Line-up sur cet Album
- Kthunae Mortifer : tous les instruments, chant
Style:
Black Metal AtmosphériqueDate de sortie:
21 aout 2020Label:
I, Voidhanger RecordsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.5/10
« Les sanglots des martyrs et des suppliciés
Sont une symphonie enivrante sans doute,
Puisque, malgré le sang que leur volupté coûte,
Les cieux ne s’en sont point encore rassasiés. » Charles Baudelaire
Je ne sais pas si c’est mon esprit qui se cloisonne de plus en plus, mais je n’ai jamais eu autant l’impression qu’il avait un regain incroyable pour les one-man band. Je crois qu’en cette année 2020, entre les chroniques du webzine (mention spéciale à Ascirias qui en a fait presque une spécialité, au vu des chroniques que je publie), les découvertes multiples sur les plateformes d’écoute ou sur les innombrables groupes Facebook dont je fais partie, notre propre page Facebook, puis mes pérégrinations personnelles, j’en ai trouvé (et acheté, hélas…) un bon paquet de cent. Ce genre de projet musical m’a toujours fasciné, tant il faut avoir l’envie, le talent et la soif de création pour porter sur ses frêles épaules toute une musique. Vu le processus que cela demande, c’est encore plus fou. Alors oui, je sais : il y a des one-man band qui sont totalement honteux, ratés et qu’il faut quand-même mettre en avant par souci du détail et de l’équitabilité. Tous les one-man band ne sont d’ailleurs pas portés de la même manière, certains sont limites caricaturaux. Mais on tombe parfois sur de vraies pépites, ces CDs qui frôlent le génie et qui vous donnent envie de… Triper. D’autant plus que la conception instrumentale est souvent réduite au basique, et qu’il arrive que cette simple base, mille fois usitée, révèle un génie musical. Bon, je m’emballe un peu! Comme toujours, c’est mon côté passionnel qui remonte à la surface, après m’être noyé comme il se doit dans ce fleuve intarissable qui se nomme musique. Et le dernier album du bien nommé Ars Magna Umbrae m’achève d’un bon coup de savate derrière les oreilles pour me faire boire la tasse de bonheur.
Ars Magna Umbrae, j’en ai beaucoup entendu parler ces dernières semaines. Il semblerait que la sortie de ce deuxième album soit une petite valeur sûre dans le genre. Pourtant, on ne peut pas dire que l’one-man band soit gage d’expérience! Kthunae Mortifer est donc le seul porteur de ce projet qui a vu le jour en Pologne en 2017. Petite subtilité précisée un peu partout : le musicien est polonais mais aussi grec par son père, et son vrai nom est Petros Xolaiathyos. Je ne sais pas pourquoi je précise cela d’ailleurs… Bon. Toujours est-il que ce deuxième album précède un EP en 2017 et un premier album nommé Lunar Ascension sorti quant à lui en 2018. Je ne sais pas pourquoi non plus mais j’ai le sentiment qu’il y a eu une sorte de « grand écart » drastique entre ce premier et le deuxième album. La sortie chez un label sérieux comme I, Voidhanger Records, achève de me faire penser ceci. Appréciant tout particulièrement ce label, j’ai déjà bien hâte de faire le saut de l’ange si je puis dire, vers ce CD.
Et ce fameux grand écart intervient principalement sur la pochette. C’est très clairement le jour et la nuit! Je considère presque que la pochette de Lunar Ascension relevait plus d’une énorme faute de gout que d’un intérêt artistique propre et net. Chacun se fera son opinion, bien entendu. Pour ce qui est d’Apotheosis, la recherche artistique est bien plus prenante et intéressante. On y voit néanmoins peu de symboles, ce qui donne un côté léger, aérien mais dérangeant, avec ce buste féminin, ces trois crânes joints symétriquement dans deux cercles rouges, et ce visage fantomatique et terrifiant au-dessus. Le fond noir nuit est bien opportun et le choix de faire ce contraste avec les symboles est habile. Cette pochette contraste elle-même avec la précédente car l’on passe d’une abondance de couleurs et de représentations hasardeuses à une beaucoup plus succincte, qui certes jongle avec des représentations des milliers de fois employées (crânes, fantôme, etc.) mais qui plantent le décor et lancent les hostilités tout de suite. D’ailleurs, quand je parlerai de la musique, vous comprendrez de suite pourquoi ce choix d’artwork est également beaucoup plus raccord qu’avant. Il y a donc un vrai virage musical qui a été atteint, une sorte… D’apothéose, sans jeu de mot. Et j’en suis le premier ravi! Beau choix! Petit bémol toutefois : l’absence du nom de l’album et du groupe sur la pochette qui fait que, quand on ne connait pas, on ne sait pas de qui il s’agit.
Et c’est soudainement et sans crier gare que j’ai compris! Ars Magna Umbrae était tout simplement sur ma liste d’attente des groupes à (impérativement) acheter! Oui, j’ai une playlist YouTube des albums que je dois acheter, cela me permet de m’y retrouver. Et j’ai eu le déclic en écoutant le premier très bon morceau du CD. Donc non seulement j’avais déjà écouté ce dernier et l’avait franchement adoré, mais en plus la providence m’a amené directement à en faire la chronique! Autant vous dire que cela ne va pas constituer une avalanche d’objectivité tant le metal proposé est incroyable. Pour ce qui est du style, on est sur un mélange alambiqué de black atmosphérique et de black mélodique. Tout ce que j’aime! J’ai parfois entendu que le black atmosphérique et le mélodique était deux entités opposées. Admettons que ce soit le cas, je suis persuadé qu’ Apotheosis est le contre-exemple parfait et l’habileté qu’a Kthunae Mortifer pour associer les deux, montre qu’en plus on peut produire une musique exceptionnelle. La première écoute que je fais d’habitude mais qui au final n’en est pas une ici, valide très largement cet album. C’est un vrai bonheur auditif pour tout amateur du genre black metal!
