Line-up sur cet Album
- Yves Locher : batterie Nico Wiget : guitare Lukas Mischler : violon Philipp Wyssen : chant Flavio Pompeo : basse
Style:
Metal FolkloriqueDate de sortie:
11 septembre 2020Label:
AutoproductionNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 7.5/10
“Il y a certainement plus de richesse en un seul livre que dans tout le butin rapporté par les pirates de l’Île au Trésor.” Walt Disney
Je vais bientôt pouvoir officiellement ouvrir un catalogue de groupes suisses. Je déblatère chaque fois que j’en découvre un et je sais que mon adorable et truculente consœur Cassie di Carmilla, suissesse d’adoption et femme charmante qui prend l’accent suisse au milieu d’un proverbe burgonde avec autant de délicatesse que Shrek flatulant dans l’eau, sera sûrement enchantée de constater que je découvre ENCORE un groupe de nos voisins. Ils ne sont pas doués que pour le chocolat, le Toblerone et la crème de Gruyère nos amis frontaliers! Nooooooooooon. Ils sont aussi très (et de plus en plus!) doués pour le metal. Et encore plus précisément que cela : le metal folklorique. De fait, avec mon groupe, nous avons partagé moultes affiches avec des groupes qui fredonnent et picolent en chanson de là-bas. Je pensais avoir fait le tour et puis deux éléments essentiels dans ma vie de chroniqueur et d’amateurs de musique m’ont rappelé à l’ordre dans ma perte d’humilité flagrante : Metal Archives tout d’abord, qui m’a appris qu’il y avait eu en tout 1138 groupes dont 19 proposent du metal folklorique! Et surtout, la sortie de ce premier album pour le groupe Calarook, groupe qu’évidemment vous l’aurez compris, je ne connaissais point du tout et qui conduit ma méconnaissance à me chercher d’urgence une grotte très très très profonde dans laquelle je pourrai disparaître à tout jamais avec pour seule couverture de survie ma honte et ma désuétude.
Calarook, que tout le long de la chronique je vais tenter en vain de nommer « Caralook » sans trop savoir pourquoi, est donc un groupe suisse. Sans suspense puisqu’il nous provient plus précisément du canton de Zürich et de la ville (village?) de Winterthur, que l’on retrouve en tapant sur Maps à 47°30’18 »N 8°51’52 »E, et que la formation est très très jeune : 2019. Pour le reste, je n’ai pas grand-chose de croustillant à me mettre sous les molaires hormis que Surrender or Die constitue leur première conquête maritime sur la houle fraîche et légendaire désormais de la musique metal. Enfin, pas tout à fait puisque le groupe a sorti en 2017 une démo trois titres que l’on retrouve d’ailleurs dans l’album. Pour l’anecdote je trouve que le groupe gère bien sa communication en proposant un dossier de presse complet, bien détaillé tout en étant concis sur le concept du groupe et les photos laissent à penser que l’on aura affaire à un style bien défini, que je trouve à titre personnel inadéquat mais qui fait les beaux jours de la scène metal quand-même : le… Le… Gnnnnnnnnn **grince des dents, respire un bon coup et…** Pirate metal, et tout son côté humoristique.
C’est pourtant loin d’être évident lorsque l’on regarde la pochette. Je vais faire un parallèle que j’aurais voulu éviter mais qui me semble, hélas, inévitable, mais lorsque vous regardez les pochettes d’ Alestorm, vous sentez tout de suite l’aspect décalé de la musique, sans prise de tête et surfant sur des vagues d’humour lourdingue. Or, dans le cas de Calarook – et c’est tout à leur avantage – on a le sentiment que l’album ne va pas rigoler du tout. On a quoi qu’il en soit une scène de bataille maritime avec un bateau en flammes, des ambiances un peu de ciel chargé, sinon les nuages bas colorés par les flammes, le tout dans une image figée comme une photographie. J’aime d’ailleurs vraiment beaucoup cette perspective, l’artwork est très agréable à regarder et je loue le soin qui a été mis dedans, d’autant qu’il s’agit d’une autoproduction. La police de caractère est cohérente avec l’album et j’aime bien le style parchemin des lettrines du logo du groupe et le gothique en bas pour le nom de l’album. D’ailleurs, le nom de l’album est très raccord avec l’image : « rendez-vous ou mourrez! ». Tout est impeccable dans ce design! La seule pointe un peu humoristique qui trahit le cliché que je redoutais un tout petit peu, c’est ce crâne noir avec… Une noix de coco? Sur la tête. Cela détonne de manière importante et on voit tout de suite vers quel univers musical, quelle intention artistique on se dirige. Pour ma part, en tout cas, c’est du très bon boulot!
