Line-up sur cet Album
Tombeau : batterie Esprit errant : guitare, chant Mort : chant Carcasse : basse
Style:
(Raw) Black MetalDate de sortie:
03 octobre 2020Label:
Épitaphe ProductionsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 7/10
“Les cimetières sont remplis de gens irremplaçables.” Alphonse Allais
Après les forêts dans le split sorti chez Black Shadow Legion, voici venu le temps de parler des cimetières. Vecteur de beaucoup de fantasmes, de sensations fortes quand on était adolescent et, il faut bien l’admettre, foncièrement débiles, les cimetières nourrissent aussi les artistes, en particulier dans le style qui nous intéresse ici, le metal. Indirectement ou pas mais comme le metal est un style qui fait référence à des aspects thématiques morbides, les cimetières occupent une place de choix. Quand on croit un peu au paranormal, les témoignages sont légion sur des cas étranges et des vécus. Plus ou moins douteux, on se doit de le reconnaitre. En tout cas, les cimetières fascinent et produisent des croyances ancestrales multiples et cela ne m’étonne guère de voir comme un groupe qui porte, en signe d’hommage certain, le nom de Cimetière. C’est simple, macabre et efficace! Je me devais donc de faire une introduction simple, macabre mais efficace.
Cimetière est un groupe québécois, de la ville même de Québec, qui a vu le jour (l’ironie totale pour un groupe qui se nomme Cimetière) en l’année 2018. Jeune formation composée de quatre musiciens mais qui n’a décidément pas chômé en sortant pas moins de cinq CDs! Deux démos et trois albums en comptant le dernier qui va être présentement chroniqué et qui se nomme Extinction. Pour le reste, le quatuor semble jongler sur une imagerie et un univers musical très empreint de misanthropie si l’on se réfère aux précédents ouvrages. En même temps, quoi de plus fortement symbolique, ou de symboliquement fort, qu’un cimetière pour décrire la fin de l’humanité? C’est un peu dans ce lieu que se retrouvent les défunts, donc rien que le nom du groupe sonne comme un uppercut en plein visage du destin. Cela promet quelques moments de fanatisme anti-humanité qui va me glacer l’échine. J’espère que cette chronique ne leur donnera davantage pas envie de détruire l’humanité toute entière, la tâche qui m’incombe n’est pas aisée. Au cas où, j’ai réservé mon carré de pelouse, ma femme est au courant!
Je pense que je vais gagner un peu de points avant de signer ma mort avec la pochette de l’album. Elle est assez simple, on devine une photographie en noir et blanc d’arbres en hiver, sans feuille, semblant flotter dans le vent. Le quatrième de couverture est du même acabit et l’intérieur est une photo de cimetière avec des tombes. Bon, en soi, je trouve la pochette attrayante, elle a le mérite de me faire penser assez vite à une vraie photographie de chevet, vous savez! Avec un cadre en bois, plutôt ancien, que l’on trouverait soit accrochée à un mur, soit sur un meuble lambda. C’est d’ailleurs une constante chez Cimetièreque d’employer, pour faire leurs pochettes, des photos retouchées sommairement, et ayant pour décor l’extérieur, la nature, si possible boisée et en hiver. Il y a un côté triste indéniable, mais on sent que cette tristesse aboutit vers deux chemins différents pour la personne qui s’y retrouve dans ce genre de décor : soit elle ressentira une forme de délivrance, de soulagement suprême à l’idée d’errer langoureusement dans cet extérieur apaisant et sauvage, soit elle entrera dans une forme de mélancolie davantage prenante et sombrera doucement vers les ténèbres de la dépression. Donc, une pochette qui me plait beaucoup, et l’ensemble du travail de Cimetière pour construire ses artworks me plait également. Mon seul bémol est qu’à cause de la stylistique du logo et du nom de l’album, je préfère les précédents ouvrages, plus sobres. Je trouve l’idée d’utiliser une couleur or avec contour blanc un peu maladroit, pour ne pas dire hors sujet avec le contexte et la photo. Une écriture calligraphiée en gothique simple, blanc avec contour noir aurait été impeccable. Je ne comprends pas pourquoi ce choix de mettre une couleur or… Mais bon. Les voies du seigneur sont impénétrables, sûrement que celles de ce Cimetière là le sont tout aussi.
