Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10

“La vie est lunatique et se plaît à mener les événements comme une fantaisie, sans rime ni raison.” Roland Dorgelès

J’aime cette citation parce qu’elle se prête bien au jeu des groupes qui sèment la confusion dans leur intention musicale. Ce genre de groupes dont on n’est incapable de savoir s’ils se prennent au sérieux, ou s’ils sont en totale décalage avec eux-mêmes. J’ai pour exemple frappant le groupe italien Evol, groupe qui n’existe plus et qui avait fourni une discographie incroyablement kitsch. Je vous passe les détails, mais en gros le black metal était d’une production raw au possible, avec des claviers sortis de je ne sais quel bouge sordide, un chant féminin totalement faux et un masculin en high scream avec tellement d’effets dessus que cela en devenait ridicule. Ce groupe s’est fait défoncer littéralement par la scène black metal européenne, surtout en France parce que son label était Adipocere Records qui était pas mal connu à l’époque. Eh bien, moi, ce genre de groupes, j’adore. Je dirais même que je vénère littéralement ce genre de groupes qui font une musique dont on ignore si la tonalité est sérieuse, et s’il faut les prendre au premier degré et limite trouver que le travail est raté jusqu’au bout, ou si c’est le total inverse. Ne me demandez pas pourquoi, mais j’adore vraiment! Alors, depuis que je fais des chroniques, j’ai aiguisé et durci en même temps ma tonalité de départ pour rester sérieux sur mon écriture et analyse. Ce qui fait que soit je n’arrive plus à trouver un décalage évident chez ces fameux groupes, soit je passe à côté pour ne pas avoir à me creuser le ciboulot. Dommage parce que ma discothèque flamboie des groupes comme cela et je suis convaincu que beaucoup de groupes que les gens adorent sont parfois en fait totalement décalé de la réalité. Par contre, ne me parlez pas des groupes parodiques parce que là, non. Je n’y arrive pas. Autant Gronibard par exemple si, parce que le grindcore est un style en décalage total de base. Mais Ultra Vomit par exemple, sauf en live, je n’y arrive pas en CD. Mais là, ce soir, je vous parle du vrai gros kitsch saupoudré de second degré notoire. On va parler donc d’un groupe qui sème le doute dans la tête de tout le monde car même en concluant cette chronique, je n’étais pas sûr à cent pour cent de ma conclusion, et cela, c’est bon signe pour me séduire! Ce groupe, c’est Cultic et son album à paraître appelé « Of Fire and Sorcery« . Les deux noms pètent bien en tout cas, j’aime!
NB : cette introduction a été rédigée exceptionnellement après l’écriture de la chronique.

Cultic semble être le genre de groupes qui cultivent un côté très kitsch. En témoigne ce logo que je trouve génial, mais oui. Un peu kitsch. Et pourtant! Le groupe est tout récent, existant depuis 2017 seulement. Le duo de musiciens qui porte le nom commun de Magar (Brian et Rebecca de leurs prénoms), probablement des époux ou des frères et sœurs on ne sait pas, mais en tout cas le duo de musiciens est américain, de la ville de York en Pennsylvanie. A son actif, le groupe Cultic a sorti en tout une démo et deux albums avec ce dernier qui s’appelle donc « Of Fire and Sorcery« . Il faut savoir que les deux albums sont sortis ou vont sortir pour le deuxième chez un label que je ne connais pas et que s’appelle Eleventh Key. Tous ces détails groupaux évoquent mis les uns contre les autres une jeune formation qui a signé chez un jeune label et qui sort donc deux albums en guise d’apéritif. Pour moi, on reste à ce stade du dîner, on ne met pas encore le couvert complètement. Mais il n’en demeure pas moins que Cultic cultive si j’ose dire un aspect old school qui est terrible. Alors le tout est de savoir si le mot « terrible » prend son sens propre ou son sens métaphoriquement euphorique. « Of Fire and Sorcery » sent bon la sorcellerie, la fantaisie et le mystique, et je pars sur des bases intéressantes dans la mesure où tous ces sujets m’intéressent beaucoup, dans tous les aspects artistiques possibles.