La production n’est pas étrangère à cela. Il me sera difficile de trouver une originalité dans le son de l’album puisqu’il est très fidèle à ce que l’on entend dans le genre black metal. En lui-même il n’a rien d’hyper extraordinaire, mais le simple fait qu’il se marie de manière synchrone avec les riffs et qu’il a ce côté aérien qui oscille entre le plaisir de planer et la déchéance totale, me laisse admiratif. Le son est de fait très bien enveloppé, avec pas mal d’effets de résonnance et une sorte de fluidité à l’oreille, comme lorsque vous admirez les pistes d’enregistrement et que la saturation du son est sur les mêmes fréquences tout du long. Tout cela pour signifier que le son est très propre et très appréciable, sans briller non plus. Juste un son qui fait le job et qui le fait en revanche à merveille.
Là où vraiment cet album est exceptionnel réside dans deux principaux points : la durée des morceaux et la composition. Les morceaux sont en effet, et contrairement à ce que l’on a d’ordinaire dans le genre atmosphérique, plutôt courts, dépassant les quatre minutes mais guère plus, hormis les titres « Through Fields of Asphodel » et « Of Divine Divergence », rendant l’écoute de l’album facile mais non fatigante surtout. Après, c’est un détail mais il a son importance. L’autre point et non des moindres est la composition. Je trouve que, là où certains vont grincer des dents, les miennes vont blanchir car la musique est un peu répétitive. Mais du même coup, l’écoute est « logique », sans faux col et sans en faire des caisses entières. Je trouve que dans le cas d’Apotheosis c’est un très bon point parce que l’album n’en ressort que plus abordable et au lieu de tomber dans l’outrecuidante sophistication que parfois je suis le premier à vanter, on reste sur une base de composition simple mais efficace. Redoutable même! Les riffs sont donc un peu les mêmes, mais ils sont tellement magnifiques et le son qui va avec est tellement en symbiose que ce deuxième album sonne comme une vraie merveille musicale! Il y a de l’intelligence, de la réflexion et de la persévérance pour accoucher avec autant de finesse d’un CD aussi beau.
La puissance de frappe étant la composition, il n’en demeure pas moins que le chant est tout aussi déroutant. J’aime de plus en plus les alternances de chant, surtout dans ce registre atmosphérique qui laisse place à des ambiances diverses. Et Kthunae Mortifer, au-delà de son talent indéniable et respectable de multi-instrumentaliste, a aussi plusieurs cordes à sa gorge! La variabilité des chants, allant du scream bien aiguisé au parler macabre, en passant par des incantations lugubres, amène une dimension que je n’avais pas encore abordé mais qui fait là encore toute l’originalité de ce projet Ars Magna Umbrae : le mysticisme. Ou plutôt l’ésotérisme. Et quoi de plus parlant, si j’ose dire, qu’un chant varié qui s’adapte aux exigences des pistes et au gré des vents de la magie? J’ai un faible certain pour tout ce qui est ésotérique, ma femme étant dans cette mouvance multiple. Aussi suis-je sensible à cette capacité vocale de mutation. J’adore tout simplement le chant de cet album, l’un de mes préférés de l’année!
Et pour finir mon analyse, quoi de mieux que de vanter l’utilisation de termes ésotériques dans les textes? Si l’écriture en anglais m’oblige à ne pas tout vous révéler (par flemme, je le reconnais comme Yann Moix ne lisait pas les livres de ses invités), je suis en mesure de vous dire que si vous aimez l’ésotérique, courrez vite lire les textes!
Bon, je vous avais prévenu les ami(e)s! Je ne serai pas objectif avec ce deuxième album pour plein de raisons car il est fabuleux. Et tricoter dessus n’a pas été une partie de plaisir tant les arguments ne manquaient pas pour glorifier comme il se doit ce nouveau-né de chez Kthunae Mortifer et de son projet solo Ars Magna Umbrae. Cet album est un modèle du genre, une pure merveille. Les compositions sont tout à fait au point pour vous faire vivre un moment de méditation noire ou une plongée dans les abysses de la magie, des sigils et des incantations divinatoires. C’est simple : cet album fonctionne comme un oracle et ses cartes, il marche à la révélation. Et manifestement, cette révélation était la meilleure que je pouvais trouver dans cette fin d’année 2020, même si sa sortie, tout un paradoxe pour un album d’une telle froideur, fut estivale. Un CD exceptionnel.
Tracklist :
1 Through Fields of Asphodel (05:00)
2 She Who Splits the Earth (04:24)
3 On the Wings of Divine Fires (04:20)
4 Apotheosis (04:10)
5 Mare Tenebrarum (04:54)
6 Oracle of Luminous Dark (04:55)
7 Of Divine Divergence (06:39)
8 Ignis in Tenebris (04:30)
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