Borgne – Règne des morts

Le 18 novembre 2015 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


Bornyhake : Tout Guests : Quaoar (basse sur 3, 4 et 6), Lady Kaos (claviers sur 3, 4, 6), Spellgoth (chant sur 5), Dex Inferi (basse sur 5), Ardelean (guitares sur 6), Nahël (guitares sur 6).

Style:

Black metal atmosphérique

Date de sortie:

28 septembre 2015

Label:

Those Opposed Records

Note du SoilChroniqueur (Metalfreak) : 9,5/10

Il y a des groupes, comme ça, pour lesquels on a une impatience de les voir sortir leur nouvel album, sachant pertinemment que les probabilités de déceptions frôlent le zéro absolu !
A l’instar de leurs compatriotes Darkspace, les Suisses de Borgne nous envoient avec ce « Règne des morts », leur sixième album, une nouvelle fois un chef d’œuvre émanant du cerveau torturé de Bornyhake.
Depuis 1999, il nous distille un black metal atmosphérique teinté d’industriel à grand renfort d’ambiances suffocantes pour un rendu misanthropique et déshumanisé.

Avoir vu Borgne au Hellfest 2014 aura été quarante trop courtes minutes grandioses et chaque titre, le final « Suffer as I paid my grave » avait achevé de me subjuguer de par la force de l’interprétation de l’ensemble de leur set.
Borgne a cette capacité de nous captiver, nous faire rentrer dans leur univers avec une facilité déconcertante et d’arriver à nous faire rentrer dans nos derniers retranchements avec une musique définitivement raw et minimaliste, avec une absence totale de couleur pour nous plonger dans les ténèbres les plus sombres.
Que ce soit avec « IV » (2009), « Entraves de l’âme » (2010), le majestueux « Royaume des ombres » (2012) ou la dernière pépite en date qui nous concerne aujourd’hui, Borgne nous envoie à nouveau dans un univers où tout n’est que noirceur et souffrances dans leurs côtés les plus glauques.
Désormais, Borgne a cette capacité d’être reconnaissable dès les premières notes de leurs morceaux : c’est après une intro de deux bonne minutes que « Void miasma » nous colle les premiers frissons : riffs typiques sur lesquels la batterie électronique nous fait secouer la tête ou nous plonger dans un recueillement profond en fonction du tempo qui lui est donné. Le chant, toujours aussi profond et torturé, les nappes de claviers impalpables et les riffs répétitifs donnent une ambiance proche de celle proposée par Dakspace mais se démarquant de par la capacité au compositeur de nous varier les plaisirs et les ambiances d’un break à l’autre.
Si les comparaisons entre les deux groupes vont aller bon train de par leur appartenance à la même famille musicale et leur nationalité, Borgne ne nous répètera pas ses riffs à l’infini mais se contentera malgré tout de lancinances régulières comme pour nous hypnotiser afin de mieux nous asséner un coup derrière la nuque avec des accélérations impitoyables par ci ou de nous étouffer avec des passages limite doom par là.
Plus de huit minutes passent et le premier titre s’arrête : on est déjà fébriles d’entendre la suite… Oui, « Void Miasma » est passé par là.
« Eonious fovous », chanté en Grec, s’enchaîne sans la moindre transition, sur une rythmique très lente et mélancolique. Le chant et les nappes de claviers donne l’impression d’assister à un orage hivernal : les douze minutes de ce deuxième titre sont d’une lourdeur malsaine, le chant est lent, saturé et se laisse recouvrir d’une légère réverb’ : l’ensemble est pesant et les riffs, mélodiques façon Summoning, donnent un peu de lumière au titre qui reste définitivement ancré dans un tempo vicieusement lent sur toute sa longueur, prouvant qu’on peut proposer une forme de violence impitoyable avec un calme relatif qui donne des sensations de puissance lascives à chaque écoute.

« When swans are chocking » n’aura pas pour vocation, lui, de changer la donne déshumanisée de l’album. Non, si Borgne est capable de nous sortir sept titres variés sur un album de presque 80 minutes, il nous prouve avec ce troisième titre qu’il peut également proposer différents thèmes au sein du même morceau. Bien aidé en ça par la claviériste Lady Kaos et le bassiste Quaoar (également présents par la suite sur « Everything is fallacy » et « Fear »), les ambiances se veulent plus profondes que sur « Void miasma », malgré un chant invariablement synonyme de rage et de souffrance.
On oublie toute forme de lumière, toute forme d’humanité : l’univers de Borgne reste cloîtré dans un magma de noirceur où l’ultra violence glaciale prédomine.
Encore une fois, douze minutes au compteur, mais un temps infini qu’on ne voit pas passer : toujours ces thèmes repris à l’envi, cette batterie électronique, et ce chant déchirant déclamant des phrases courtes sont autant d’invitations au sentiment de malaise !

