Line-up sur cet Album
- Olivier Verron : guitare, chant
- Frédéric Patte-Brasseur : guitare, choeurs
- Vincent Buisson : basse, choeurs
- Rachid "Teepee" Trabelsi : batterie
Style:
Doom MetalDate de sortie:
22 janvier 2021Label:
Argonauta RecordsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.5/10
“La conviction est la volonté humaine arrivée à sa plus grande puissance.” Honoré de Balzac
C’est une belle revanche que de disserter musicalement sur les convictions. J’adore cette citation de Balzac d’abord parce que tout ce qui sortait de la plume de Balzac était de l’eau-de-vie (dans les deux sens du terme, éthylique et magnanime), et ensuite parce qu’elle est à double sens. Si l’on part du principe que l’Homme, lorsqu’il atteint sa plus grande puissance, ne cause que le mal (c’est une théorie qui n’engage que moi) ou probablement le bien (ce pour lequel je ne suis pas convaincu), la face du monde ne serait même pas changée. Etant intimement persuadé, vous le savez si vous lisez mes chroniques, que la Nature est la seule toute-puissance proclamée et que celle de l’Homme – heureusement – ne l’atteindra jamais, je suis néanmoins conscient du danger de la conviction sur lui. Lorsque l’on se plonge sur les bribes d’Histoire où il y a eu à un moment donné une sorte de plein pouvoir, les désastres étaient légion. Je ne suis pas motivé par une démarche misanthropique profonde, encore que je n’ai pas tout le temps de (res)sentiments envers notre espèce, mais j’aime cette vision artistique qui consiste à mettre en format véritable la nature humaine. Qu’on le veuille ou non, si cette dernière est autant sujette à inspiration musicale, a fortiori dans notre milieu, c’est qu’il doit y avoir largement à redire en termes cyniques ou nihilistes. C’est probablement pour cette raison, d’ailleurs, que j’aime ce milieu musical et que je veux m’y engager durablement. Après, il faut y mettre les formes, parce que, sans rester focalisé sur la musique rock ou metal, le nombre d’œuvres qui parlent de cette médisance humaine sans mettre de bonnes formes, il y en a. C’est même assez décourageant… Alors, je suis plutôt heureux de faire la chronique du premier album de Conviction. D’une part parce que le nom me parle pour les raisons employées plus haut, de deuxième part parce que j’ai beaucoup de respect et d’admiration pour l’un de ses membres et j’aime me mettre cette pression supplémentaire qui consiste à faire la critique d’un artiste que l’on aime beaucoup. Et enfin, de troisième part, parce qu’au vu de ce qui m’attend dans la musique et l’univers du groupe, je vais prendre une claque phénoménale d’un point de vue musical mais aussi (et surtout) philosophique.
(Cette) Conviction voit le jour en 2019 à Gisors, en Normandie. Cette sortie éponyme sonne l’apparition d’un premier album dans la carrière du groupe, et la signature à peu près dans le même laps de temps chez le label Argonauta Records. Un gros pas en avant dans cette période de sinécure où il y a eu une démo sortie en 2013, puis « seulement » deux singles en 2017 et 2020. La faute à quoi? Je ne saurais le dire car assurément il y avait du potentiel. Toujours est-il que cette existence un peu dissimulée de Conviction, je l’ai toujours suivie puisque je suis un admirateur de l’un de ses membres (et je crois qu’il le sait puisque nous discutons de temps en temps sur Facebook) : Olivier Verron. Alias Amduscias dans le groupe que j’adore, Temple of Baal, l’une de mes références en black metal français et dont j’adorais le chant en grunt, assez atypique pour le style, et qui a valu quelques critiques que je trouve injustes. A savoir que ce dernier officiait aussi chez l’un des groupes que je chérissais le plus en folk metal avec Aes Dana et qui, hélas, n’existe plus réellement mais qui devait se produire pour mon plus grand bonheur au Beermageddon Fest 2020 : Bran Barr. Bref, vous l’aurez compris, j’adore ce mec. Les autres musiciens méritent tout autant que l’on parle d’eux, puisque Frédéric Patte-Brasseur est musicien chez Ataraxie que j’aime beaucoup, parmi d’autres groupes évidemment. Je connais moins les autres musiciens, hormis les groupes dans lesquels ils sont ou étaient comme Mourning Dawn, ghUSa, Corrosive Elements, etc. Conviction, s’il n’est pas officiellement nommé ainsi, sonne pour moi comme une sorte de « super-groupe ». Et cette sortie m’enchante vraiment autant qu’elle m’intrigue. Allons-y!
