gandalf. C’est Gripoil. Il est chef des Mearas, seigneur des chevaux, et Théoden, Roi du Rohan, lui-même n’en a jamais vu meilleur. Ne brille-t-il pas comme l’argent et ne court-il pas avec toute l’égalité d’une rivière rapide? » John Ronald Reuel Tolkien
C’est un exemple parmi tant d’autres, et il est romancé, mais l’amour du cheval est un amour inextinguible de l’Homme. Probablement selon moi l’amour le plus ambivalent qui existe tant, par souci plus de servitude que de réelle compassion, le cheval a été exploité. Moi, je veux bien entendre que l’on considère les équidés en général comme de vrais amis fidèles de l’Homme, mais en ce cas, que l’on traite ces derniers avec un peu plus de respect, eu égard à leur rang d’animal majestueux. Je ne veux pas me lancer dans une satyre de l’ignominie de l’Homme parce qu’on n’aurait pas fini demain, et que je suis quelque peu pressé par le temps pour finir mes chroniques pour demain (5 février). Cependant, il est important de rappeler que dans son souci de redorer son image écornée par l’Histoire, l’Homme se cherche des accointances là où au final, il aggrave les choses davantage. Je me souviens de la scène assez satirique tout en étant marrante d’Ace Ventura fouettant le consul général qui montait auparavant son cheval, et qui le fouettait allègrement avec sa cravache, lui disant « c’est bizarre, cela semblait moins douloureux quand vous le faisiez au ch’vaaaaaaaal ». Bref. Comme à chaque chronique, le nom d’un groupe ou d’un album réveille en moi des inspirations cachées, et je me perds encore dans une introduction personnelle, qui n’engage que moi. Mais bon, que voulez-vous, quand un groupe se nomme Appalooza … Et qu’il sort un nouvel album, je pars au galop. Le cheval, au final, ça m’a pris très tôt…
J’ai fait une allocution sur le cheval parce que l’ Appaloosa (avec un « s ») est une race de chevaux de selle venue des Etats-Unis. C’est également (merci ma chérie!) une tribu amérindienne du nom de Nez-Percés, ou « Palouse ». Et c’est donc sans surprise que le groupe qui porte le nom avec un « z » traite semble-t-il de cet univers. En tout cas, Appalooza est un groupe français, ou breton plutôt puisqu’il vient de Brest! Fondé en 2012, soit bien après les guerres indiennes, le quatuor a déjà sorti un premier album éponyme et autoproduit en 2018, pour nous proposer un deuxième volet pour demain, soit le 05 février 2021. Cette fois-ci, ce fait d’armes se nomme The Holy of Holies et sort sous le label Ripple Music. Un pas en avant donc, avec toujours cette volonté paraît-il de rester dans un univers visuel, sinon musical, autour de l’univers indien et peut-être de manière sous-jacente, western. Un univers qui colle très bien avec la musique proposée. Le dernier groupe à avoir parlé de cet univers, à ma connaissance bien sûr, était Skahinall qui officie dans du hard rock pur, et qui m’avait totalement conquis. En même temps, avec une femme aux origines lointaines amérindiennes…
Et la pochette surfe justement très bien sur cette référence amérindienne avec la présence ce qui ressemble à un Wendigo, une créature de la mythologie amérindienne anthropophage, et la typographie me fait penser à des références que je connais moins. En tout cas, cet artwork est très joli, visuellement agréable et avec un côté un peu morbide qui me fait vraiment penser à des époques westerns et des légendes. Ces crânes, ces fleurs et ces ailes qui font penser à un corbeau ou un rapace genre vautour ou aigle, tout est bien lié et plante le décor. Tout ce qu’on demande à une pochette en fait! En tout cas, c’est tout à fait le style de design qui me parle, qui me rend surtout très curieux parce que, quand je connais mal un sujet, j’adore la perspective de découvrir un peu plus de ce dit sujet grâce à un support artistique. Par contre, je n’arrive pas à identifier l’alphabet ou le syllabaire qui sert au logo du groupe. Je pensais au syllabaire cherokee, mais en fait non. Mystère… En tout cas, la pochette est splendide! J’aime beaucoup et cela me rend totalement curieux du contenu. « Cours Forrest, cours!!! »
Erratum possible : le groupe nous parle du démon Azazael sur son Bandcamp, cela pourrait en effet être aussi une représentation plus originale de ce démon chrétien, plus qu’un Wendigo.
Sans surprise aucune, la musique d’ Appalooza est du stoner avec quelques accents heavy metal ou tout simplement rock. Après, au vu surtout des compositions, on est beaucoup plus sur un stoner pur qu’avec de vrais arrangements. Bon, comme je disais dans une précédente chronique, la frontière est très mince entre le style stoner et rock, parce que cela se joue surtout à des sonorités studio et une intention. La corrélation avec les origines américaines du stoner et l’univers musical souvent tourné vers des sujets récurrents et typiquement là encore américains, font que la différence se situe aussi dans le visuel. Ici, Appalooza officie dans un vrai stoner dans le sens où la référence amérindienne et les riffs rock saupoudrés d’une basse très forte et d’un son plus épais que le rock font que cela creuse l’évidence. Après, j’aime beaucoup ce paradoxe qui consiste à parler des amérindiens avec une musique américanisée! D’ailleurs, nos amis bretons ne s’en cachent pas : ce deuxième album est une ironie autour de la religion, donc toute ironie est permise. Je ne sais pas si elle est volontaire, ce n’est que mon interprétation. En tout cas, j’aime beaucoup la musique, il y a une dimension apocalyptique assumée dans le concept de l’album, puisque le groupe nous dit qu’une « tempête arrive et envoie le genre humain vers une mort certaine. L’absence de Dieu sur terre renvoie les hommes seuls. Ils sont privés et punis par leur individualisme et semblent déjà morts. Ils acceptent et recherchent un nouvel être pour vénérer et envoyer à travers le désert tous leurs péchés sur un bouc émissaire pour trouver le démon Azazael, le Saint des Saints. » Un stoner moins joyeux qu’à l’accoutumée mais qui renvoie une vraie émotion et une sorte de fatalisme, j’adore! Bonne première écoute pour moi.