Vous vous souvenez que je disais que Cultic était un groupe bien kitsch? Eh bien il vous suffit de voir la pochette pour comprendre tout de suite le délire. Ce sorcier qui brandit un bâton de sorcier en direction d’un dragon de pierre, le tout sur des ambiances verdâtres qui font très temple souterrain, ou vous savez avec des émanations qui remontent. Le dragon est d’ailleurs un animal mythologique qui revient sur les deux albums et même sur la démo avec les ailes. Vous regardez donc la pochette du premier album nommé « High Command« , vous y verrez un dragon. Cette figure répétitive est en tout cas une figure noire et persécutrice du décorum de chaque pochette, la première étant une bataille contre le dragon, celle qui nous intéresse ce soir reste du domaine de la sorcellerie, comme si le dragon nourrissait la force de ce sorcier via un pouvoir secret, genre Indiana Jones. Enfin bon. Une chose est certaine : je préfère mille fois la première pochette à celle-ci. Outre le travail un peu plus soigneux qui est fait sur le premier et non sur le second, c’est dans le style symbolique que je préfère. Franchement, c’est méga kitsch quoi… Encore que la bannière noire avec le logo du groupe et le nom de l’album, je l’aime bien! Je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il y a une forte inspiration Hellhammer dans ce genre de boulot iconographique, encore qu’heureusement, cela ne concerne que cette bannière noire et le logo du groupe. Mais sur l’artwork en lui-même pour moi, ce n’est ni fait ni à faire. C’est d’une pauvreté affligeante que de proposer une pochette aussi simple, aussi déjà-vu et avec aussi peu de recherches autres que de balancer un sorcier comme cela, dans une fosse souterraine avec une statue de dragon. Je pense peut-être un peu naïvement que le groupe cherche à mettre en valeur ce côté kitsch que je n’aime pas vraiment, du moins j’espère que la démarche est au moins assumée (les photographies de promotion du groupe en témoignent un peu aussi d’ailleurs), parce qu’il va falloir être fort pour soutenir un travail aussi médiocre et aussi insipide. Non franchement, c’est le genre de pochette que je rejette totalement quand je déambule chez un disquaire. C’est à revoir, voire à supprimer totalement. Comme dit une collègue de boulot : « c’est donner du foie gras aux cochons. » Mauvais pour vous, Cultic…

Et sur le coup, la musique m’a intrigué tout d’abord un bon moment, au moins une bonne moitié de la première écoute tant je ne suis pas parvenu à dire si j’aimais ou pas. C’était une bien drôle de sensation que d’être indécis sur sa propre impression. J’en suis arrivé à un point où il m’a fallu creuser dans ma rationalisation comme mécanisme de défense pour comprendre que ce genre d’album comme « Of Fire and Sorcery » peut potentiellement me plaire. Qu’on se le dise, la musique est aussi un peu kitsch si j’ose dire. C’est sur le papier du doom death metal, mais en réalité c’est plus du doom metal à la Triptykon mais sans le son ultra pointilleux autour. Limite un petit côté Celtic Frost même. Mais dans le cas où Cultic proposerait du doom death metal, je dois dire qu’on est loin du compte. Niveau sonore j’y reviendrai notamment, ce n’est pas ça du tout. Mais par contre, il y a de très gros motifs de satisfaction à commencer par les compositions qui sont extrêmement bien ficelées. Ni trop bourrines, ni pas assez, se situant sur une frontière rythmique entre effectivement un doom metal bien bien lent, et un qui est un tout petit plus raisonnable et qui balance de très bonnes rythmiques. Les riffs sont tournants, c’est à dire dans un côté minimaliste qui me sied beaucoup, et les ambiances sont très empreintes justement de noirceur et de ce côté revendiqué de fantaisie sombre. Au final, on se prend au jeu de bien aimer les morceaux y compris dans ce défaut sonore majeur et pour le chant affreux dont je reparlerai plus bas. Mais ce que j’ai adoré, et c’est toute l’originalité de cet « Of Fire and Sorcery« , ce sont les interludes krautrock et les quelques rares samples itou. Alors là, franchement, si vous aimez le krautrock, les vieux claviers et les vieux sons des années lointaines, vous allez adorer cet album! Parce que concrètement, les interludes représentent la moitié de l’album puisqu’un morceau sur deux en est une! ET LE PIRE, c’est que je sais exactement quel logiciel bon marché est utilisé par le groupe Cultic pour ses interludes : c’est FL Studio! Moi-même fut une époque, je l’utilisais, donc j’ai parfaitement reconnu les banques sons primaires. Non mais sans rire, c’est énorme! Vous allez vous dire que je suis bizarre, mais j’ai adoré à fond ces interludes! Et du coup, à mesure que j’ai apprivoisé tout cela, j’ai fini par adorer cet album. Pour son kitsch, pour sa production faiblarde, pour ses compositions brutes de pomme et pour le chant dont je reparlerai plus tard. Mais typiquement, « Of Fire and Sorcery » est le genre d’album qu’on adore détester, et que certains vont détester adorer! C’est tellement dingue de faire un album aussi (volontairement?) loupé qu’on en vient à le kiffer.

