Line-up sur cet Album
- Paweł Jaroszewicz : chant
- Мартин : batterie
- Кристофор : guitare, basse, voix
Style:
Black MetalDate de sortie:
12 juillet 2019Label:
Metal Blade RecordsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.5/10
« L’anticléricalisme et l’incroyance ont leurs bigots tout comme l’orthodoxie. » Julien Green
C’est quand même quelque chose, la Pologne ! Un véritable nid de groupes de plus en plus connus, dans un pays pourtant fortement marqué par un catholicisme très prenant. 40 % de la population est très pratiquante. Et au-delà du tourisme qui en découle, c’est tout un mode de vie qui se situe dans ce versant clérical exacerbé. On se demande bien comment des groupes de Metal peuvent émerger aussi facilement sans faire tache dans ce décor monacal ! Si vous êtes fans des ragots, vous vous souvenez sûrement que Nergal, le leader de Behemoth, avait failli être condamné à deux ans de prison ferme pour avoir déchiré une Bible et l’avoir jetée dans le public lors d’un concert. Les propos diffamatoires sur la religion peuvent donc vous mener droit en prison en Pologne ! Et pourtant, les groupes au caractère provocateur, il en existe, et des connus. Behemoth, Lost Soul, Vader, Graveland, Evilfeast, etc. Et, parmi ces groupes bien installés, il y en a un qui a une histoire déjà bien chaotique mais qui, tout doucement, s’incruste parmi les grands groupes polonais, et qui en plus joue sur la carte de la provocation avec une grande noirceur : Batushka.
Batushka I et Batushka II en fait. L’un écrit en alphabet latin, l’autre en cyrillique. Oui, mesdemoiselles et messieurs, même si juridiquement parlant c’est étrange, il y a à l’heure actuelle deux Batushka, avec le même logo. Au départ, en 2015, le groupe était stable, avec un line-up originel qui a réussi à sortir un magnifique premier album intitulé Litourgiya (découvert pour le bien de cette chronique) qui sera même réédité par Metal Blade Records en 2017 et offrant un succès mondial au groupe en seulement deux ans. Et puis, patatras ! En 2018, le chanteur est viré du groupe mais décide de garder les droits dessus, éjectant du coup le guitariste fondateur. Et voilà comment il y a depuis deux groupes du même nom et qui sortiront chacun un album de leur côté en 2019 : Panihida et Hospodi. C’est ce dernier que je vous propose de découvrir ici.
Alors, avec un tel conflit entre musiciens, on peut s’attendre à des grands écarts musicaux et visuels. Et à ma grande surprise, le design parait assez fidèle au précédent album : une imagerie très chrétienne mais avec une tournure très orthodoxe. D’ailleurs, le nom du groupe Batushka signifie « abbé » en russe, pays roi de l’orthodoxie. Nous avons donc un artwork qui ressemble à une gravure ancienne représentant deux icônes aux visages effacés, très macabres avec leur maigreur extrême, et qui se touchent presque tendrement. On voit autour des têtes des auréoles, un trait lumineux qui traverse les deux visages et ce qui ressemble à une croix en arrière-plan. Manifestement, il y a une référence claire et précise, mais je suis frappé par l’aspect moderne de l’artwork. J’ai souvenir de celui de Litourgiya qui était vraiment bluffant car on avait l’impression d’être devant une gravure ancienne, abîmée par le temps. Là, cette modernité dans l’artwork me laisse un peu perplexe. Je crois qu’il y a une volonté d’être plus accessible aux auditeurs que le premier, et j’aurais préféré une gravure ancienne que cette modernité dans le graphisme. Ne vous méprenez pas ! Il est très bien fait et je salue le travail de l’artiste. Mais j’aurais bien aimé que le groupe dirigé par le chanteur garde cette subtilité qui faisait son originalité. Mais bon… (A titre de comparaison, je vous laisserai faire votre opinion sur l’autre deuxième album).
