Bukowski – Bukowski

Le 23 septembre 2022 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


  • Mathieu Dottel — chant, guitare
  • Romain Sauvageon — batterie
  • Clément « Knäky » Rateau — guitare
  • Max Müller — basse

Style:

Stoner / Hard Rock

Date de sortie:

23 septembre 2022

Label:

AT(h)OME

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9,5/10

« On ne manque pas de sociologues à faible quotient intellectuel aujourd’hui. Pourquoi j’en ajouterais, avec mon intelligence supérieure ? On a tous entendu ces vieilles femmes qui disent : « Oh, comme c’est AFFREUX cette jeunesse qui se détruit avec toutes ces drogues ! C’est terrible ! » Et puis tu regardes la vieille peau : sans dents, sans yeux, sans cervelle, sans âme, sans cul, sans bouche, sans couleur, sans nerfs, sans rien, rien qu’un bâton, et tu te demandes ce que son thé, ses biscuits, son église et son petit pavillon ont fait pour ELLE. » Charles Bukowski

Celle-là, elle s’imposait! Dans le genre citation facile, je ne pouvais pas faire mieux. Une chronique qui parle de Charles Bukowski, vous imaginez un peu le délire? Bon, on n’en parlera pas directement, il ne faut pas rêver non plus, mais quand on lit ce nom, on ne peut s’empêcher de penser à cet auteur de génie qu’il était. Poète et auteur polymorphe, écrivain également de chroniques et nouvelles, il était surtout célèbre pour ces citations acerbes et cyniques sur l’Homme en particulier. Et question rancune, notre auteur avait de quoi se nourrir! Enfant battu longtemps par son père, quelque peu délaissé par sa mère qui n’interférait jamais dans les conflits entre père et fils, il se découvre un véritable intérêt pour l’écriture et la poésie pour échapper justement à ces maltraitances physiques et psychologiques paternelles. Un autre fait va marquer encore plus ce besoin d’essouffler le repli social et donc ce rapport thérapeutique et salvateur aux mots : une acné terrible qui va le défigurer de partout. Ce que j’aime chez lui, outre cette écriture incroyable et cette anamnèse rocambolesque, digne d’un roman qui oscillerait entre le tragique et le comique, c’est que Charles Bukowski avait une vraie admiration pour un autre écrivain que j’adore : John Fante. Et l’un des romans de ce dernier vous évoquera quelque chose si vous suivez la scène metal française : Demande à la Poussière! Mais ce n’est pas mon préféré. Le meilleur reste selon moi Mon Chien Stupide, qui reste un de mes livres de chevet et qui me fait toujours rire avec les années. Et le dernier point qui rendrait Charles Bukowski totalement « metal » sur les bords : son penchant légendaire pour l’alcool et les femmes cabossées par la vie. Vous l’aurez compris, j’adore ce type. Je voue une vénération sur ses citations plus encore que ses écrits même si, en tant qu’écrivain amateur moi-même, j’aime lire ses ouvrages en pensant à son jumeau de cynisme John Fante. Voilà! Le pire dans l’histoire, c’est qu’en France, on a un groupe qui porte son nom! Et comme je suis un têtu débile, et que l’on m’en parlait souvent, je n’écoutais pas. Jusqu’à ce que, une fois n’est pas coutume, Soil Chronicles m’offre la possibilité inespérée d’écouter un album du groupe. Bukowski sera donc mis à l’honneur ce soir avec un album qui s’appelle… « Bukowski » (Aaaaaaaaussi! Dirait Fernandel).

Bukowski est donc comme je disais en préambule, un groupe français! Cocoricooooooo! Le groupe vient même de Paris, ville Lumière et de littérature. Tout un symbole! Bukowski existe depuis 2007 et a sorti jusqu’à ce jour six albums avec donc ce dernier, éponyme et qui sort chez le label AT(h)OME. Je passe sur toutes les dates et tournées que le quatuor parisien a accompli dans sa carrière, et toute la reconnaissance pour leur talent qui transpire en France et en Europe, parce que ce serait presque faire offense et Bukowski est clairement un de ces groupes phares chez nous qui n’a pratiquement plus rien à prouver. Mais là n’est pas l’essentiel. Le groupe qui avait été composé notamment par les deux frères Dottel, Matthieu et Julien, a connu le décès de Julien en 2021. Mais comme je l’ai souvent lu, Bukowski, porté par la foi immuable qu’ont ces groupes familiaux et certainement par l’aura de l’écrivain dont ils rendent hommage, a perduré contre toute attente. Et cet album, qui sort demain et qui a été nommé éponymement pour rendre hommage justement à leur membre disparu, sonne comme une valeur symbolique très forte. Je suis honoré de le faire en chronique, et j’ai hâte de me frotter à cet album sans Julien Dottel à la basse. C’est probablement un album pour lui rendre hommage, et pour sûr que la dédicace lui sera très forte, lui qui doit écouter cette perpétuation de là où il est. Je suis prêt, et très fier de faire cette chronique ce soir. Et donc, j’ai la pression!