Les points vont monter encore d’un cran avec la musique. On a pour coutume d’imaginer les cimetières silencieux, comme de vrais lieux de recueillement et d’apaisement, où l’on peut dialoguer dans nos esprits sans troubler la quiétude des habitants de ces pierres. Je me demandais donc, métaphoriquement parlant, à quoi pouvait ressembler une musique de Cimetière ! Eh bien, j’ai été largement servi et resservi jusqu’à satiété, et avec mon plus grand étonnement la musique prend tout son sens sur cet album Extinction. Du black metal, on s’en serait douté bien sûr. Mais du raw black metal non, je ne m’y attendais pas. Du coup, j’ai été quelque peu surpris, la première écoute n’aura pas été de tout repos. Le raw black metal doit être bien appréhendé avant d’être découvert parce qu’il est paradoxalement changeant selon le groupe et sur des bases communes très solides. Néanmoins, je dois dire qu’il m’aura fallu entrer dedans avec parcimonie et lenteur, chose qui d’ordinaire ne m’arrive pas. La faute à une production un peu trop… Sale. Mais je vais y revenir! Sachez somme toute que la première écoute va vous faire tout drôle, même si vous êtes coutumier de ce genre de metal extrême, parce qu’il y a plusieurs points qui sont à mettre en évidence pour le comprendre.
Bon, on ne le répètera surement jamais assez, mais la production dans le raw black metal, c’est un peu comme associer les sourcils d’Emmanuel Chain avec une tondeuse à barbe. C’est intéressant mais incompatible. Du coup, il serait évident de vous signaler que la production est surprenante pour vos chastes oreilles, mais au même titre qu’un autre groupe du genre vous aurait fait saigner les tympans au meilleur des cas. Mais ici, il y a quelque chose qui me dérange un peu plus que d’habitude et il m’aura fallu d’autres écoutes pour comprendre quoi. C’est le son de la batterie et de la guitare qui me gênent. En fait, on devine que le groupe a enregistré son album certainement dans un garage, ou pour faire cliché dans une cave par exemple, donc en soi le son suit la cadence (allitération!) et cela ne me dérangerait pas en temps normal. Mais là, on devine presque où se situe l’enregistreur potentiel : en face de la batterie et surement un peu surélevé parce qu’on n’entend quasiment pas la batterie et la guitare couvre pratiquement tout le spectre sonore. Cela donne donc une guitare omniprésente et très très aigue, donc stridente, et une batterie trop en retrait. C’est un peu dommage mais c’est le risque de faire ce genre de démarche old school et limite punkisante, que de vouloir faire un album en condition répétition. C’est que les instruments soient naturellement mal sonorisés et que le rendu sonore n’en soit que trop altéré. Voilà donc pour cette production, et je pense que le support d’écoute étant la cassette, cela n’arrange pas leur affaire. A l’école, on mettrait la note de « passable », et je pense que c’est l’adjectif opportun pour évaluer le son de l’album. Passable. A moins que, concernant la batterie, ce soit juste un gros problème de réglage…
La bonne nouvelle quand-même est que fort heureusement, la musique est suffisamment bien composée pour que l’on finisse, après une période plus ou moins longue d’adaptation, par entrer totalement dans l’album et savourer. Les riffs sont dans la mouvance habituelle du old school, avec les relents du passé thrash metal, voir punk, et qui font le charme de cette musique. Même si, je me dois de l’avouer, je m’attendais sincèrement à une œuvre beaucoup plus moderne. Je ne sais pas pourquoi mais mon imagination sélectif m’avait donné pour image une musique puissante, majestueuse et envahissante. Le côté tranchant et froid de Cimetière est déroutant mais dans le bon sens, c’est à dire que représenter la misanthropie par une musique émoussée comme une lame de couteau est réalisable, et lui confère une simplicité qui fait peur tant détester l’Homme peut être simple finalement! C’est une sorte de leçon philosophico-musicale que je me prends après quelques écoutes! Et c’est excellent pour le groupe. La longueur des pistes permet aussi de ne pas s’épuiser et c’est un bon élément parce que les groupes qui font des morceaux de dix minutes où c’est toujours le même riff qui tourne c’est limite usant. Cimetière a eu le talent pour nous offrir un troisième album très digne d’intérêt et ce même si les points évoqués précédemment pouvaient faire penser le contraire.
