Line-up sur cet Album
Alessandro Sforza : guitares, chant
Style:
Doom Death Metal MélodiqueDate de sortie:
23 septembre 2022Label:
Ardua MusicNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 8,5/10
“Le rêve est le phénomène que nous n’observons que pendant son absence. Le verbe rêver n’a presque pas de présent. Je rêve, tu rêves.” Paul Valéry
C’est vrai que nous n’avons pas toujours souvenir de nos rêves. D’ailleurs si l’on restait strictement médical, le rêve est un phénomène qui, quand on s’en rappelle, démontre un sommeil de mauvaise qualité. C’était pour le côté rabat-joie, ne me remerciez pas c’est gratuit. Bref! Pour le côté philosophique, je vous laisserai découvrir les grands auteurs en parler, mais la constante revient à dire que le phénomène du rêve est une confrontation forcée par l’esprit entre nos peurs et ce que nous voulons éviter. De fait, certains psychanalystes estiment que le mécanisme du rêve est une sorte de tri dans l’inconscient de ce qui est refoulé, ou mal interprété. Et que nous sommes de fait confrontés à cette expression que nous ne souhaitions pas affronter dans la réalité. Le rêve peut donc être perçu comme quelque chose de malaisant pour le raisonnement de certains grands penseurs. Nous avons surtout, dans le milieu artistique, le versant inspiratif du rêve. Celui qui nourrit l’imaginaire et offre des perspectives uniques. Je ne vous parle même pas des cauchemars qui sont par définition des rêves qui tournent mal, mais quoiqu’il advienne, la part onirique de notre esprit inspire beaucoup. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’exercice d’expression artistiquement du rêve ne relève pas spécialement de la douceur ou d’une musique en l’occurrence accessible et tranquille. Loin s’en faut! La musique metal se prête volontiers à cet exercice. Et le groupe que je m’apprête à faire en chronique ce soir se prête à cela dès son nom : Ars Onirica. Qui signifie « l’art de rêver » en latin, et qui propose pour l’occasion un album qui se nomme « II: Lost« . De quoi pimenter vos prochaines nuits les ami(e)s!
Et si on parlait de la personne qui se trouve derrière le projet Ars Onirica? Puisque, comme vous l’aurez deviné à la lecture de ma précédente phrase, le groupe est un projet solo d’un dénommé Alessandro Sforza. Notre camarade du soir nous provient tout droit de Rome, capitale de la grande et belle Italie. Actuellement, Ars Onirica n’est pas son seul groupe, le bien nommé est actif dans les formations de Lykaion, d’Invernoir, Veil of Conspiracy et un projet acoustique qui se nomme Alex Invernoir. C’est vous dire à quel point notre artiste officie avec entrain sur la scène de metal italienne. Mais la curiosité du projet ne s’arrête pas ici : Ars Onirica a connu deux existences. Une très courte de 2003 à 2004 ponctuée d’une démo nommée « Utopia: A Winternight’s Traveller« , et une renaissance à partir de 2018 avec donc deux albums avec le dernier présent, le premier s’intitulant « I: Cold » et étant sorti en 2019. Voilà pour les présentations! On devine donc que le projet connait un essor beaucoup plus haut car le premier album avait notamment été édité par Solitude Productions, le dernier étant sous l’étendard non moins négligeable d’Ardua Music. Reste à savoir si ce retour aux affaires pour Ars Onirica avec « II: Lost« , est une réussite ou non.
Pour ce qui est du visuel, c’est indiscutablement une réussite totale. La pochette est absolument magnifique, et évolue dans un style que je vois beaucoup pulluler en ce moment, pour mon grand ravissement! Évoluant sur un style très ancien, avec cette typographie d’usure qui fait toujours son plus bel effet, j’aime particulièrement le contraste entre les deux couleurs principales que sont le noir délavé et l’or. Les contours de l’image centrale font également penser à une couverture de livre ancien, ce qui là encore ajoute un effet superbe sur l’ensemble, d’autant que la fameuse image centrale ressemble à s’y méprendre à une gravure ou une vieille photographie. D’ailleurs, on y voit un personnage encapuchonné, assis au bord de l’eau, légèrement surélevé comme s’il était sur un pont, en train semble-t-il de regarder l’eau coulé, un peu l’âme en peine au vu de la tournure de l’image qui transpire la mélancolie et la détresse. Le logo du groupe se prête bien à l’exercice et l’harmonie avec le reste, de même que le nom de l’album. Maintenant, on a souvent l’habitude de voir ce style d’artwork chez des groupes de black metal, les exemples idoines sont légion. Mais pour une fois, savourons l’initiative du one man band Ars Onirica d’avoir choisi Adhiira Art parce que loin de faire défaut, cette pochette est tellement belle et mélancolique que l’on irait tout droit écouter le contenu histoire de se dire que notre vie est finalement pas si moche que cela. Vous voyez le genre? C’est donc un constat implacable que je dresse de la pochette. Une des plus belles de l’année pour moi. Ce « II: Lost » commence décidément bien!