J’ai tout de suite été attiré dès la première écoute parce que les introductions de films genre pirate, j’aime beaucoup. Alors cela n’a pas été difficile de pénétrer tout de suite dans l’écoute de l’album. Pas plus d’ailleurs que les autres morceaux puisque j’ai été surpris de constater que le chant est typé death metal, sur une musique plutôt orientée folk cela s’apparente à une prise de risque dans le sens où les accords sont assez antinomiques et que, dans ce cas précis, la prise de risque a bien porté ses fruits. Néanmoins, je suis en mesure de dire que le CD s’écoute assez bien, avec toutefois un gros souci : le nombre de morceaux ne permet pas, ou alors très complexement, de tout écouter d’une traite. Il faut des pauses, d’autant que les pistes ne sont pas très variées et se ressemblent un peu trop. C’est un peu une déception car je m’attendais à entrer dans une sorte d’histoire, avec des chapitres, un incipit, enfin tout le tralala qui amène en théorie vers des chansons qui se démarquent un peu, et je me retrouve avec un premier album qui, certes jette des bases solides comme l’on jetterait l’ancre, mais ne parvient pas à complètement soudoyer l’auditeur. Du fait donc, et j’en parlerai plus bas, de seize morceaux ce qui fait un peu trop pour moi, et d’une musique bien orientée mais un peu répétitive à mon sens. Après, je dois reconnaître que j’ai été quelque peu aseptisé par Alestorm et son univers si… Spécial. Donc, tout ce qui porte l’étiquette « pirate metal » me renvoie malheureusement trop vite aux écossais, et cette étiquette fonctionne plus comme une malédiction désormais qu’une bénédiction. Cela va être dur, dans les années à venir, de redorer le blason trop souillé d’humour potache et de clips ridicules d’un genre de metal mal représenté… Les légendes pirates sont pourtant tellement exceptionnelles.
La production se rapproche d’un « intéressant » ou « pas mal » sans non plus me mettre un gouvernail des enfers. Pour moi le chant est trop en avant et enlève tout le charme et l’épique de la musique, qui pourtant est très aventureuse! Il manque juste un peu de réajustement sur le chant et le son serait bien plus appréciable. Pour le reste en revanche, c’est du bon boulot pour une autoproduction! On a ce mélange entre les instruments metal et ce violon qui, par la force des choses se voit un peu isolé des autres, mais réussit à être intégré dans le spectre sonore et a toute sa place. Au moins le violon est à sa place. Après, cela reste un ensemble instrumental déjà entendu plusieurs fois, en lui-même il ne brille pas d’originalité non plus. Mais l’ensemble demeure fort agréable à l’oreille et avec un bon casque, vous vous croiriez presque en train de voguer vers Tortuga.
Ce qui me chagrine un peu plus, en revanche, se trouve dans le choix de l’orientation musicale en elle-même. Pour moi, le metal folklorique doit intégrer dans la composition que les accords vont devoir être ajustés pour permettre à des instruments folk de s’entendre judicieusement. Or ici, je n’ai pas toujours le sentiment que le violon et le chant soit exactement les bons choix d’orientation et d’utilisation. Autant sur une bonne moitié des pistes cela s’entend guère, autant sur d’autres beaucoup plus, et cette dissonance résonne comme un désaveu plus qu’une habilité. En gros, je crois que je n’aurais pas choisi le violon et le chant en grunt grave pour accompagner le metal qui est proposé. On a en quelque sorte trois ingrédients qui font soit une émulsion mais un peu désagréable à la texture, soit une antithèse totale. Des parties metal limite un peu « power« , un violon bien esseulé et en désaccord avec les autres, des samples qui remontent bien le niveau car très judicieusement choisi, et un chant death metal, pour moi cela ne fonctionne pas totalement. L’avantage étant que tous les morceaux ne sont pas concernés par cette dissonance importante, l’album s’écoute, on va dire, bien pendant une bonne moitié. Et j’enfonce le clou et m’en excuse, mais j’ai compris justement pourquoi j’avais eu ce besoin frénétique de faire des pauses… Parce que par moment mes oreilles criaient au loup.