J’ai bien entendu beaucoup de respect pour le groupe, mais je me dois d’être impartial. Et sur le style, la pochette ne m’aura pas offert un élan d’enthousiasme. J’apprécie moyennement ce style un peu brouillon, genre découpage et traits grossiers. Je pense que si l’on compare aux précédentes sorties, la pochette, stylistiquement parlant, manque d’entrain. En revanche, j’ai une hypothèse sur le fond qui, si elle se vérifie, va s’avérer particulièrement émouvante pour la suite. Je crois que le personnage central est Julien Dottel. Je crois reconnaitre cette moustache en rouflaquettes et ces cheveux un peu rebelles, tout comme le sieur d’ailleurs, et ce croisement de bras qui offre une pose sérieuse et virile, oui. Ils me font penser à Julien Dottel. Simplement, c’est cette couronne sur le dessus qui m’échappe. Connaissant un peu le groupe Bukowski, il y a pas mal de cynisme dans leurs œuvres. Alors est-ce que cette couronne représente sincèrement le roi de Bukowski ou est-ce un petit clin d’œil moqueur? Je ne sais pas. Tout comme les tatouages du personnage, « Buko » sur le cou, un difficile à identifier sur le torse et « metal » sur l’avant-bras. J’aime bien les contours grossièrement tracés par contre, qui donne ce côté un peu « effet de rue » qui me sied depuis que je commence à découvrir le groupe. En tout cas sur le style je n’ai pas été emballé même si objectivement parlant je n’ai pas de chose à redire, cela reste ainsi du domaine personnel pur. Sur le fond beaucoup plus mais cela reste du domaine de l’hypothèse. En tout cas, j’attaque la musique avec impatience!

Le style de Bukowski reste flou, mais tellement riche à la fois! Il y a beaucoup de références sur le stoner pour déterminer la musique du groupe, mais je pense que cette dernière ne doit pas s’arrêter à cela aussi facilement. Dans l’album éponyme, on devine pas mal d’influences rock bien entendu, voire stoner rock pour vous faire plaisir, mais je trouve également qu’il y a aussi une pointe de post-hardcore notamment dans quelques breakdowns et surtout, une grosse influence hard rock très caractéristique, à la Motörhead quoi. On a vraiment des riffs rock qui m’y font penser et la voix du chanteur aussi, c’est même flagrant à ce stade! Maintenant sur la lourdeur, je dirais que le groupe joue habilement à semer le doute entre un potentiel stoner qui effectivement se retrouve dans une certaine forme de virilité et de lourdeur, et ce côté rock voire hard rock qui offre des moments plus calmes, plus mélodiques et des riffs presque groovy qui font du bien, qui apportent une touche de légèreté dans une musique au son lourdingue! Pour le côté post-hardcore qui reste une interprétation totalement personnelle, je dirais qu’outre les breakdowns, c’est dans l’intention surtout, dans l’atmosphère générale et le côté « punk » qui ressort dans les concepts et la musique entrainante et un peu violente il faut le dire, mais uniquement par courts moments. Et le résultat est que l’album éponyme est à la fois extrêmement riche mais aussi et surtout extrêmement fort! Que ce soit dans la musique ou dans tout ce qui l’englobe, s’il y avait un message à faire passer il serait entendu par un grand nombre de personnes! J’ai été pris aux tripes comme rarement dans ce style stoner, parce qu’il est couplé avec d’autres qui amènent une énergie supplémentaire. L’ensemble démarre d’ailleurs billes en tête! En tout cas pour une première écoute, ce fut une expérience plus que satisfaisante. La musique me plait vraiment! J’ai bien accroché et je suis tombé en pâmoison devant la richesse composale du groupe Bukowski. Groupe qui démontre par sa richesse qu’il est aussi poète.

Inutile de débattre sur la production puisqu’il s’annonçait excellente sur le papier et qu’elle l’est tout autant. A un détail près mais qui me conforte dans l’idée qu’étiqueter la musique de « Bukowski » à du simple stoner serait une erreur terrible. Parce que le son n’est pas des habituels pour le genre, qui se dote souvent d’un côté épais et rebondi qui fait très groovy et qui fleure bon l’américanisme du fin fond du Texas. Ici, on sent que la mise est faite sur le hard rock car le son est beaucoup plus léger. On a ce côté moderne dans la production qui colore la musique d’une teinture rock très prononcée, et c’est ce qui me fait dire que si stoner il doit y avoir dans la musique de « Bukowski« , elle serait surtout estampillée stoner rock! Mais ce n’est que mon point de vue. Les guitares et la basse sonnent très bien, la batteuse également et le chant est bien mis en avant comme il faut, procurant ainsi un mixage et mastering de grande qualité tous les deux pour ce nouvel album de Bukowski. En tout cas, dans ce registre, le groupe francilien exauce mon souhait d’avoir un stoner peut-être un peu plus « light » et franchement, le résultat sonore est impeccable et bluffant. La modernité peut donc apporter au stoner un regain de quelque chose, de frais! Et c’est tellement bon putain!