Et ce n’est pas la musique qui va dénaturer le tout! C’est rarement dans ce sens-là que la logique musicale existe d’ailleurs. Ars Orinica officie dans un style un peu compliqué à décrire avec précision mais je présume qu’il s’agit d’un doom death metal mélodique. Même si la dénomination est parfois un synonyme de raccourci facile, j’ai repéré des accroches typiques de ce style. Sur le plan sonore, on est sur quelque chose de très lent et très lourd, assez classique dans l’intention de départ et la musique n’offre finalement rien d’étonnant dans un premier temps. Mais les mélodies guitares et les lignes aux claviers sont des atouts prépondérants pour apprécier comme il se doit la musique chez Ars Onirica. De fait, les ambiances sont pesantes et tristes, avec une place réservée à la dépression dans tous ces sens possibles, le tout étant suffisamment bien représenté pour que l’auditeur se perde lui-même dans ses propres états d’âme. Ce qu’il convient de préciser et qui constitue à la fois un point positif et un regret, c’est l’importance des claviers dans la musique de « II: Lost« . Les claviers plantent des décors différents selon les morceaux, mais on s’aperçoit souvent que le décor cache en fait quelques vices. Moi, je n’ai rien sur l’utilisation outrancière des claviers puisque ce sont des instruments avec tellement de potentiels qu’on aurait tort de se priver de lignes de claviers dans un album quand en plus on a l’imagination incroyablement galopante comme ici. Mais là où l’étiquette de metal mélodique sonne un peu faux pour moi est que les guitares ont un rôle amoindri pour le genre dûment cité. J’attendais plus de lignes mélodiques aux guitares, même si cela impliquait probablement d’accélérer les tempos plus souvent. Or, le doom death metal ici reste sur du basique en instrumentation extrême et saturée. On a que peu de mélodies pour accompagner ou reposer les nappes de claviers, et c’est un peu dommage. On sent qu’Alessandro Sforza est peut-être un peu tombé dans la facilité en faisant ainsi. Loin de moi l’idée de réfuter l’hypothèse d’un doom death metal mélodique! Simplement, pour du mélodique, cela reste à mon sens un brin léger… Mais ce n’est que mon avis! Du reste, faisant fi de ce constat, j’ai vraiment aimé cet album. On sent poindre de la mélancolie et un désespoir personnel qui ne peut que nous toucher dans ces conditions. Et c’est exactement ce qu’il s’est produit. L’album « II: Lost » est riche de plein de choses à commencer par les ambiances et l’imaginaire instrumental. Rien que pour cela ma première écoute n’a été que positive!
La production est tout aussi impeccable. Comme quoi, les années de disette peuvent parfois être bénéfiques… Je ne partais pas serein pourtant, j’avais quelques appréhensions. Mais finalement, elles ont été balayées comme des fétus de paille dans les western. Parce que le son représente à quelques nuances près tout ce qui peut me faire accrocher à un album. Concernant la partie metal de l’affaire, la saturation est très bonne avec un soin apporté à la lourdeur caractéristique du doom death metal. Sur ce point précis il n’y a aucun souci, d’autant que notre camarade Alessandro Sforza officie surtout à la guitare et au chant. Et comme il n’y a pas trace d’invités sur cet album, on devine que le reste a été soit programmé, soit joué par un tiers. Mais cela n’enlève en rien la qualité sonore qui découle de « II: Lost« . Amateurs de doom death metal, c’est indiscutablement pour vous! Sauf que. Il va falloir aimer les nombreuses incorporations aux claviers qui sont changeantes en fonction des pistes, et qui amène un plus indéniable qui peut néanmoins rebuter les plus puristes d’entre vous. Moi, je considère simplement que les claviers sont un peu trop forts, un peu trop mis en avant. Même si ces derniers sont les composants principaux de l’album, avoir une place un peu plus nette pour les instruments metal n’auraient pas été de trop. Voilà! Autrement, tout le reste va bien, très bien même. Un album rondement ficelé et mixé, pour un deuxième on est franchement pas mal du tout! Beau boulot l’ami!
