Note du SoilChroniqueur (Arno) : 8,5/10

Une échappée… C’est là toute la richesse de la langue française que d’avoir autant de sens possibles pour un seul et même mot. Bien loin des « barbares » et de leur langue (au sens d’Alessandro Baricco), Cepheide, pour son deuxième album, a peut-être trouvé le nom commun le plus approprié qui soit.

Mais tout d’abord, un peu d’histoire pour ceux qui ne connaîtraient pas encore Joseph Apsarah, le musicien derrière l’œuvre. Si un premier LP est paru en 2017 (« Saudade« ), j’ai pour ma part découvert ce groupe grâce au split avec l’excellent Time Lurker (2019), édité comme il se doit chez Les Acteurs de l’Ombre. Il n’y avait alors plus qu’un pas à franchir pour que ces derniers signent Cepheide pour « Les Echappées« , et merci bien.
Maintenant qu’on a rapidement planté le décor, pourquoi est-ce que le titre est aussi justement trouvé ?

Une échappée, c’est une action, pour un coureur de distancer les autres concurrents. Et le black metal atmosphérique pratiqué ici est d’une toute autre inspiration que ce que l’on peut si souvent (hélas) entendre. Les compositions sont profondes, envoutantes, mettent l’auditeur dans une espèce d’ambiance cotonneuse renforcée par un chant lointain, qui peine même parfois (volontairement étant donné la qualité de la production) à se faire entendre. Les instrumentations ne sont pas en reste : pour un homme seul, le niveau est élevé, un soin particulier est apporté à l’écriture, aux transitions, aux finaux, il n’y a vraiment rien qui détone.

Au sens littéraire, l’échappée est « un cour instant de ». Ici, cout instant de génie ? De plaisir ? De bonheur ? De solitude de l’auditeur face au gouffre qui s’ouvre à ses pieds ? C’est aussi un court voyage au cours duquel on se libère des contraintes. Et effectivement, en six titres et une quarantaine de minutes, Cepheide nous emmène vers un ailleurs fait de larmes (« Les larmes ») et de fureur, pour ne pas dire « bruit » si cher à Faulkner (« Le sang » ; « Les cris ») mais également d’abus (« L’ivresse » et son pendant « La nausée »).

Et quand il n’y a plus ni cris, ni larmes, ni sang, ni ivresse, ni nausée, seul reste « L’oubli ».

Enfin, une échappée, c’est aussi un espace libre par lequel la vue peut plonger loin. Ici, on ne plonge pas loin vers l’extérieur mais vers l’intérieur, c’est un regard introspectif, une acuité des sens tantôt agressés (« Les cris ») tantôt caressés jusqu’à l’assoupissement béat dans le néant.

Avec « Les Echappées« , Cepheide vient de sortir l’un des grands disques de black atmosphérique de l’année, sans se montrer arrogant et présomptueux, juste avec l’humilité de notes simples mais idéalement agencées en un choc cathartique.

Tracklist :

1. Le sang
2. L’oubli
3. L’ivresse
4. Les larmes
5. Les cris
6. La nausée

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