Line-up sur cet Album
- Chloé Panhaleux : chant, harpe électrique
- Allan Guyomard : batterie, chœurs
- Tom Penaguin : guitares, choeurs
- Charlélie Pailhes : basse, chœurs
Style:
Doom Metal / Stoner PsychédéliqueDate de sortie:
12 novembre 2021Label:
KlonosphereNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10
« Les Djinns funèbres,
Fils du trépas,
Dans les ténèbres
Pressent leur pas;
Leur essaim gronde;
Ainsi, profonde,
Murmure une onde
Qu’on ne voit pas. » Victor Hugo
La coïncidence est belle! Je sors d’une formation passionnante sur l’ethnopsychiatrie, cette discipline qui permet de développer la part culturelle dans la relation entre le thérapeute et le patient d’origine différente, et pour faire la part des choses entre le délire exprimé et ce qui est potentiellement culturel. Et on parlait longuement des djinns. J’ai appris énormément de choses, que notamment les djinns ne sont pas forcément des esprits malveillants! Qu’il existe des djinns capables d’être bienveillant, avec pratiquement des formes humaines aussi bien physiques que psychiques. Ils peuvent se marier, avoir des rapports sexuels, avoir des enfants, mais jamais entre eux, uniquement avec des humains. Et c’est bien là le souci : certaines personnes peuvent considérer qu’une autre, j’entends humainement parlant, est un djinn dès lors qu’un acte répréhensible, ou moralement incompatible, est commis. C’est très intéressant, j’ai souvenir comme beaucoup de l’album de Melechesh sorti en 2001 qui avait, je ne m’en rendais évidemment pas compte à l’époque, une vision très sombre et orientée sur les djinns. Je me dis qu’il ne faudrait pas tomber dans une forme biaisée des légendes, ce qui arrive fort heureusement rarement dans le milieu metal. Si toutefois l’on exclut le manque d’originalité dont font preuve les groupes, mais cela n’est pas le débat du jour. Au final, j’ai fait cette introduction pour vous faire comprendre que l’on ne doit rien au hasard. Je sors de formation, on parle des djinns pendant deux heures, il fallait bien que mon dévolu se pose sur le groupe idoine, Djiin, et son album « Meandering Soul« .
NB : j’avais écrit cette introduction pour la sortie officielle du 15 octobre, le groupe a finalement reporté la sortie au 12 novembre. Voilà pour le contexte.
En ce qui concerne « le » Djiin qui nous intéresse ce soir, j’ai eu des informations plutôt succinctes. Hormis bien sûr la dithyrambe habituel du label, qui se trouve être Klonosphère, pour parler du groupe et dont on devine une certaine originalité dans la musique proposée, on sait que le groupe est français (et ça, c’est cool!), de Rennes (main sur le cœur pour mes amis bretons), et que le groupe existe depuis les années 2010, probablement depuis plus de trois ans mais hormis Bandcamp, il n’y a pas trace d’année de création. J’ai cru comprendre que le groupe a sorti deux albums live et un premier album en 2019 nommé « The Freak« . Sur l’étendard d’un autre label d’ailleurs, mais on peut se dire déjà que le groupe a un beau parcours studio, live certainement aussi mais comme je ne connaissais pas Djiin, je ne peux en attester. Alors, la petite particularité du groupe est d’avoir une chanteuse qui officie également à la harpe électrique. Alors cela, c’est une chouette curiosité! Parce que je connais bien la harpe électrique, outre qu’il s’agit d’un instrument magnifique (je parle de la harpe en général, et le fanatique de Cécile Corbel que je suis est bien placé pour le dire), je me demande vraiment ce que cela va donner dans un registre musical qui est le leur.