Moi qui aie pour habitude ensuite de parler du talent des musiciens, je me prête à croire que ce n’est pas spécialement adéquat de faire de même ici. Le style de raw black metal ne résume pas toujours avec talent dans le sens technique du terme, avec une maitrise des instruments comme le commun des auditeurs et musiciens peuvent l’entendre. Et je serais bien en peine de dire si le quatuor à cette technique tant le son est crade. Disons simplement que s’ils ne l’ont pas parfaitement, ils l’ont. Point. Par contre, je tiens à dire un vecteur prépondérant du genre qui est le talent par l’authenticité. Les musiciens ont parfois tendance à faire totalement fi de la technique pour justement laisser place à l’honnêteté intellectuelle et artistique et ça, c’est super bien! Alors, encore faut-il bien entendu que musicalement cela ne soit pas trop choquant. Le nombre de groupes ou de one man band qui pondent une musique mauvaise par manque de bases instrumentales (on ne parle pas technique mais bien de bases), on finit par ne plus les compter hélas. Mais dans le cas de Cimetière, cela fonctionne plutôt bien! Ainsi, je me prête à croire que les musiciens sont talentueux et sont bons dans ce qu’ils font. Mais je ne peux juste pas l’attester à deux cent pour cent.
Le chant est lui aussi, malheureusement un peu noyé dans la masse sonore mal réglée. Ce qui fait qu’on ne l’entend guère hormis que l’on devine qu’il s’agit d’un high scream bien froid et linéaire. Pour le reste, cela me semble bien chanté. Ce qui est d’autant plus frustrant se situe dans le fait qu’on ne comprend pas vraiment si les textes sont en français ou en anglais.
Pour terminer cette chronique, je dirais que l’album Extinction, troisième du groupe québécois Cimetière, n’est pas indigne d’intérêt dans le sens où la musique est assez plaisante en ce qui concerne les riffs et la pleine authenticité de l’ensemble musical. Seulement, après l’écoute de pas mal de groupes black metal raw bien old school, je suis tout de même en mesure de dire qu’ils pourraient faire mieux au niveau de la production. La musique est un peu trop inaudible à mon goût, la faute au support d’enregistrement qui me paraît bien bas pour ne pas dire pénalisant. Même dans le raw, on peut faire du sale et être audible, au minimum je dirais. Ici, le contrat est moyennement rempli dans le sens où déjà, cette musique est réservée à un public avertie de base, alors quand le groupe bâcle de trop son son, on n’en arrive à limite ne pas aller au bout. Je retiendrai toutefois l’intention de Cimetière d’assumer avec une énorme franchise sa misanthropie, son ressentiment à l’égard de l’humanité par une musique sincère et sans faux col. Cette intention musicale doit être selon moi à tout prix mise en avant et valorisée, aussi vais-je conclure par un point final plus positif. Mais le plus simple sera que vous vous fassiez votre propre opinion, le mien étant mitigé.
Tracklist :
CD1
1 Aveuglés (03:22)
2 Vengeance (02:57)
3 Sinistre destinée (05:17)
4 Fléau universel (03:21)
CD2
5 Livrés aux charognards (02:55)
6 Disciples du néant (02:24)
7 Nous serons victorieux (02:58)
8 Extinction (07:00)
Laissez un commentaire