Je dois vous faire une confidence : l’album était tellement fluide et agréable, et la fatigue surtout était tellement prenante ce soir que j’en suis resté lamentablement à une écoute. Simplement, ce n’est pas grave parce que pour une fois, l’évidence était tellement forte que cet album est une petite tuerie que je n’ai pas eu besoin de plus pour m’en convaincre. Il y a du Katatonia, de Paradise Lost voire aussi un peu de Candlemass dans cet album, le sieur Alessandro Sforza a bossé son sujet avec enthousiasme et cela se sent. Mais on devine que comme tous les grands albums, il s’est jeté dedans corps et âme pour laisser transparaître que les bribes de souffrance de son existence. Cela donne un album intimiste mais assez ouvert sur une brèche existentielle pour que l’on suive les dérives de perdition de notre camarade italien. D’aucun dirait que l’on sent les hommages poindre avec facilité et que l’album ressemble à ses aînés de manière flagrante. Je dois admettre que c’est un peu vrai d’ailleurs, mais en quoi est-ce un problème? Ars Orinica nous transporte dans ses horizons oniriques enchanteresses, presque apaisants par moment. On devine tout l’enjeu personnel de ce deuxième album, et non seulement le pari est réussi mais en plus les moyens ont été suffisamment importants pour que « II: Lost » soit un deuxième chapitre encore plus beau que le précédent. C’est donc sans doute que je classe cet album comme une formidable sortie, qu’il convient non seulement d’écouter, mais en plus de valoriser. Alessandro Sforza est un excellent musicien, c’est sûr!
Le seul point qui me dérange beaucoup, en revanche, c’est le chant. Ou plutôt « les » chants, puisque notre ami oscille sur trois techniques principales : un chant clair posé et calme, un chant en growl medium et un en growl aigu voire high scream. Honnêtement, cette abondance de chants n’est pas du tout approprié. Je retiens toutefois que les deux techniques qui fonctionnent bien voire très bien sont le chant clair et le chant en growl medium. Normal! On est sur du doom death metal et le gonze aurait même pu aller sur du grunt grave profond et caverneux qui n’aurait pas été incongru du tout. Mais il a choisi le growl medium, plus passe-partout et plus conventionnel. En soi, je respecte totalement puisqu’elle passe presque partout justement. Le chant clair est celui qui m’a donné le plus de frissons, je le trouve en effet étonnamment posé et le plus, c’est qu’il se marie très bien avec des passages en saturé comme en clean. Le chant posé est superbe et la technique est au rendez-vous. Mais il faut absolument supprimer le dernier… Il est mauvais, ne sert à rien du tout mis à part montrer un talent, et surtout il est abondamment utilisé. D’ailleurs, je note que rythmiquement parlant, il y a beaucoup trop de variations de chants sur l’album. Voilà pour moi. A revoir partiellement.
Point final pour cette chronique! L’album « II: Lost » du one man band italien Ars Onirica est une belle surprise! Deuxième dans la fratrie, cet album de doom death metal mélodique dans la lignée des grands groupes des années 90 et de maintenant ne donnera pas sa part aux lions. Il a à peu près tout ce qu’il faut pour fournir une musique typique mais originale par son côté intime et discret, un album qui ne s’énerve que rarement si ce n’est pour accentuer une souffrance intérieure et psychique qui n’a rien à envier à la plupart des albums précédemment sortis dans cette veine. Ce n’est pas l’album de l’année, mais je considère qu’Alessandro Sforza est un musicien extrêmement doué, bourré d’imagination et qui, hormis quelques menues erreurs de jeunesse dirons-nous sur les chants et la production, pourrait dans les années à venir signer un sans-faute. « II: Lost » y tend facilement d’ailleurs, il ne faut pas grand-chose. Excellente sortie!
Tracklist :
1. Lost
2. My Heart… Your Tomb
3. Daydream
4. Regret
5. Forever And A Day
6. Together… Alone
7. On The Wall
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