La production, qu’est-ce-qu’elle a alors? Il vous suffit de regarder l’un des clips partagés et vous allez comprendre tout de suite. En elle-même elle n’est pas hyper mauvaise, mais il faut pour cela s’enlever du crâne que Cultic fait du doom death metal, cela passera beaucoup mieux après. Parce que, qu’on soit bien clair, ce n’est pas une production digne d’un doom death metal lambda. Il n’y a pas la lourdeur extrême, pas la lenteur identique et pas le chant guttural ultra profond qui va bien. Alors, ma question est : est-ce que le groupe s’est royalement planté sur sa production? Ou alors est-ce volontaire, auquel cas j’ai juste à oublier cette étiquette infâme pour passer à quelque chose de moins sérieux, et profiter pleinement. Pour moi, cela reste une production très raw, avec un ensemble instrumental simple comme bonjour, guitare / basse / batterie / chant. Donc une seule guitare englobée d’une basse pas si basse que cela, et vous avez donc un duo de cordes qui semblent jouer comme si on était en condition répétition. Soit sans retouche ou presque. La batterie aussi ne souffre pas d’un mixage exceptionnel. Le chant en revanche, en est truffé et c’est même trop! Trop d’effets, beaucoup trop. Donc voilà, vous avez pour résumer, une production qui devrait être normalement pour une musique doom death metal mais qui au final n’en est pas une du tout. C’est même carrément hors sujet à ce stade et ainsi je serais tenté de sacquer joyeusement cet « Of Fire and Sorcery » comme le mérite le voudrait pour avoir été bâclé sonoriquement par ses propriétaires. MAIS! En fin de compte, si l’on exclut cette étiquette fallacieuse, on se met à trouver cette production franchement dingue! Raw comme rarement, avec cette impression rare que les instruments ne sont quasiment pas retouchés sauf le chant qui l’est cent fois trop par contre, un truc tout con! Genre une guitare, une basse, une batterie et point final! C’est juste bluffant parce que cette production qui dérange énormément, retranscrit finalement très bien les ambiances occultes et un brin kitsch de l’album. Et le résultat est qu’on finit par sérieusement se prêter au jeu. Il faut aimer, vraiment! Surtout le raw. Mais quand on aime, on va adorer la production de ce deuxième album de Cultic. Excellent!

En fin de compte, je pense qu’il ne faut pas prendre Cultic totalement au sérieux dans sa démarche. Parce que quand on regarde le clip, et quand on se dit qu’on a été autant déçu par l’artwork et son manque apparent de sérieux, c’est que finalement le groupe cultive une image spéciale et surtout, très décalée. C’est pour cela qu’au final, après avoir fait deux autres écoutes avec bien plus de second degré qu’au début, j’ai fini par adorer cet album. Moi, c’est simple : j’aime tout ce qui est décalé. Surtout quand cela donne l’impression que ce n’est même pas fait exprès! Et Cultic joue ce rôle à la perfection. Dans son album, le fait d’employer des interludes en krautrock, avec des claviers qui ont été probablement chinés dans une brocante au fond de l’État de Pennsylvanie, une production qui semble sortir tout droit d’un local de répétition, tout cela laisse à croire qu' »Of Fire and Sorcery » n’est pas un album à prendre avec autant de sérieux que sur le papier. Si c’est l’inverse, je m’excuse auprès du groupe mais le jeu est tellement difficile à cerner que je peux me tromper. Mais en tout cas, depuis que j’ai pris cet album avec plus de légèreté, j’ai adoré! Tout! La musique, les compositions très simples mais efficaces, le raw qui amène un truc finalement très noire, le chant bourré d’effets (non, il ne faut pas exagérer), et les interludes avec FL Studio, j’ai tout adoré! C’est une découverte que je n’avais pas faite depuis longtemps, sous le joug du second degré, du kitsch total et du plantage en règle! Cela rejoint ce que je dis depuis un moment : la beauté dans la laideur. Ah ben là, on est en plein dedans putain. C’est tellement laid que ça en devient magnifique.