Maintenant, le gros point fort de l’album Surrender or Die est que les musiciens sont excellents. Bourrés de talent, ils ne peuvent en eux-mêmes que s’améliorer avec un deuxième opus où, j’en suis sûr, ils mettront les bouchées doubles et prendront LE rhum qu’il faut pour accompagner leur travail! Plus sérieusement, je ne me fais aucun souci pour la suite, le talent est là, la justesse technique l’est tout autant et l’envie, malgré les lacunes apparentes, est clairement prépondérante. Je plaiderais donc plus pour une erreur de jeunesse comme décrite précédemment qu’un réel manque d’allant. Je pense que les concerts doivent envoyer de la purée! Voilà de quoi largement remonter l’album dans mon estime en tout cas.
Concernant le chant, je suis légèrement moins emballé mais c’est plus un souci accru du détail qu’une réelle rétrospection. Je trouve simplement qu’il y a un effort d’articulation à faire mais le choix de faire dans le grunt grave est évidemment un gage difficile de technicité. La place étant plus mise à la texture je pense mais pour avoir parcouru un peu les textes, il y a largement de quoi raconter des histoires et légendes. Pourquoi alors ne pas avoir fait tout ce qui était possible pour articuler tout cela, et ainsi doublement nous faire voyager? C’est un peu le mal dont souffre le metal : des chants qui ne laissent pas de place précise aux textes alors qu’ils sont généralement bien écrits. Je chipote! Le chant demeure en tout cas très bon dans la technique vocale, la tessiture est opportune et même si je tatillonne sur le mauvais choix de la dite tessiture, si l’on reste sur de l’analyse isolée, le chant est très bon. Le concept-album m’inquiète un peu aussi : j’ai le sentiment que les pistes foisonnent trop de sujets différents, peut-être qu’un album plus centré sur un point précis, des légendes pirates ou une histoire narrée par exemple, aurait été moins risqué, dans le sens où abonder sur des sujets différents et nombreux épuise vite l’inspiration pour de futurs albums. Mais cela, c’est plus une science inexacte qu’autre chose, plus une angoisse de ma part.
Moussaillon! C’est le moment de toucher terre, en espérant que ce ne soit pas une seule journée pour dix années en mer. Calarook surfe, avec ce premier album, sur la vague d’un metal folk orienté sur la piraterie qui me laisse sur une assez bonne impression. Il y a assurément du potentiel chez le quintet suisse, le talent est là mais il y a quelques errances hasardeuses dans la composition et la production qui me laissent un peu sur ma faim. Quoi de plus normal avec un premier CD qui plus est autoproduit que d’avoir quelques points à améliorer. L’avantage étant que ces défauts ne sont largement pas rédhibitoires et que la musique est bien plaisante dans son ensemble. Un bon album qui j’espère en amènera d’autres car ce serait dommage de rester sur un constat mi-figue mi-raisin, avec toutefois une petite touche sucré qui rehausse bien le plat contrairement à d’habitude.
Tracklist :
1 47°30’18 »N 8°51’52 »E (02:02)
2 A Cursed Ship’s Tale (04:33)
3 Quest for Booze (05:36)
4 Into the Storm (07:06)
5 Surrender or Die (04:27)
6 Invisible Pineapples (05:09)
7 Kraken’s Chest (05:46)
8 Paul the Parrot (03:36)
9 Jack Rackham (03:22)
10 Kicking Flamingos (03:33)
11 Davy Jones’ Locker (03:47)
12 Tentacle Explosion (02:34)
13 Loyal to None but Rum (04:38)
14 The Legend of Liquor Island (03:03)
15 The Feast of Emerald Meadows (04:34)
16 The Undying Sailor (05:37)
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