Line-up sur cet Album
- Sven Vinat : composition, chant
- Guests :
- Anthony Debray : percussions sur 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8, 9, 10, 11
- David Loisel : chant, balalaïka, erhu sur 4, 8, 9
- Céline Ba : chant sur 3, 5, 7, 10
- Geoffroy Dell'Aria : cornemuse, flûte sur 1, 2, 3, 5, 6, 9, 10, 11
- Delphine Troadec : harpe sur 3, 10
- Loïc Cellier : chant sur 1, 2, 3, 5, 6
- Lucile Marciniak : violon sur 7
- Grégory Person : chant sur 3, 5, 7
Style:
Musique Folklorique / NéofolkDate de sortie:
08 août 2022Label:
Antiq RecordsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10
“Le folklore demeurera toujours ce qu’il est, une déformation des faits historiques lointains.” Paul Ohl
Vous connaissez l’histoire du nœud gordien? Bien sûr que si, vous le connaissez. Ne me dites pas « non » d’un air aussi désespéré enfin… Vous voyez le truc ? Le chroniqueur qui se fait tout un sketch en faisant les questions-réponses tout seul dans son lit. Eh bien, nous y sommes ! Je prends des cachets pour cela, soyez sans crainte. Plus sérieusement, est-ce que vous connaissez l’histoire du nœud gordien ? Dans les mythes et légendes, Alexandre le Grand, arrivant au royaume de Gordion, dirigé par le roi Midas, prit connaissance que s’il parvenait à défaire le nœud gordien qui relie un char avec ses montures, il deviendrait le maître de l’Orient. Se rendant donc au chevet de ce fameux char, et après avoir réfléchi longuement à la solution, il finit par trancher net le-dit nœud, et les apophénies qui suivirent (des éclairs dans le ciel) dans la nuit confirmèrent aux oracles que la prédiction était la bonne, validant ainsi le fait qu’Alexandre le Grand devint maître de l’Orient.
Pourquoi je vous parle de cela ? Parce que parfois, dans mes choix de chroniques, je me retrouve face à un véritable nœud gordien. Me sentant obligé de respecter la liste mensuelle selon un ordre établi mais changeant selon mes humeurs, je me retrouve souvent à hésiter devant l’ouvrage à étudier. Loin de me démonter durablement, je finis toujours par trouver chaussure à mon pied, mais ces choix ne sont pas sans conséquence. C’est surtout régulier devant le fait que je prends très souvent désormais les mêmes genres de metal, voire de musique tout court, et que ma liste se veut moins chatoyante devant les redondances. Moins encore que lorsque je faisais plus de black metal, qui m’offrait souvent des choix encore plus cornéliens si j’ose dire. Toutefois, ce soir, cela ne m’est pas arrivé du tout, puisque dans ma liste j’avais un album dont non seulement je connaissais déjà l’existence via mes recherches personnelles, mais aussi parce que je savais qu’instinctivement, tôt ou tard cet été, j’en ferai la chronique. Vous l’avez compris ! L’album n’était pas au départ dans ma liste, il ne l’a été qu’après mes choix mensuels. Cet album, que je suis heureux de vous présenter ce soir, porte le même nom que son créateur : Avel.
Avel est une formation nouvelle, fraichement élaborée par un musicien que les amateurs de black metal français connaissent sûrement très bien : Sven Vinat. Multi-instrumentaliste, ce dernier officie dans les groupes faisant partie de ce qui se fait de mieux en matière de black metal, français voire européen, avec une connotation traditionnelle ou païenne. Himinbjorg, Möhrkvlth, Paydretz, Tan Kozh, Malysteria et Notturno sont ses groupes actuels, et l’on pourrait mentionner que notre camarade musicien est également musicien live de Créatures à la basse, et de Belenos tantôt à la guitare, tantôt à la basse et toujours en chœur. Et comme Sven Vinat est breton, étant né à Paimpol, il est normal de constater que les préférences artistiques vont sur une thématique bretonne, voire celtique. Il convient aussi de préciser que notre ami est également le chef d’un studio d’enregistrement nommé Howling Cliff Studio en Bretagne et qui a masterisé d’éminents albums de très bons groupes comme Sol Draconi Septem, Passéisme, Ascète, et la plupart des groupes précédemment cités ! Excusez du peu.