Après, j’ai beau avoir énormément de second degré, être capable d’aimer des groupes que tout le monde déteste (l’exemple le plus frappant étant Evol, particulièrement moqué dans le milieu black metal, mais que j’adore), je ne peux pas aimer le chant dans « Of Fire and Sorcery« . Il est trop, beaucoup trop pété d’effets chant. Déjà que la voix en elle-même n’est pas extraordinaire, on reste en effet sur un chant basique, sans forcer ni même réellement contrôler sa gorge, les effets sont trop présents. Qu’il y ait tout le folklore autour que j’ai cité, et que le chant doivent suivre la cadence en ayant des effets partout, pourquoi pas! Mais il faut avoir un brin de raison même dans la musique la plus déraisonnable qui soit. Et ce chant qui part déjà sur une technique vocale assez pauvre, et qui probablement aussi est compensée avec les effets, on a une espèce de truc immonde. Presque on dirait une mauvaise parodie de Rob Zombie au chant. En gros, pour que le chant soit idéal, j’aurais vu peut-être une autre technique vocale déjà, un chant en grunt grave par exemple avec un effet caverneux qui aurait été juste impeccable, et c’est tout! Pas besoin d’en faire des caisses, parce que finalement, prenant en compte ce que je disais comme quoi le chant était trop mis en avant dans le mixage, on peut s’agacer si on ne parvient pas à faire abstraction de cet OVNI au chant, mais OVNI genre Alien quoi, un truc moche et dangereux. C’est ainsi, j’espère que la suite sera meilleure pour les parties chant, sinon je vais vite me lasser. A revoir.

Voilà! Ainsi soit-elle cette chronique qui prend fin sous l’étendard du second degré, du kitsch et de la dérision sans le vouloir. Vous savez? Ce genre de groupes dont vous ne parvenez pas tout de suite à savoir s’il s’agit d’un truc décalé ou sérieux, et le cas échéant si c’est raté ou une totale réussite. C’est exactement ce constat qui prévaut pour Cultic et son album nommé « Of Fire and Sorcery« , le deuxième de la famille américaine composée d’un duo au même nom. En tout cas, passé l’effet de stupeur d’avoir le sentiment de faire face à un album totalement raté de doom death metal, on en vient à se dire qu’on en reprendrait bien de cet occultisme barré. Parce que clairement, cette démarche artistique est tellement kitsch, se situant entre un Triptykon raw et un Rob Zombie soit du noise rock au tempo lent, qu’on se prête totalement au jeu et on se marre bien. C’est une découverte que je n’avais pas faite depuis longtemps, sous le joug du second degré, du kitsch total et du plantage en règle avec en prime l’utilisation de FL Studio pour balancer des interludes krautrock aux claviers chinés dans les brocantes. Bref! C’est une tuerie, j’adore! La discographie famélique sera mienne le mois prochain.

Tracklist :

1. Mystical Exaltation 01:42
2. Beseech the Olden Throne 04:34
3. Weaver Deceiver 02:15
4. Potion 04:30
5. Invoking the Dragon 01:26
6. Warlock 06:32
7. Sentenced 02:29
8. The Tower 05:20
9. Leering from the Pinnacle 03:03
10. Iron Castle 05:20
11. Iron Castle Redux 12:50
12. Iron Spider 02:08

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