Alors, je dois dire que l’artwork m’a déjà conforté dans la subtilité que comprend le stoner dans la musique de Djiin. Parce qu’il y a un côté tellement « fou » à cette pochette qu’on sait tout de suite qu’on va avoir du psychédélique. Que dire? Qu’on ne comprend pas réellement ce dont il s’agit. Une colonne de fumée ou de nuage qui vient du sol, d’un sol fragmenté en plusieurs morceaux comme si la terre était en lévitation. On dirait clairement une sorte de monde parallèle, d’une dimension ultérieure et qui viendrait probablement d’un espace étoilé, cela donne une dimension céleste et légère qui semble nous indiquer la musique qui nous attend. Après, l’idée d’une « âme sinueuse » comme le dit le nom de l’album vient sûrement de ce curieux personnage, une sorte d’ange avec des ailes dorées mais une figure grossière et blanche immaculée, où on ne discerne aucun visage. C’est original, curieux et interrogateur. J’avoue ne pas avoir cerné avec exactitude et certitude la volonté du groupe Djiin derrière « Meandering Soul« . Il faudrait que le groupe clarifie un peu cela, je retiens toutefois le côté un peu grossier du dessin qui a servi à faire la pochette et qui me fait penser à une vieille bande-dessinée, et qui donc amène un aspect vintage propre au style stoner psychédélique. Moi, je retiens la difficulté de sens mais le côté esthétique franchement sympathique, un constat avec deux poids deux mesures. Mais j’aime bien, voilà!
Décrire la musique de Djiin à du simple stoner psychédélique serait presque une offense. De fait, la base en elle-même est bien stoner, avec un son épais et racé, des riffs psychédéliques qui sont complexes mais riches en instrumentations mélodiques, et avec bien évidemment un côté dérangé sur le plan psychiatrique. Mais il faudrait aussi prendre en considération les moments plus doom metal, les instants quasiment ritualistes un peu néofolk avec de véritables rythmiques et mélodies orientales, ce chant féminin qui est absolument divin, et dont je reviendrai plus tard dessus. Djiin est un vrai groupe créatif, innovant et puisant son originalité artistique dans des influences aussi dingues à mettre en corrélation qu’elles sont diverses. N’oublions pas le son très vintage, avec un côté krautrock qui ma foi, me fait bien plaisir puisque j’adore cela! La référence krautrock réside donc dans cette sonorité très années 70/80 et ces incorporations industrielles un peu brouillonnes. Tout cela pour dire que les six morceaux de « Meandering Soul » qui sont d’une longueur somme toute raisonnables pour le style, sont extrêmement bien composés, avec une vrai catalogue d’influences mais un rassemblement en force de toutes ces dernières pour donner une musique à la fois solide et virile (à la stoner) et à la fois un ouvrage de ritualité et d’envoutement. On vivrait presque les errances de l’inconscient sous toxiques avec « Meandering Soul« ! Et j’imagine qu’outre cette démarche d’originalité qui fonctionne merveilleusement bien, il y a aussi cet hommage au « vrai » mouvement psychédélique dans les années 60 ou 70. Bref! C’est un deuxième album bien réussi, et la première écoute que j’en ai faite qui se situe entre mes ressentis personnels et l’analyse, est remporté haut la main par Djiin !
Je me suis donc attelé à comprendre la production, dans un kaléidoscope pareil. En vérité, on est resté sur quelque chose d’assez simple et classique puisque l’attrait principal du stoner, soit la basse très mise en avant, est retrouvé rapidement. La batterie est sonorisée avec entrain et vigueur, ce qui donne ce côté très viril fort détonant sur le reste mais loin d’être dénué de sens. Les guitares évidemment sont dotées d’un son épais et un peu sludgien sur les bords, que je retrouve d’ailleurs sur pas mal de productions dans ce style. La grande particularité étant bien sûr cette harpe électrique qui est absolument fabuleuse, avec un son aérien, prenant aux tripes et qui se fond parfaitement avec la base instrumentale rock metal de l’album. Je trouve un seul petit bémol à redire sur la production, et ce point faible se situe sur les chœurs. Je les trouve assez mal sonorisés, parfois trop mis en avant, parfois non. Cela produit une sorte d’inégalité profonde avec le chant principal et a tendance en de courts instants à le dénaturer de trop. Je pense que mettre trois choristes pour trois instrumentalistes, c’est trop. Un seul aurait suffi. Mais sinon, vous l’aurez compris, cet album « Meandering Soul » est extrêmement bien produit. Un vrai nec plus ultra à montrer dans certaines écoles selon moi.