Aussi, Avel l’album n’aura pas grande surprise me concernant dans l’orientation musicale, mais qu’importe ! Ce projet qui a vu le jour cette année et qui sort son premier album chez Antiq Label (en même temps, le gérant Hyvermor partage la chansonnette avec Sven Vinat sur différents projets) va, à coup sûr, révéler bien des secrets. Album intimiste d’un musicien que la scène metal française reconnait volontiers comme l’un de ses éminents membres depuis des années, on a le secret d’une personne connue. Cela n’est-il pas attirant?
Une fois n’est pas coutume de la part du label, la pochette a été créée par Joanna Maeyens. Je vous fais une confidence : j’adore son style. Que ce soit en artwork, créations manuelles ou graphismes pour des t-shirts, j’adore absolument tout ce qu’elle fait. Et comme l’artiste fait également partie du label, il était presque normal qu’elle fabrique cet artwork pour Avel, même si lors de ma seule chronique à ce jour pour le label (Diablation), ce n’était pas elle. Mais bon ! Pour cet album, le style est un peu différent de ce que Joanna Maeyens m’a habitué à découvrir.
La pochette est d’abord en noir et blanc, avec une prédominance nette pour le blanc qui sert à la fois dans ce cas présent d’effet lumineux, et aussi de contraste avec le reste du décorum. Ce dernier est d’ailleurs constitué d’éléments qui rappellent la Nature, avec ces montagnes rocheuses qui semblent couver en elles, soit des ramifications genre racines, soit comme si des arbres étaient mis en avant-plan, comme dans un tableau classique j’oserais dire. Je me dois d’être honnête, comme toujours : j’ai été un peu étonné par l’artwork, mais au début dans un sens plutôt négatif. Comme je disais, je suis habitué à un style appartenant à sa créatrice plus travaillé, d’abord, plus coloré, ensuite. Et le fait d’avoir cet ouvrage qui pourrait ressembler à quelque chose de plus grossier, si on manquait de goût et d’observation, mais surtout que l’on comparerait de prime abord avec les travaux précédents et tous aussi magnifiques les uns que les autres, m’a fortement désarçonné. Et puis, finalement, je dois dire que l’artwork fonctionne très bien, j’adore particulièrement le haut avec ce ciel nuageux et ce magnifique soleil (ou Lune?) qui donne tout son sens à la luminosité accrue de cette pochette. Pour moi, cet effet lumineux est la clé. Je pense que la musique, qui tranche nettement avec une approche plus mélancolique ou plus malsaine que le pedigree de Sven Vinat peut faire transparaître, est ici beaucoup plus belle, plus poétique et donc plus brillante encore. Par brillance, j’entends également parler de talent mais je me réserve la suite. En tout cas, une fois cette fraction de surprise passée, j’ai aimé l’artwork. Je préfère me dire que Joanna Maeyens, sa génitrice, a voulu sortir de sa zone de confort, et le défi, si tant est qu’il soit authentifié, est une réussite. L’artwork est très beau.
Venons-en au vif du sujet : la musique pour ce premier album d’Avel. Je n’étais pas parti sur des bases neuves puisque j’avais déjà notion de ce que proposait son compositeur. A savoir une musique qui se situe selon moi sur de la musique folklorique. On pourrait sans problème partir sur une dimension néofolk mais je ne crois pas qu’Avel se situe sur une réelle mouvance croyante ou pagan. Toujours est-il que la base instrumentale est résolument acoustique et surtout, folklorique. Avec l’utilisation de nombreux instruments invités sur son album éponyme, Avel se pare volontairement d’une identité celtique avec Anthony Debray comme percussionniste traditionnel, David Loisel (Les Chants de Nihil) au… Chant, mais également balalaïka et de l’erhu ; Céline Ba au chant lyrique ; Geoffroy Dell’Aria (Les Bâtards du Nord, Paydretz, Skyforger en live, etc.) à la cornemuse et à la flûte, Delphine Troadec à la harpe, Loïc Cellier (Belenos) au chant, Lucile Marciniak au violon, Grégory Person (Möhrkvlth) au chant.