Je pense que le groupe n’a pas cherché, pour cet album en tout cas, à produire un concept-album précis, mais propose un recueil de plusieurs pistes de plusieurs sujets différents. Du coup, il n’y a pas spécialement de logique à suivre mais une fluidité sincère et intelligente, oui. Sur les émotions que j’ai ressenties, je dirais que j’ai beaucoup aimé l’album éponyme de Bukowski, qu’il procure beaucoup de révolte mais aussi, et c’est normal au stade de la vie du groupe et le décès de l’un de ses créateurs, de la tristesse. On sent que nos amis franciliens ont cherché à adapter leur stoner si j’ose dire non seulement au gout de la modernité ce qui dans le cas présent est une franche réussite à la hauteur du pari qui était pris, et que la musique jouit d’une harmonie sonore quasiment totale. On écoute ce dernier comme du petit lait, la longueur normale des pistes et l’accessibilité de la musique qui ne va ni sur un versant trop extrême, ni trop rock, permet ce juste milieu qui fait du bien! L’album sonne parfois sur une certaine mélancolie très heavy metal américain, à la Five Finger Death Punch sur certaines pistes. Alors, toute la question est de savoir si l’on pourrait reprocher à Bukowski de jouer une carte plus « commerciale » même si le mot est péjoratif pour beaucoup, et surtout pas pour moi. En l’état, cet album représente un renouveau et pourquoi pas aussi une certaine progression dans la discographie déjà plus qu’honorable et largement efficiente du groupe. Aussi, tout le côté famille se ressent et même si il y a eu un épisode tragique dans sa symbiose, je crois qu’on ne pouvait pas faire mieux que cet album au vu des tournures des évènements récents. Je n’ai pas tellement de choses à redire, si ce n’est que ce sixième album est chargé de contexte et d’émotions, que le groupe franchit un cap bien malgré lui et doit en conséquence adapter un peu sa musique et son esprit, et que le résultat dépasse mes espérances, de loin! C’est une superbe découverte pour moi, je pense que « Bukowski » va bientôt orner ma discothèque personnelle.

Le chant aussi m’a rappelé quelques bons souvenirs. Estampillé Lemmy sur les bords, avec toutefois quelques petites innovations dans les moments plus agressifs dirons-nous, ce chant si mature et si profondément ancré dans sa pratique me ravit. C’est ce dernier qui m’a convaincu que Bukowski arpentait les sentiers rock plus qu’autre chose, voire hard rock si on reste sur la référence ultime citée plus avant. En tout cas, je trouve qu’au moins ce dernier se marie bien avec tout, même les moments les plus forts. Pourtant la technique vocale reste typique d’un style rock plus tranquille, et j’ai été surpris du résultat sur certains morceaux. Mais encore une fois, on parle de gens expérimentés qui n’ont, pour ainsi dire, plus rien à prouver sur la scène francophone. Ainsi va donc ce chant excellent, qui me fait du bien et me donne du baume au cœur.

Pour conclure ici, Bukowski m’est enfin offert sur un plateau d’argent avec ce sixième album nommé éponymement. Sixième d’une série plus que belle, ponctuée par une histoire chargée en tournées, dates importantes et surtout succès musical pour le quatuor francilien expérimenté. Cependant, comme j’expliquais en présentation, le décès de Julien Dottel aurait pu faire s’écrouler la machine Bukowski sur ses fondations. C’était sans compter sur l’abnégation et le courage de Matthieu Dottel qui a maintenu la vie de son bébé coute que coute en sortant cet album. Moi, humble chroniqueur, je ne peux que féliciter son courage et sa force, et je dois dire que faire la chronique de cet album m’a mis un peu la pression. C’était sans compter sur le talent incommensurable de son compositeur qui fait jongler le stoner avec le rock, le hard rock et selon moi un peu de post-hardcore. Pour un résultat certes attendu comme très bon, et qui l’est, mais qui remis sur le contexte que l’on connait, s’avère être une preuve de tout ce que l’on doit soutenir dans la musique. Et je terminerai ma chronique élogieuse sur cette citation de… Charles Bukowski :
« Ta vie c’est ta vie
ne la laisse pas prendre des coups dans une moite soumission
guette
il y a des issues
il y a une lumière quelque part
ce n’est peut-être pas beaucoup de lumière mais
elle brise les ténèbres
guette
les dieux t’offriront des chances
connais-les
prends-les
tu ne peux pas battre la mort mais
tu peux battre la mort en vie, parfois
et plus tu apprendras à le faire,
plus il y aura de lumière
ta vie c’est ta vie
sache-le pendant qu’elle t’appartient
tu es merveilleux
les dieux attendent de se réjouir
en toi. »

Mes pensées pour vous, et mes condoléances…

Tracklist :

1. From Above (4:19)
2. Breathin’ Underwater (6:48)
3. Crossroads (3:37)
4. NCFYC (5:29)
5. The Third Day (1:45)
6. Arcus (ft. Wojtek) (5:31)
7. Vox Populi (ft. Toni Rizzotti) (4:47)
8. My Claws (4:40)
9. Stolen (4:02)
10. Vertical (5:12)
11. Uncool (4:35)

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