Après quelques écoutes toutes aussi agréables les unes que les autres et permettant de mettre à jour des secrets enfouis dans la composition foisonnante de nos amis de Rennes, si vraiment il fallait retenir de ce deuxième album de Djiin une originalité dans la conception, c’est cette volonté, je pense, de mélanger les influences stoner avec ces références aux déserts, à la sécheresse mais aussi à tout le folklore américain qui va avec et qui fait l’identité profonde de ce genre musical superbe, avec cette excroissance orientale qui elle aussi fait parfois référence aux déserts. Et j’ai trouvé cela, si tant est qu’il s’agisse bien de la volonté du groupe, particulièrement beau. Poétique même. Et comme toute part de poème qui émane d’un album, il y a le style qui dissimule jusqu’à parfois l’insondable le sens caché. Djiin a réussi cette prouesse de mettre en poème une musique, en incorporant des mélodies changeantes mais se répondant comme un procédé versaïque, avec de réels atouts orientaux dans la rythmique batterie et dans les envolées psychédéliques. Enfin voilà, « Meandering Soul » est un album fantastique dans le genre stoner, une sortie qu’il ne m’aurait pas fallu louper sinon je m’en serais voulu sincèrement.
Le point d’orgue a été atteint via le chant féminin. Je préfère passer volontairement sur les chœurs qui n’apportent pas grand-chose selon moi et dont j’ai émis l’hypothèse d’un trop-plein plus haut. Mais alors, le chant féminin… Quelle claque, bordel! J’adore les voix graves, que ce soit dans le registre masculin que féminin, et le groupe Splendidula m’avait offert (dans le registre stoner d’ailleurs!) un énorme uppercut avec cette voix grave mais tellement belle. Dans le cas de Djiin, la bien nommée Chloé Panhaleux a réussi à mettre ex-aequo Splendidula avec cette tessiture tellement basse et profonde pour un chant clair féminin que j’en suis resté baba. De même que la technique vocale permet à cette dernière d’avoir une voix très enraillée, limite rauque, ce que je trouve incroyable et alors vous avez aussi les parties ritualistes qui sont mis en exergue avec une telle facilité par cette voix profonde que c’en est déconcertant! En plus donc d’être techniquement magnifique, ce chant est aussi bien opportun avec le reste et renvoie une espèce de virilité qui me laisse sincèrement pantois d’admiration. Je dois dire que je me suis pris une leçon totale, et rien que pour le chant je reviendrai sur « Meandering Soul« . Quelle bombe! Franchement, bravo!
J’aime conclure mes chroniques en me disant qu’oui, j’ai fait une méga découverte ce soir! Djiin porte encore timidement mais fièrement le drapeau tricolore avec ce deuxième album qui se nomme « Meandering Soul« . Affublé d’une musique riche et variée, cet album est surtout une ode à la démarche psychédélique et des influences orientales qui donnent un résultat incroyablement beau et prometteur. Il fallait parvenir à cette quintessence enchanteresse avec un stoner rock viril et cette déviation psychédélique et ritualiste qui transcendent et conduit le cœur de l’auditeur vers des voyages enivrants dans les déserts d’Orient. Mais pas que! Définitivement un album qui brille de complexité, d’élaboration et d’intelligence. Une sortie à ne surtout pas manquer!
Tracklist :
01- Black Circus
02- The Void
03- Red Desert
04- The Warmth of Death
05- White Valley
06- WaxDoll
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