Note du Soilchroniqueur (Mitch) : 7/10

« Le Doom, si tu as des riffs bien efficaces, ça va beaucoup plus vite à construire que des morceaux comme Maniac. Tu trouves 2-3 riffs qui tuent, qui s’enchaînent bien, ça te fait un morceau de dix minutes. Quatre morceaux, et tu fais un concert ! »

Laurent, le bassiste, nous vante avec beaucoup d’autodérision son plaisir de composer et assembler la musique de ce nouveau groupe, Azken Auzi. Car c’est évidemment plus compliqué que cela, mais dans l’esprit, on voit où il veut en venir : un projet spontané, instinctif, où le plaisir de riffer dru l‘emporte sur le côté calculé et presque mathématique du combo dont il est issu avec le guitariste Ludo, Maniac (Death – Hardcore).
Maniac, je les ai connus en 2018, lorsqu’ils sont venus se produire dans notre
incontournable Rock n’Eat lyonnais. Les gars sont du Var, moi du département voisin, nous avons sympathisé sur nos racines communes, et je les ai suivis de loin en loin depuis. Et cela ne s’est pas trop mal passé pour eux : un nouvel album bien reçu, des dates avec Svart Crown, Celeste, Napalm Death… Et tout à coup, c’est le drame, au moment d’enregistrer le chant sur un nouvel EP, le chanteur quitte le groupe, et tout se casse la gueule.

C’est donc en réaction à cette période frustrante, que les deux amis s’allient à Fred, batteur de Tom Is Fat (Noisy Rock), pour exorciser les difficultés et se relancer au plus vite.
La noirceur de leurs pensées les dirige vers un Doom – Sludge sombre et gras, hautement spontané et authentique. L’enregistrement est d’ailleurs réalisé dans des conditions live, et mis en forme par leur ami Alexandre Kosnisky.
Pas de chichis, donc, on se fait rouler dessus lentement, par un 38 tonnes aux pneus dégonflés, dont le moteur graisseux hurle des riffs lourds et gorgés de fuzz.
Des parties pachydermiques (« Disgrace »), des riffs plus occultes à la Black Sabbath (l’intro de » K.R.L.H »), des accélérations vicieuses, Azken Auzi pioche avec succès dans l’iconographie historique du Doom, en l’enlaidissant encore d’une couche de distorsion crade et baveuse.
J’ai un attachement tout particulier aux pistes 2 et 6, « Azken Auzi » et « Home », qui répètent et étirent en de longues transes, un peu plus enlevées que l’humeur générale, des riffs dont on aimerait qu’ils durent toute la nuit… « Home », après un sample du célèbre et dramatique « I am… in a world… of shit » de Full Metal Jacket, s’éteint doucement en basculant sur une guitare sèche, nous ramenant progressivement à une réalité moins glauque, purgée de toute cette noirceur.

Azken Auzi (« le jugement dernier », en basque), ne s’oblige à rien en matière de chant. Sur une musique grandement instrumentale, la voix de Ludo vient juste éructer quelques mantras hostiles (« I Hate You »), quand elle le juge nécessaire. Peut-être un peu uni-dimensionnelle, si elle venait à prendre plus de place, il faudra voir comment nos varois choisiront de la doser ou moduler à l’avenir.
De même pour la batterie, « l’urgence » de l’enregistrement ne rend pas sa pleine justice à la caisse claire, par exemple, et le parti-pris d’un son cru, crade et spontané, nous donne toutefois envie d’entendre ce que donnerait la formation avec une production un peu plus cossue sur une prochaine sortie.

Quant aux visuels, pour finir, ils représentent une pleine réussite, le rouge baveux signature d’Azken Auzi (clip, photos, dessus du CD et pochette intérieure) étant joliment contrebalancé par une pochette fine, élégante, mais intrigante, façon gravure : un artwork réalisé par Carotide & Stéphane Benedetti.

Moins de deux ans après la constitution du projet, nos amis varois ont efficacement construit leur édifice, avec une personnalité déjà marquée et un feeling très authentique, sur cet album éponyme, attachant et profondément humain, pas « parfait » mais si « vrai ». On attend la suite…

Tracklist :

1. Disgrace (06:45)
2. Azken Auzi (06:57)
3. I Hate You (06:18)
4. Rho Scorpii (05:46)
5. K.R.L.H. (07:04)
6. Home (08:18)
7. Azken Auzi (alt.version) (06:57)

Facebook   Instagram   Bandcamp