La pochette est splendide, macabre au possible. Et pour cause : elle est faite par une artiste que j’aime aussi beaucoup, qui s’appelle Kax Nivore. Elle a d’ailleurs signé le non moins splendide design du single sorti en 2020 « Voices of the Dead ». Vous allez me dire, cet album est truffé de personnes qu’il aime, le chroniqueur. C’était donc écrit qu’il l’aime! Pour la musique, je vous laisse le suspense. Mais en tout cas, je ne m’en cache pas : j’aime beaucoup cette artiste, je suis son travail et j’ai notamment été épaté par l’artwork fait pour la compilation Doom or Be Doomed : A French Tribute to Cathedral. Il allait donc de soi que j’aimasse l’artwork de ce Conviction, avec ce personnage que l’on retrouvait sur la démo de 2013 où Olivier Verron officiait tout seul. Alors, ce personnage m’inspire un cadavre avec cet aspect squelettique, momifié même et ce visage tordu et par la mort, et par une souffrance atroce. Le mystère demeure autour de cette espèce de chevelure, on dirait presque des serpents comme le personnage mythologique de Méduse, et cet os en arrière-plan m’évoque un ossuaire, mais c’est assez difficile de rentrer dans les détails d’un artwork et d’en tirer un sens caché quand on se contente de décrire ce que l’on voit. Les écrits en gothique sont relatifs dans le sens où à part une référence (trop?) évidente à des écrits religieux, ou des récits anciens, ils sont empreints de mystère. En fait, et c’est le talent incroyable de Kax Nivore qui parle, tout est mystérieux! Difficile en plus de cela de corréler l’artwork avec le titre éponyme de Conviction, si ce n’est ce côté macabre et destructeur de l’Homme qui serait représenté ici au travers du danger de ses convictions rigides et sournoises. C’est mon interprétation de fait, mais je situe bien l’artwork dans une sorte de métaphore inique de la soi-disant grandeur humaine, du moins dans ce qu’elle a de plus négatif. Et la référence à des écrits anciens, impudemment reliée à des écrits religieux (ce qui se fait de plus cynique dans le metal), achève de me convaincre de la démarche artistique de Conviction. D’un point de vue strictement visuel, l’artwork est un formidable jeu de contraste entre cette mise en lumière hardie de la condition humaine sombre (très oxymorique) et les contours noircis dimensionnels de cette condition vouée à l’échec. Voilà donc que Kax Nivore et Conviction signent sans le vouloir (ou peut-être l’inverse d’ailleurs!) un des artworks les plus poético-dramatiques de cette année 2021. Pour le moment bien entendu puisque nous en sommes au début de l’année, mais comme une chronique fige l’instant présent dans un but futuriste, cet artwork est magnifique et cela suffit à mon bonheur. Et espérons, le vôtre.
