Line-up sur cet Album
Panagiotis Christias : tout (chant, guitare, basse, claviers) Session : Eleni Nota (ex-Nervosa) : batterie / Nikos Mavridis (Carach Angren) : violon / Anastasia Kiritsi (Celéne) : chant / Sakis Bastas : piano
Style:
Black Metal atmosphériqueDate de sortie:
24 mai 2024Label:
Theogonia RecordsNote du SoilChroniqueur (Vince le Souriant) : 7/10
En 1969, la psychiatre Elisabeth Kübler-Ross publiait « On Death and Dying » (« Les derniers instants de la vie« ), livre dans lequel elle décrivait les émotions qui se succédaient chez les malades en phase terminale, avant leur décès. Par la suite, ce modèle a été transposé au processus du deuil. Selon cette théorie, très largement contestée, le deuil suivrait un processus décomposé en cinq étapes : le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation.
C’est à ce schéma qu’emprunte l’album, dont les titres, à l’exception de l’introduction, correspondent chacun à une étape.
Derrière le projet, Panagiotis Christias. En 2021, pour son premier album, c’est tout seul que le bel Hellène opéra. Cette fois, il s’est entouré de musiciens de session, en grande partie des hommes. Pour un peu, on s’autoriserait presque à parler d’Hellène et les garçons.
La première piste, « Intro », donne le ton de l’album. Il s’agit d’un instrumental à la guitare classique, qui démoraliserait les optimistes les plus indécrottables. Si vous passiez une belle journée, ces 2:36 suffiront amplement à y mettre un terme. Le temps est un liquide qui coule entre les doigts ; il est vain de vouloir le retenir. Quand on s’aperçoit qu’il a filé, il est déjà trop tard. Ah, si j’avais su, j’aurais aimé davantage, semble avertir la partition. Le décor est posé, on est pas là pour se poiler.
« Denial » (le déni). C’est de vide dont il est question ici, celui, immense, laissé par la personne défunte : « Je tends le bras dans le néant, mais personne n’est là pour me sauver ». La musique exprime le cauchemar qu’est devenue la réalité. Un présent devenu trop douloureux, dont on aimerait pouvoir se réveiller comme on le ferait d’un cauchemar. Le lyrisme de la guitare lead associée aux violons, évoquerait presque le metal gothique d’un groupe comme Tristania, formation qui méritait bien son nom.
« Hate » relève d’un choix curieux. La deuxième étape du modèle est en effet la colère et non la haine. Exacerbation des sentiments ? Peut-être. La colère est bien là, mais froide, rentrée. Le tempo lent fait la part belle à la section rythmique, et à la voix, grave, profonde comme les reproches qu’elle profère. « Tout ce que j’ai, c’est cette haine sans répit ». Le titre alterne paroles en anglais et en grec. Longue comme la tige d’une fleur, la piste éclot en un flamboyant bouquet de douleur.
« Bargaining », le marchandage, constitue l’étape centrale du processus, mais aussi et surtout le titre le plus intense, le plus chargé en émotion de tout l’album. La douleur devient si intolérable qu’il faut trouver une porte de sortie, et vite. L’artiste s’assomme de culpabilité, se lacère d’hypothèses mortifiantes. Aurait-il pu en être autrement ? Qu’a-t-il manqué, qui a conduit à une telle ruine ? « Si nous pouvions avoir un peu plus de temps, j’échangerais ma vie contre la tienne » scande Christias. Toc toc. Qui c’est ? C’est la souffrance !
« Depression » annonce la couleur, ou plutôt le menu. Ce soir, le chef vous propose son désespoir, servi sur lit de violons, et accompagné de guitares jouant des accords mineurs. Ici, les paroles sont un catalogue de tout ce que le vocabulaire du pourrissement, de la décrépitude, a à offrir. Sans que cela soit exprimé noir sur blanc, la tentation du suicide n’est pas loin. Il est grand temps de passer à la dernière étape.
« Acceptance » (l’acceptation). Un an, c’est la durée généralement assignée à un deuil par la société. Nous sommes maintenant dans le temps long. Le rythme est faussement enjoué, ce qui contraste avec le titre, lequel est scindé par une pause en son milieu, simulant une fin. Cette fin n’en est en fait pas une, et peut-être, peut-être seulement, la mort n’en est-elle pas une non plus. S’ensuit une long et belle pièce au piano. La plaie est refermée, et laisse place à une cicatrice propre et rose. Les toutes dernières notes, dans les aigus, résonnent comme un au revoir prononcé depuis l’au-delà.
Avec ce second album, Dark Affliction fait la démonstration que les thèmes les plus noirs ne sont pas la chasse gardée du DSBM, et qu’un musicien officiant dans le registre de l’atmosphérique peut tout aussi bien s’en emparer.
Attention, il s’agit d’une musique cérébrale : à l’image du processus qu’elle décrit, elle prend son temps et ne saurait être brusquée.
Peut-être même mérite-t-elle plusieurs écoutes pour être pleinement goûtée, l’auditeur, dans son appréciation, passant par plusieurs étapes.
La musique et le deuil ont ceci de commun.
Tracklist :
Intro 2:36
Denial 6:53
Hate 5:49
Bargaining 5:58
Depression 5:25
Acceptance 6:26
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