La production est très saine! J’aime ce son épais, qui rajoute de l’agressivité dans des riffs déjà violents, et qui permet surtout à la basse, instrument majeur du stoner, de s’exprimer sur un même degré de décibels que les guitares et la batterie. Et le groupe a été d’une grande intelligence dans l’élaboration de son rendu sonore, parce que tout est impeccablement installé. La difficulté principale réside dans la capacité de mettre sur un même rang les parties soli ou moins agressives, avec les parties plus bourrines, et Appalooza a vraiment bien été efficace là-dessus. Pour un deuxième album c’est du très lourd! Je note cependant un surplus d’effets sur le chant, que j’attribuerais à un côté mystique, en lien avec l’univers mythologique ou démonologique c’est selon. Mais du coup, cet effet de réverbération est trop présent, et dénature trop le chant pour moi. J’aurais préféré un chant plus naturel, avec une voix bien rock. Mais bon, on ne peut pas avoir tout juste tout le temps. Et globalement, cette production est très bonne, prometteuse pour l’avenir du groupe. Beau boulot!
Par contre, le plus gros progrès du groupe selon moi, c’est d’avoir conçu un vrai album concept, avec une histoire à raconter, un cheminement logique et romancé qui permet de suivre l’écoute de l’album avec le schéma narratif d’un conte. On a l’incipit et rapidement dans le même morceau « Storm », l’apparition de l’élément perturbateur ; puis quelques péripéties progressives jusqu’à l’élément de résolution qui me semble être « Distress » ; et enfin la situation finale qui fonctionne plus comme un film avec un séquelle temporel de milliers d’années, pour aboutir à une vraie conclusion. Amène-t-elle un deuxième volet? Bonne question! Mais en tout état de cause, ce changement d’orientation artistique me plaît parce que j’ai souvenir d’une interview du groupe qui expliquait que sur l’album éponyme, Appalooza traitait de pleins de sujets différents, qui n’avaient souvent pas de rapport entre eux. Ce genre de démarche fonctionne quand on fait une musique lambda, genre variétés ou quand on marche en solo. Mais dans le cas d’un groupe, je trouve que de traiter d’un seul sujet ou de créer une histoire est mille fois plus intéressant! Alors, j’avoue qu’au-delà des pistes qui sont très bien construites, cet effort de narration me plaît au plus haut point. C’est donc un indéniable point fort que sur ce pamphlet musical appelé The Holy of Holies qui veut dire au passage « le Saint des Saints ».
Je vais faire un lien direct que je ne fais pas souvent entre le talent des musiciens et les compositions parce que je tenais plus à mettre en exergue le concept. J’adore les compositions parce qu’elles sont bien construites, dans le sens où elles varient bien, elles ne tournent pas en rond, les arrangements légèrement heavy metal donnent une édulcoration intéressante dans les parties bien lourdes à la stoner, avec des soli, des parties en clean et des passages plus mélodiques. Du coup, on pénètre intensément dans l’histoire en far-west d’Appalooza. Là où les zicos sont intelligents, c’est d’être parvenu à maintenir un lien logique entre l’histoire et la musique, sans dénaturer aucun des deux. C’est difficile à expliquer, mais en gros les compositions se suivent parfaitement, sans se marcher dessus, rendant aisée l’écoute et ne demandant pas d’effort particulier pour suivre et analyser. Très bon point, décidément cet album est rempli de trésors.
Je parlais du mixage du chant que je trouvais un peu trop surfait, cela n’enlève en rien la qualité vocale par contre. C’est un chant plein d’émotions, sans tomber dans un surjeu de rockeur / stoner imbibé de bières et de hamburgers si vous voyez ce que je veux dire. En fait, je dirais que c’est un peu l’innovation majeure dans le genre musical de nos bretons. De proposer un chant qui fait la part belle à une dimension plus émotionnelle, plus apocalyptique du coup. C’est bien, c’est encore une fois très intelligent comme choix. Dommage que je n’ai pas eu accès aux textes, mais c’est un peu le jeu des avant-premières, on ne nous fournit pas tout… Je devine en tout cas une grande force dans les écrits, surtout si la dimension ironique de l’Homme est utilisée.
Bien! Il est temps pour moi de mettre un point final à cette chronique. Sur un sentiment de belle surprise, je peux tout à fait dire que cette prochaine sortie restera dans les classements stoner les plus hauts de l’année 2021. Avec une vraie recherche d’univers et une musique très bien arrangée, agressive comme mélodique, Appalooza est une vraie bonne surprise pour moi. Le pari de satisfaire ma curiosité devenue difficile avec le temps est réussi! Ce deuxième album sonne définitivement pour moi comme une révélation et aussi, une structure solide pour la suite. Je ne doute néanmoins pas que les fiers bretons vont innover davantage car l’écart entre les deux albums est équivoque d’une volonté de progression intéressante. Une introspection artistique qui augure de très bonnes choses pour la suite. Je souhaite longue vie à Appalooza, et je vais suivre de près le groupe. Car définitivement, « le cheval, c’est trop génial! »
Tracklist :
1. Storm
2. Snake Charmer
3. Reincarnation
4. Nazareth
5. Conquest
6. Azazael
7. Distress
8. Thousand Years After
9. Canis Majoris
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