En ce qui me concerne, le suspense musical n’existait pas puisque suivant le groupe depuis longtemps, je savais vers quel genre de metal j’allais. Ayant écouté (et acheté) la compilation tribute de Cathedral (qui est un groupe légendaire de doom metal), l’expectative était doublement tuée. Par contre, j’y reviendrai mais c’est au niveau du chant que je me suis pris la plus grosse surprise de cette première écoute. Le metal est donc doom metal, dans ce qu’il y a de plus old school, c’est à dire des riffs simples, minimalistes et répétés en boucle, des distorsions de cordes très longues et les accords poussés à l’extrême dans une linéarité sonore certaine. J’ai un peu peur d’écrire la chronique parce qu’Olivier est professeur de musique (agrégé je crois!) donc j’ai vraiment peur d’employer les mauvais termes et de dire beaucoup de conneries, donc d’avance si c’est le cas, si mes mots ne sont pas les bons, je présente mes excuses à Conviction. En tout état de cause, la musique est bien lancinante mais amène cette touche d’old school que j’aime tantôt énormément, tantôt peu. Sur cet état de fait, je n’ai pas d’explication d’ailleurs. J’avais par exemple adoré le dernier album d’Eclipse of the Sun, mais pas Shattered Hope. De plus, la surprise a été largement amoindrie par le fait que l’album éponyme reprend les morceaux de la démo et du single « Outworn » (sauf Tedium), que j’avais déjà écoutés, avec un gros travail sur le son que je vais essayer de détailler plus bas. En tout cas, la première écoute n’a pas été spécialement emballante puisque j’adorais déjà les pistes sur démo et singles, mais le changement de condition d’enregistrement amène indubitablement quelque chose en plus et j’ai adoré encore plus les morceaux sur cet album. Une sorte de redécouverte pour moi!
Je parlais de la production qui, comme une évidence de ce renouveau de Conviction, avait bien changé. Il est vrai qu’entre une démo autoproduite en 2013, avec un seul musicien, et le line up actuel plus tout le travail de fait dans les différents studios, la différence est nette. Après, je tiens à dire que j’aimais bien le timbre des guitares sur la démo, qui sonnaient gras, limite doom death par moment. Là, la production est dans une recherche de son plus old school mais en contenant encore un peu d’épaisseur de saturation, qui donne cette sensation de lourdeur et de lancinance que je trouve sublimantes. Pour le reste, connaissant le caractère pointilleux et presque professoral d’Olivier Verron, je n’avais guère de doute sur le placement des instruments et l’équilibre aux petits oignons du spectre sonore. En quelques mots donc, une production vraiment à la hauteur de mes attentes, un doom metal classique mais efficace dans le son et qui est très prometteur pour la suite de la carrière de Conviction. Beau boulot!
Pour ce qui est de la composition, je n’ai pas vraiment eu encore une fois de surprise à la première écoute puisque je connaissais cinq pistes sur huit. Je trouvais déjà à l’époque les cinq dites pistes prometteuses et bien construites, les versions 2021 ne font que confirmer tout le bien que je pense d’Olivier et de son génie créatif. La particularité du doom metal, que l’on retrouve ici, est cette capacité de nous entrainer vers des rythmiques saccadées mais lentes avec entrain, sans épuisement auditif aucun, le tout en se contentant de faire tourner en boucle le ou les mêmes riffs sur des minutes interminables en temps normal! C’est ce que j’ai toujours adoré dans ce style, et les incorporations avec parcimonie de soli, de passages un peu plus rapides (encore que dans le cas de Conviction, « rapide » est un dysphémisme) et de ces envolées au chant ne sont que plus audibles et donc mises en avant avec les égards qu’il convient de donner. Conviction est exactement dans cette lignée musicale incroyable, et dire que je suis en extase sur l’écoute de cet album est, pour le coup, un euphémisme! Certains diraient que les mots « simples » et « minimalistes » sont péjoratifs en musique, il n’en est rien quand vous avez un groupe comme lui qui distille des morceaux avec talent comme cela. Les deux nouveautés que sont « Castles Made of Shame » et « My Sanctuary » ont une légère touche en plus de heavy metal dans les accords de riffs je trouve. On sent qu’ils ont été composés beaucoup plus récemment que les six premiers, et c’est probablement une orientation musicale à retenir pour les futurs sorties du groupe français. En tout cas, ce premier s’écoute vraiment bien, sur plusieurs fois, le rendant donc riche et puissant.