En fait, réduire la musique à une simple musique folklorique d’ascendance celtique serait une erreur. Pour moi, la palette est large et explore de nombreuses expérimentations musicales, avec parfois des utilisations non pas détournées mais surtout des tentatives de faire une musique préalablement établie avec d’autres instruments. Avouez qu’utiliser un erhu qui est un instrument japonais pour faire de la mélodie celtique, ce n’est pas courant. Néanmoins, ce qui se dégage en profondeur de cette musique nouvelle et poétique fait surtout écho à une démarche très personnelle, avec une part insondable et mystérieuse, presque onirique, qui transpire à chaque note et à chaque intonation. La musique est apaisante, avec un aspect parfois épique, ou épico-dramatique, qui ne laisse pas indifférent. Et la richesse instrumentale, avec ce panel d’invités tous aussi parlants les uns que les autres, est un plus indéniable à la promotion d’Avel.
Maintenant, sur le ressenti, je dirais que même si j’ai aimé la première écoute, je n’ai pas non plus été transcendé. La faute probablement à une coloration culturelle que j’ai écoutée maintes fois durant mes pérégrinations musicales, et même si je suis personnellement très attaché à l’époque de l’avènement de tout ce qui est de près ou de loin celtique, avec des groupes comme The Pogues par exemple, il n’en demeure pas moins que mes oreilles durablement habituées à ce genre de sonorités peinent à trouver l’originalité dans un album nouvellement sorti comme Avel.
Et je déplore un petit truc dont je parlerai plus bas, et qui selon moi manque cruellement à l’album. En tout état de cause, cet album est une petite beauté, et son principal atout est non seulement sa richesse instrumentale doublée d’un côté expérimental qui ne me laisse pas du tout indifférent, mais en plus on sent que notre ami Sven Vinat en a sous la calebasse, et qu’il déborde d’imagination et de talent pour parvenir à une composition aussi foisonnante. Je sais, et suis convaincu à cent pour cent, que ce premier album, par le CV de son créateur et par la réception qui en découle déjà, va plaire à beaucoup d’entre nous. Et même si, comme je le disais, je ne suis pas emballé, j’aime beaucoup le résultat.
Pour ce qui est de la production, évidemment que connaissant le sérieux et l’application de son géniteur, Avel se dote d’un son quasiment parfait. Outre les placements qui sont très bons, donnant un son exactement comme il le faut pour chacun, il y a surtout un son particulièrement puissant et profond. Quand je parle de placements, je dis simplement qu’une cornemuse est toujours plus impressionnante quand on l’entend au loin, Cruachan faisait cela déjà notamment sur l’introduction de The Middle Kingdom et cette introduction me foutait la chair de poule. De même que l’erhu est un instrument qui, avec beaucoup de réverbération, est un instrument ultra puissant sonoriquement parlant. Et force m’est de remarquer que sur Avel, les instruments sont soigneusement placés et arrangés pour donner différentes teintes à la musique. Tantôt versant dans l’onirisme, tantôt dans l’épique, tantôt dans la mélancolie, etc.
Fort d’une richesse instrumentale, le fait de travailler avec un tel soin la production permet d’avoir un album encore plus riche et tellement rempli de moments uniques qu’évidemment, on ne reste pas insensible. Et l’écoute est harmonieuse jusqu’au bout, offrant un vrai moment sympathique, sans coupure. Nous avons ainsi une musique folklorique puissante et forte dans les sonorités. J’y vois un côté guerrier que je n’avais pas spécialement abordé en première intention, et que la production laisse apparaître de façon flagrante. Voilà selon moi une des grandes forces de son premier album. Mais comme je disais au début, je n’en attendais pas moins de la part de Sven Vinat. Magnifique!
Je ne sais pas pourquoi, mais là où je trouve l’identité de l’album plus frappante, encore que dans la musique en termes techniques, se situe dans le nom des morceaux. Et c’est là que toute la magie d’Avel prend son sens ! Vous prenez le titre de chacun et vous les collez à l’ambiance, vous vous apercevez tout de suite que tout est raccord. Et l’identité bretonne, sinon celtique, prend tout son sens. Les rapports avec la mer, l’horizon, l’espoir et le calme de cette dernière qui peut rapidement se transformer en monstre. Ces chansons, ce sont presque des hymnes ! Des hymnes personnels toutefois, avec une vraie relation intérieure entre le marin et son irrépressible envie d’affronter la mer. J’ai ressenti la musique de cet album comme ceci, avec une intensité terrible et finalement, le sentiment de partager ces égarements de pensée vers un vague-à-l ‘âme toujours plus inaccessible.
