Line-up sur cet Album
- Matrak - Basse
- Cadavre - Batterie
- Blanc Feu - Guitares, Chant
Style:
Black MetalDate de sortie:
30 Novembre 2018Label:
EisenwaldNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10
Depuis quelques temps, un élément fondamental me manquait dans les méandres d’albums que je m’évertuais à écouter jusqu’à ce que ma fontanelle fonde comme neige au soleil : la langue française. Notre belle langue, si riche et si difficile à maîtriser à la fois, notamment dans le chant metal. La particularité de cette dernière est son manque de rondeur dans le parler, contrairement à l’anglais qui est une langue qui semble glisser facilement sur les glandes lacrymales. Les racines latines font du français une langue qui peut se montrer hachée, saccadée.
Aussi, si les exemples de groupes utilisant la langue de Molière ne manquent pas, tous n’ont pas le pouvoir d’articulation extrême qu’il faut pour que l’on comprenne la richesse des paroles.
Cantique lépreux a fait ce pari, alors quid du résultat ?
Mais tout d’abord, il est temps d’introduire le groupe comme il se doit.
Cantique lépreux vient du pays froid et francophone (voire allergique à l’anglicisme, détail important) : le Québec. Existant depuis 2014, le trio nous a offert deux albums depuis leur création, Cendres célestes en 2016 et Paysages polaires en 2018. Formation relativement jeune de fait, peu connue de facto, cela ne les empêche pas de proposer un Black Metal très « old school », froid et méthodique aux accents mélancoliques. Pari risqué que de piétiner des sentiers déjà empruntés plusieurs fois par le passé…
Alors, qu’est-ce que cette jeune formation a à nous proposer de neuf ?
La question peut sembler saugrenue mais il n’en est rien. Parce que la réponse va être finalement assez simple : le neuf sera présent mais avec une touche ancienne bien assumée. La pochette ne dérogera pas à ce constat. Elle est splendide par sa simplicité. Paysages polaires est auréolé pour artwork d’un… paysage polaire. On peut deviner en y regardant d’un peu plus près qu’il s’agit d’une peinture, mais de loin difficile de s’en rendre compte tant le tableau est de qualité. En fait, cela n’a l’air de rien vu comme ça, mais je suis plutôt content de voir qu’un groupe de Black Metal peut offrir autre chose que les éternelles pochettes noires avec logo blanc, ou des glorifications à Satan…
Là, la pochette est donc faite de ce tableau aux teintes bleutées avec un contour blanc. Comme un tableau encadré, donc, ou une photographie murale. Pourtant, quand je parlais de cet oxymore entre le old school et la jeunesse censée rafraîchir un peu (sans métaphore filée, hein) la scène black metal, la référence à l’hiver, au froid comme comparaison d’une âme torturée, sont des sujets récurrents dans ce milieu-là ! Et j’aime d’autant plus cette démarcation au cœur du déjà-vu, elle me donne non seulement envie de découvrir le voyage que peut proposer Cantique lépreux mais aussi de mettre en bonne place ce CD dans ma discographie à la maison tant par sa beauté que par son originalité. Du bon boulot !
Au niveau de la musique, cela va être compliqué de disséquer la musique tant elle est classique : un Black Metal comme je disais, froid et méthodique. On pourrait cependant noter quelques parties plus mélodiques que linéaires notamment dans des morceaux comme « Le feu secret » ou « Paysages polaires III ». Parfois, une touche dépressive vient se glisser aussi comme par exemple le morceau plus lent et laconique « Les étoiles endeuillées ».
L’utilisation des claviers me plait énormément parce qu’ils me font penser à l’album de Dimmu Borgir Enthroned Darkness triumphant qui est mon album préféré du groupe. La comparaison peut sembler incongrue mais j’ai toujours remarqué que les claviers avaient un son particulier dans le Black Metal des années 90, notamment pour l’intronisation de chœurs dans les parties refrains… ce que Cantique lépreux parvient à retranscrire et ce, malgré les progrès effectués dans les claviers d’aujourd’hui.
De plus, on remarque à la lecture du nom des morceaux qu’il s’agit d’un concept album ; cette démarche demande une cohérence à toute épreuve dans la réalisation et la composition du CD. Une histoire à raconter n’a de pouvoir imaginaire que si elle est bien construite. Or, non seulement l’album s’écoute comme une histoire, mais en plus tout se suit comme une ligne continue. C’est tout simplement un délicieux nectar musical. Je voudrais adresser ma mention spéciale au morceau « Paysages polaires I » qui véhicule une émotion incroyablement forte, à arracher des larmes aux plus sensibles d’entre vous.
Par contre, le chant mérite une place à part dans cette chronique parce que je dois reconnaître avoir été ébahi par la qualité de ce dernier.
J’expliquais en introduction que chanter du français en guttural n’était pas une tâche aisée tant l’articulation est décuplée pour notre belle langue. Moi qui suis sensible aux chants et paroles dans les CDs, j’ai été impressionné par le chant de Blanc Feu ! Je dirais même bluffé ! Cela m’a rappelé à quel point le chant de Rose Hreidmarr dans Anorexia Nervosa, quand il proposait des couplets en français, me laissait pantois. Là, c’est au-delà encore. Non seulement on comprend les textes à la perfection, mais en plus il arrive à associer cette froideur intense aux paroles par une voix extrêmement bien posée. Je ne sais pas si le but de Cantique lépreux est de mettre en avant à travers les textes une émotion certaine, mais si c’est le but, alors vraiment un grand bravo ! J’ai rarement entendu un chant en français aussi bien prononcé. Le rythme des textes n’étant pas très rapide, tout est compréhensible et rien que pour le chant, le CD vaut largement que l’on s’intéresse à lui.
En conclusion, je crois que Paysages polaires représente tout ce que je recherche et aime dans un CD de Black Metal : de l’émotion, de la froideur, et surtout une certaine subjectivité, une personnalité, qui se démarquent des éternels groupes en hommage à Satan. Car si les gens ont peur de mettre une touche personnelle dans la musique metal et préfèrent suivre les mêmes chemins depuis des siècles de musique, cette audace ne peut qu’être récompensée par mes félicitations sincères et j’espère celles du public !
Tracklist :
1. Le feu secret (8:13)
2. Les étoiles endeuillées (5:56)
3. Paysages polaires I (5:42)
4. Paysages polaires II (5:30)
5. Paysages polaires III (7:09)
6. Hélas… (4:50)
7. Le fléau (8:14)
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