Je ne vais même pas m’abaisser à faire un paragraphe entier sur le talent des musiciens, rien qu’à voir leur pedigree cela coule de source et au vu de ce premier album, le reflet n’est que plus convexe encore. Je m’attarde néanmoins, comme j’aime à le faire, sur le chant. Je disais plus haut que ce dernier constituait ma plus grosse surprise de cette sortie doom metal, et pour cause : tous les projets que je connais d’Olivier Verron m’avait amené sur du chant saturé, et de très grande qualité! Temple of Baal, Bran Barr, Bloodoffer, m’avaient habitué à du chant scream ou growl medium on va dire. Or dans Conviction – et dans son projet avec sa compagne Unnamed Season -, force m’est de constater qu’il passe au chant clair et qu’une fois de plus, il m’épate. Il m’époustoufle. J’ai été estomaqué par la technicité vocale et l’étendue, surtout au niveau de la tessiture. Objectivement parlant, on n’est pas non plus sur du chant clair à la Andre Matos ou sur une puissance vocale très lyrique, mais qu’importe! D’abord j’imagine sans peine que ce n’est pas l’effet voulu. Et enfin, je trouve que de faire un chant clair plus posé comme le fait Olivier, ajoute plus une forme de mélancolie dans sa forme douce et sournoise. Et c’est probablement une grande force de ce premier album qui est parvenu avec ce chant à distiller une forme de souffrance intérieure qui se veut douce en planante, mais aussi tragique. Et cette nouvelle corde ajoutée à son carquois déjà bien rempli de (grand) musicien metal français ne peut que me faire fondre d’admiration. Gros point fort donc que ce chant clair qui est macabre et doux. La seule chose que je trouve à redire et qui, pour moi, est soit mal fait, soit en trop, sont les choeurs. Heureusement moins présent, mais ça c’est le propre des chœurs hein… Simplement, je les trouve non pas mal exécutés parce que les voix sont belles, mais simplement en trop. J’aurais préféré qu’il n’y ait qu’une seule voix, et pas trois. Surtout qu’à trois voix, il y a imparité dans l’ensemble harmonique et j’ai toujours eu du mal à trouver de l’harmonie justement dans un ensemble trois voix, que ce soit dans le metal comme dans d’autres musiques. Bon, en fait je dis des conneries puisque j’adore The Kingston Trio… Mais en tout cas, ici, je trouve que cela ne fonctionne pas des masses. Mais c’est vraiment anecdotique.
Les textes quant à eux, écrits en anglais, font la part belle au funéraire, surtout les pistes de la démo. En 2013, Conviction faisait dans le noir et le sombral, en 2017 le single avec le morceau Outworn offrait un côté plus onirique et une forme de soulagement dans un long cheminement spirituel de souffrance. La délivrance donc. N’ayant pas eu accès aux derniers textes je ne sais pas si cet album suit encore une sorte de logique, ou s’il y a autre chose. Pour le fond donc, je ne peux finir mon analyse. Pour la forme, les textes sont semblables à ce qui se fait de bien dans le doom metal : ils sont courts et plutôt directs. Il y a une beauté dans le langage, même en anglais, en phonétique aussi, et les phrases clés sont répétés opportunément, rien d’extraordinaire mais les textes font bien le boulot. J’aime bien!
Je vais terminer ici cette chronique en ayant le sentiment que cet album arrive ENFIN. Dans le sens où il devait arriver, il devait sortir pour nous amener ce qui ressemble à un premier aboutissement! Je ne sais pas pourquoi Olivier Verron a mis tout ce temps pour concrétiser ENFIN une première sortie qui devait par tout un tas d’arguments, être une réussite quasi totale. Peut-être ses différents projets l’en avaient empêché, mais je suis vraiment un homme heureux aujourd’hui, parce que toutes ces années à guetter l’aboutissement, j’ai été patient! Maintenant que ce premier album éponyme est là, j’espère que cela va continuer. En tout cas, ce Conviction a tout pour vous plaire si vous aimez le doom metal. Il est old school, extrêmement bien produit, il donne une vision de l’humanité remplie de chaos et de détresse, le chant est exceptionnel, bref. Pour moi, cette entrée en matière est une énorme réussite et je crois que la scène doom metal française va chambouler son piédestal en devant inclure Conviction sur la place de numéro un du doom français. Premier album attendu mais sensationnel.
Tracklist :
1. Prologue Affliction (00:50)
2. Voices of the Dead (06:52)
3. Through the Window (09:43)
4. Curse of the Witch (05:28)
5. Outworn (09:40)
6. Wrong Life (08:26)
7. Castles Made of Shame (07:27)
8. My Sanctuary (11:18)
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