Au-delà de toute la sphère technique que je ne maitrise pas dans le cas de la musique folklorique, n’ayant pas les connaissances que ce soit dans le genre acoustique ou dans la culture celtique, mais qui paraissaient en tout cas fort bien maitrisées, je trouve qu’Avel invite sincèrement au voyage, à la connaissance des divagations d’un seul homme, son enchanteur. Et le fait que ce dernier varie un peu les choses en allant sur des sentiers soit un peu plus guerriers, soit un peu plus noirs, n’entache en rien l’ambiance générale de ce premier album qui fait feu des deux fuseaux pour ne laisser au final son auditeur dans une mare d’admiration.
Franchement, même si je n’ai pas été emballé tout de suite, comme le montrait mon premier paragraphe sur l’écoute, je me suis pris au jeu et j’ai aimé cette musique de balade et d’errance onirique. Avel signe donc un premier album intéressant par sa maturité et son authenticité. Je vous passe mes considérations sur la technique et le talent, puisque j’aime à peu près tout ce que fait Sven Vinat. Mais retenez que pour un premier album, on tape déjà dans la valeur sûre, à coup sûr !
Maintenant, nous allons brièvement évoquer mon seul et unique regret, assez important tout de même sans dénaturer la musique : le chant. Ou son absence surtout. Car au final, peu de chant avec textes n’ornera ce premier album d’Avel. Hormis sur deux pistes, le reste est résolument instrumental si l’on considère que les chœurs derrière en chant diphonique ou en chant choriste ne soient pas du domaine du chant habituel que l’on a sur un album du style musique folklorique. Alors, sur ces derniers d’ailleurs, je n’ai absolument rien à redire et suis même très agréablement surpris de leurs utilisations ! Le chant diphonique au début est magistral, je ne sais pas exactement qui l’a fait mais alors, moi qui adore ce type de chant, j’ai été scotché sur place. Superbe ! Pour les chœurs, j’ai beaucoup aimé l’harmonie qui s’en dégageait, et leurs utilisations permettaient justement d’ajouter encore plus de puissance à une musique habituellement posée et tranquille, mais déjà sublimée dans ce sens. C’est donc un excellent point ! Mais franchement, j’aurais adoré avoir du chant textuel. Avec tout le concept autour de l’album, les références de son géniteur et tout le potentiel qui en découle, un chant avec des textes magnifiques, autour de ce que vous voulez, aurait été tellement à propos. Et déception pour moi, il n’y en a presque pas. Et le pire ! C’est que le peu qu’il y a est en français ! Moi qui aime les textes écrits en français dans notre belle musique… C’est presque de la frustration pour moi. Et je pense que pour atteindre du bout du doigt la perfection, Avel devrait faire l’effort d’incorporer des textes dans sa musique. S’il veut d’ailleurs, je peux tout à fait m’en occuper ! Je plaisante.
Ainsi se termine cette chronique ! Je considère, au vu du parcours de Sven Vinat, que pouvoir faire la chronique du premier album éponyme de son projet solo, nommé donc Avel , est un honneur. J’ai énormément de respect pour ce qu’il a contribué à faire pour le metal français, et le voir emprunter les sentiers d’une musique folklorique qui sent bon le folklore breton et / ou celtique en général me remplit de bonheur. Alors, quand en plus il le fait avec entrain et talent, que son album est très beau et respire bon les états d’âme, que demander de plus ? Bien sûr que je pourrais me montrer tatillon et déplorer avec ferveur la quasi absence de chant textuel, là où la poésie aurait été encore plus désarmante que sa musique ne l’est, mais qu’importe. Le plus important est que cet album est une vraie réussite, qu’il y a matière avec l’entourage que s’est forgé Sven Vinat de faire un des meilleurs projets du genre en France. Ou en Brittanie, c’est selon ! En tout cas, très bel album!
Tracklist :
1. Les Fils de la Tempête 04:18
2. Heurt des Roches 03:43
3. Tourments Enchanteurs 04:17
4. Exode 03:41
5. Bleue de Sang 03:43
6. Union 03:50
7. Éclat des Flots 03:04
8. Peur Blanche 04:35
9. A l’Ombre des Rameaux 03:41
10. Les Vallées de l’Esprit 05:43
11. Exalté 02:40
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