« Everything is fallacy » débute calmement, en acoustique, et reste longuement dans un univers plus ambiant, plus épique aussi avec quelques mélodies disséminées nous offrant brièvement un peu de couleur à l’ensemble avant que des riffs plus heavy nous fassent replonger dans une noirceur à nouveau opaque. Cette alternance limite salvatrice n’est là que pour nous maintenir attentif, comme une lueur d’espoir vaine devant l’inéluctabilité. Le chant growlé en fin d’une première partie du morceau ne faisant que renforcer les sensations de désespoir dans lesquelles Bornyhake semble vouloir nous maintenir. Un étonnant blanc de quelques secondes avant que des parties très calmes en acoustique apparaît, impalpables, avant que des riffs doom viennent se greffer dessus, caressants, pour augmenter le côté mélancolique de l’ensemble.
Quand la musique sombre des Suisses confinent à une pure beauté…
« Abysmal existence » revient à un black metal plus primaire, bien illustré par le chant rageur de Spellgoth (Horna), plus cru, qui fera à nouveau naître les comparaisons avec Darkspace avec lequel Borgne rivalise de noirceur lors des parties instrumentales.
Le morceau monte en puissance, petit à petit, avant un break ambiant en son milieu sur lequel le chant se veut encore plus torturé sur fond de nappes de clavier solennelles avec toujours ce petit son de batterie électronique sur un rythme, lui, rapide.
Le retour aux gros riffs, puissants, nous offre un contraste saisissant avec ce break et la fin du morceau reste dans ce gros son à faire frissonner plusieurs fois l’auditeur.
Oui, « Abysmal existence » est aussi passé par là.
C’est lié au titre précédent que « Fear » débute par une brève intro ambiante avant que des riffs plus planants nous renvoie au Borgne du précédent album, sur des tons que n’aurait peut être pas renié Summoning, le côté pagan en moins. Les guitares, tenues par Nahël et Ardelean – ce dernier déjà présent sur les deux précédents albums et guitariste live du groupe – sur ce titre, se veulent plus aériennes, mais lorsque le tempo s’accélère, elles donnent encore une autre profondeur à la musique de Borgne.
Le final, sur un riff qui s’en va se perdre dans les abîmes avec un fader jusqu’au silence total est juste grandiose.
Mais que dire des quinze minutes de « L’odeur de la mort », titre sur lequel Bornyhake se met à décliner son chant pour la première fois en français ?
L’utilisation de la langue de Molière renforce cette sensation glauque et malsaine pour aller jusqu’à nous glacer le sang.
« Je sens l’odeur de la mort, cette odeur je ne l’oublierai pas », comme une complainte déchirante d’un homme sentant que tout n’est que souffrance et désolation autour de lui… Un cauchemar permanent duquel on ne peut s’échapper : on peut courir mais l’atrocité derrière nous, si elle ne nous rattrape pas, ne nous lâche pas non plus.
L’album se termine par une véritable bande son de nos pires cauchemars sur une musique puissante, au tempo rapide, avec une répétition des thèmes comme pour nous faire subir une longue complainte, une agonie sans fin… et longtemps on reste cloîtré dans cet univers étouffant vicieusement jouissif.

Une nouvelle fois, Borgne nous sort un album cru, sans fioriture, au caractère misanthropique et déshumanisé. « Règne des morts » perpétue l’habitude de Bornyhake à nous composer des albums torturés aux ambiances glaciales avec un tel talent de composition qu’on frôle à chaque fois l’excellence.
Du grand art, une fois de plus, pour une suite logique aux deux derniers chef d’œuvre en date.

Tracklist :

1. Void Miasma (8:21)
2. Eonious Fovous (12:08)
3. When Swans Are Choking (12:10)
4. Everything Is a Fallacy (11:05)
5. Abysmal Existence (10:51)
6. Fear (8:13)
7. L’Odeur De La Mort (15:26)

 

BandCamp : https://borgne.bandcamp.com/
Myspace : http://myspace.com/borgne
Facebook : https://www.facebook.com/borgneblackmetal
Chronique « IV » : http://www.soilchronicles.fr/chroniques/borgne-iv
Chronique « Entraves de l’âme » : http://www.soilchronicles.fr/chroniques/borgne-entraves-de-l-ame
Chronique « Royaume des ombres » : http://www.soilchronicles.fr/chroniques/borgne-royaume-des-ombres

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