Avant d’aborder la musique, j’aimerais traiter un point essentiel : je n’ai pas écouté le premier album et celui du leader, sorti à part. Donc je n’aurai pas le recul pour dire si Hospodi est meilleur ou pas. Je resterai ainsi stricto facto sur l’album ci-contre, sans comparaison. Détail important car ma bien aimée et vénérée consoeur (et non consanguine) BloodyBarbie m’a dit que le premier album, Litourgiya, est de loin le meilleur et surtout, qu’il est radicalement différent de Hospodi.
En tout cas, vu l’aspect blasphématoire du groupe, pas de doute là-dessus : nous avons affaire à du black metal. Et lorsqu’on ne connaît pas Batushka, et que l’on aime le black metal, la première impression se résume en un mot : K.O. Je me souviens avoir mis le format mp3 pour ma première écoute dans la voiture, je n’ai pas réellement souvenir de mon trajet tant la musique m’a hypnotisé. Donc, gare à toi qui prends la voiture avec Hospodi : tu sauras que tu es parti mais tu ne sauras pas comment tu as roulé ! Parce que le black metal est teinté de mélodies et incorpore une forme de brutalité qui est un peu hors des clous dans la musique basique black metal. Un son moderne qui traite de croyances anciennes, c’est une belle trouvaille ! J’adore ce son que l’on retrouve de plus en plus de nos jours dans ce milieu plus habitué à la froideur qu’à la violence. J’irai même plus loin : la noirceur se développe sous une forme majestueuse et envoûtante – Hospodi signifie en russe « Seigneur » – qui fait directement penser au blasphème. On retrouve également beaucoup d’interludes entre les morceaux, sur des sons outrageusement religieux, qui sont là pour les lier ensemble. Un peu comme une histoire que l’on raconte, ou comme un livre saint. Ces interludes mettent une ambiance dantesque, à en donner des frissons. Dans les influences, j’ai cru déceler du Behemoth (normal vous me direz) mais aussi du black mélodique à la Uada ou quelques sensibilités death metal mais que je ne parviens pas à retrouver.
D’un point de vue plus concret, on a donc dix morceaux de gros calibre qui déboîtent les cervicales et la jouissance intérieure de chaque amateur de black metal qui se respecte. Dix morceaux qui puisent leur inspiration dans la liturgie orthodoxe et ses travers, et qui le font avec une telle recherche du détail que les morceaux sont nommés en russe. Pour des Polonais, dont l’Histoire est construite sur la persécution russe, c’est un sacré clin d’œil !
Je vais tout de même vous partager mes morceaux coup de cœur : « Powieczerje » avec ses ambiances très mélodiques et son aspect martial et « Wieczernia » (glycine) qui m’a mis les pétoches avec cette référence à la fleur qui a le plus inspiré les artistes !
En fait, au plus j’écris cette chronique, au plus j’ai une pensée qui m’envahit : quel gâchis que ce conflit. Parce que, quand on découvre le talent de composition de Hospodi qui est assuré par le chanteur, je me dis que, vu les louanges qu’ont récolté les autres CDs, qu’est-ce que ça donnerait de coupler à nouveau ces forces vives de composition ? On aurait sûrement des monstres, des mythes du black metal. J’en veux pour preuve la scénographie recherchée et travaillée, qui mettait une ambiance plus noire, un peu comme Watain.
Je vais conclure ici parce que je crois que la musique de Batushka n’a pas besoin qu’on la décrive en détail pour lui trouver un intérêt. C’est juste un CD exceptionnel, tout simplement. Ne cherchez pas à faire dans la didactique comme j’ai tendance maladivement à faire, parce que Batushka est une valeur plus que sûre pour l’avenir du black metal. Une révolution que d’avoir donné ce son si particulier, ce concept qui sort des sentiers mille fois labourés du satanisme qui n’a presque plus de saveur, pour aller explorer l’orthodoxie.
Batushka est ce genre de groupe dont on entend tellement parler en bien qu’on ne l’écoute pas de peur d’être déçu, comme certains films au box-office. Erreur corrigée, et suffrage remporté haut la main pour moi. Longue vie à eux !
Tracklist :
1. Wozglas
2. Dziewiatyj czas
3. Wieczernia
4. Powieczerje
5. Polunosznica
6. Utrenia
7. Pierwyj czas
8. Tretij czas
9. Szestoj czas
10. Liturgiya
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