Note du Soilchroniqueur (Willhelm von Graffenberg) : 8/10

Dani’s back ! Un nouvel opus du Berceau de la Crasse, on reste toujours sceptique. Déjà parce qu’un groupe qui a passé le quart de siècle – remember : The Principle of Evil made Flesh, ça date déjà de 1994 et le groupe naissait trois ans auparavant –, on se demande ce qu’il peut encore avoir à raconter, et leur dernière production, Hammer of the Witches, n’était pas franchement enthousiasmante (http://www.soilchronicles.fr/chroniques … he-witches). Cependant, si le groupe s’est forgé une identité, avec des phases variables, il n’en est pas moins resté intègre à sa ligne de visée, l’horrifique et son ambiance gothique, très souvent inspirée de l’époque victorienne (Arthur Conan Doyle, Oscar Welles, etc.) On reste sur cette trame avec Cryptoriana – The Seductiveness of Decay.

Puisqu’on reste dans un domaine Black Sympho, autant user du champ lexical un peu digne de ces passages d’écriture savante. Les néophytes pourront avoir une version alternative ensuite et les puristes musicologues me pardonneront aisément une potentielle erreur – ‘t’façon j’dis c’que j’veux ! On se trouve face à une structure sonate (ABA) tant interne à l’album qu’à chaque mouvement, métissant avec une évolution de type rhapsodie intrinsèque. Traduction : on se trouve face à un album qui ne sonne en rien comme un concept album, mais qui a un alpha et un oméga, il en va de même pour chaque morceau, avec au milieu un énorme foutoir de riffs. Le résultat en sera forcément assez déroutant pour ceux qui aimaient à se trouver des couplets et des refrains pour se raccrocher à quelque chose entre deux headbangs.

Une chose est sure : Cradle of Filth, dans l’écriture de cet album, ne cache rien de ses influences. On y trouve pêle-mêle du Heavy, du Speed, du Death, de la NWOBHM (Iron Maiden dont ils ne se sont jamais cachés d’avoir été influencés apparait de façon évidente dans certains riffs), du Dark… et du Thrash, chose un peu plus surprenante quand on a l’impression d’entendre des riffs qui seraient plutôt à l’aise sur un album de Testament ou Kreator. Mais ceci n’explique pas forcément le pourquoi de cette espèce de pot-pourri, qui pourtant joue énormément sur le principe thématique avec variations… enfin, pour les néophytes, énormément sur l’aspect mélodique, avec beaucoup de mélodies diverses et variées en gardant cette idée générale en tête, sur des harmonies très consonantes. Et qui plus est, l’aspect progressif que prend l’ensemble peut dérouter : passer limite d’une carrure en croche-deux-doubles enchainée à une autre en doubles croches qui s’enchaine sur une suivante en triolets, avec un rendez-vous au point d’orgue, ça peut aisément perdre l’auditeur. En clair, ça part vraiment dans tous les sens, mais en gardant un aspect général agréable à l’oreille car harmonieux et avec un début et une fin qui se rappellent mutuellement à notre bon souvenir – ce qui n’est pas non plus évident quand les morceaux ne sont pas du tout radio edit (en moyenne 7 minutes, le finish approchant les 9 minutes).

Et pourtant, ce n’est pas dans les habitudes de Cradle de partir dans tous les sens sans sembler aller dans une direction précise, et j’avoue que ça m’a également étonné, cette espèce d’absence de construction des morceaux, comme si on avait mis bout à bout les idées jetées sur le papier en essayant de faire coïncider le tout… Et la réponse m’est apparue plus évidente après avoir lu les petites lignes de la fiche technique (comme le fait tout bon ingé son, à bon entendeur) que je vous cite ici même : « elaborate new anti-hymns and, as Dani mentions, a fervent blast through Canadian thrash legends Annihilator’s ageless ‘Alison Hell’ ». Pour celui qui ne connait pas ce chef-d’œuvre qu’est Alice in Hell, l’album qui a propulsé Annihilator dans la haute sphère du Thrash, il contient le titre qui représente le mieux l’écriture tarabiscotée de Jeff Waters, « Alison Hell », qui est l’exemple même du bordel organisé et qui sonne bien, en ne cherchant pas à être un tube ou un hymne – mais qui l’est devenu, ironie de l’histoire.

L’effet indésirable, c’est que si ça se laisse écouter comme on boirait du petit lait issu de la brebis sacrificielle, on finit par faire comme avec une Encyclopaedia Universalis (ou l’annuaire/bottin pour les Grands Anciens) : « on tourne une page puis on décroche » (Desproges, my God !) Et c’est là que serait l’erreur car vous passeriez à coté du morceau le plus stable, mais également le plus réfléchi et savoureux de l’album : le dernier. Car oui, l’équipe des crasseux sait encore nous réserver des choses intéressantes, entre autres avec un changement dans le choix esthétique des patches de cordes et l’utilisation de la voix de leur claviériste Lindsay Schoolcraft (car oui, ils ont depuis quelques temps une claviériste et chanteuse/choriste qui se débrouille franchement pas mal… mais je n’en dirai pas davantage, à vous d’aviser).

C’est donc un douzième album qui semble raviver la flamme d’autrefois (on se sent un peu dans l’ambiance des alentours de Midian) en faisant également un bilan et en proposant une synthèse, le tout dispersé sur 8 morceaux. Est-ce une fin ou un renouveau ? L’avenir le dira, mais cet album un peu particulier, original dans la discographie assez étendue du groupe, risque de dérouter les fervents suiveurs de l’Ordre du Dragon.

A écouter en préparant ses potions pour Halloween.

Tracklist : 

1. Exquisite Torments await (2:15)
2. Heartbreak and Seance (6:24)
3. Achingly beautiful (7:02)
4. Wester Vespertine (7:29)
5. The Seductiveness of Decay (7:38)
6. Vengeful Spirit (6:00)
7. You will know the Lion by his Claw (7:22)
8. Death and the Maiden (8:48)

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