Line-up sur cet Album
Déhà – Tout Guests : Brouillard – Chant et Paroles pour le titre « Extinction » / CvB – Chant et Paroles pour le titre « Une Cellule Vide »
Style:
Black MetalDate de sortie:
04 Septembre 2022Label:
Musical ExcrementsNote de la Soilchroniqueuse (Migou) : 9.5/10
« Le soir approche, avec ses ombres,
Dont les plaines et les taillis s’encombrent,
Et c’est toujours la pluie
La longue pluie
Fine et dense, comme la suie. » E.Verhaeren
Il pleut, à vous pourfendre l’âme.
Le ciel crache sa peine,
Crache sa haine et son désarroi.
Il drache.
Et ça cache la grisaille,
Par un rideau noir de pluie aux longs tentacules.
Il drache…
Mais la drache nationale, Mémé, ça la connaît !
Elle vient de ce pays qu’on surnomme plat
Mais dont les terrils répondent en écho
Au camaïeu de gris des nuages.
C’est son ADN.
Et c’est toujours la pluie
La longue pluie
Vous allez me dire que « ça y est, Mémé est encore partie dans un délire poético-musical ! »
Pas tout à fait, puisqu’il est question ici de Drache, avec un grand D (comme Démentiel, Démoniaque, Délirant), ce 29ème projet dans lequel on retrouve Déhà, homme prolifique, s’il en est, mais surtout de talent. Il n’y a qu’à ouvrir sa biographie pour dérouler devant soi un abécédaire quasi complet de groupes dans lesquels on le retrouve, soit en tant que membre actif soit en tant qu’initiateur (Mémé ne va pas tous les citer, alors, elle n’en citera aucun!)
Drache est d’ailleurs de ces one-man bands, malgré que nous retrouvions sur « De Mauvais Augure » deux guests ayant posé leur voix et leurs écrits : Marie, aka Brouillard, avec qui Déhà en tant que Drache avait déjà proposé un split dernièrement (« Brouillard et Drache ») et CVB.
Après ces quelques considérations préliminaires, passons aux émotions et aux images que les quelques 53 minutes réparties sur les 4 titres de l’album « De Mauvais Augure » procurent à Mémé.
Et c’est toujours la pluie
La longue pluie…
En écoutant une playlist lambda de Black Metal, avec des morceaux atmosphériques, d’autres plus dépressifs, certains définis comme trves, Mémé se posait la question de ce qu’était l’essence même du black metal. Bien entendu, il y a l’histoire du genre, il y a des groupes marquants, des codes à respecter. Mais bien souvent, ces derniers temps, il lui en fallait beaucoup pour tirer son attention vers quelque chose de plus soutenu, pour lui soutirer un « ah ! Tiens…. c’est intéressant, ça ».
Et pourquoi ? Parce que souvent, bien trop souvent, la voix, qui est un condensé d’émotions, un déchirement de l’âme – un cri, quoi – se mêle aux trémolo pickings sur fond de blast beats ou de tapis de double dans un mix où tout est sur le même pied. Et ce que Mémé entend, de ses oreilles de p’tite vieille, c’est un magma en fusion. Un torrent de lave qui fume, rougeoie, brûle, consume sur son passage mais dont on se tient au loin pour ne pas se cramer le cœur. Vous connaissez ce splendide poème de Baudelaire, « Une Charogne » ? Voilà, c’est une forme noire, suintante, qui enfle et désenfle au gré de la ripaille des vers. Ok… parfois, Mémé a tendance à dire, comme Casimir, que c’est du gloubiboulga de notes et de sons ! Alors…. qu’est-ce qui fait que l’oreille va se tendre ?
Et c’est toujours la pluie
La longue pluie…
Eh bien, passez « De Mauvais Augure » et vous comprendrez !
Déhà a ce génie, celui de nous plonger dans un torrent de black metal comme on se retrouverait sous une drache (une énorme averse) arrivée sans crier gare… et d’un coup d’un seul, une accalmie, un passage qui nous propulse dans un espace-temps de silence tendu. Bah oui ! Tendu, le silence… parce que cette accalmie, ce n’est pas un rayon de soleil. C’est presque plus sombre encore, de par la charge émotionnelle que cette seule phrase nous balance : « Laissez-Moi Seul ». Prononcée doucement d’abord, puis de plus en plus prégnante. On pourrait presque imaginer une scène baignée d’ombre, juste un micro au milieu, et un homme se tenant devant, à peine éclairé par un spot blafard. C’est un Brel des temps modernes qui nous serine ce « Laissez-Moi Seul », la main tendue vers nous, le visage baigné de larmes et de rage. Et il faut bien l’admettre, cette pause dans le chant, dans l’instrumentation, est encore plus scotchante du fait de son « apparente » simplicité. Tout ça pour mieux nous replonger sous un rideau de notes et de chant pur black metal, comme une drache qui nous mouille en deux secondes.
Bordel, quel morceau ! Et ce n’est pas tout, car Déhà ne fait pas que reprendre le début du titre. Petit à petit ressort une mélopée qui va nous envelopper. Ça aussi, ça fait partie de ces petites choses qui font qu’on va retenir tel ou tel morceau, la mélodie qui nous enivre jusqu’à la lie.
Et c’est toujours la pluie
La longue pluie…
« Laissez-moi seul »… Mémé en a les larmes aux yeux. Dans sa caboche, des images, des sensations. Pour ce titre, elle imagine une personne seule au milieu d’une colline, d’un champ, d’une forêt, peu importe, mais seule après l’annonce d’une mauvaise nouvelle. La colère. Le déni. La colère et ce cri qu’on aurait tous, un poing levé au milieu d’une pluie de cendres : « Laissez-Moi Seul » !
Vient ensuite « Extinction »… Après la colère, la sidération. On se noie, on cherche le calme dans les abysses ouatés où seuls nos propres bruits, nos bruits internes, nos pensées bruissantes nous accompagnent. Non loin, des réminiscences de sonar. Quelqu’un pour nous sauver ? On nage en plein Brouillard. C’est délicat, intelligent, raffiné, tout comme « Une Cellule Vide »… Voilà ce qu’on est, désormais. Une cellule vide de sens. La résilience, oui, mais à quel prix ?
Pour autant, comme Mémé aime à le dire, du chaos naît la beauté. C’est par le sombre qu’on aperçoit la lumière, par le vide qu’on peut enfin recréer. C’est l’espace de tous les possibles, où ne subsistent que « Souvenirs et Hivers »… Notre cœur, resté froid, se réchauffera des madeleines de nos mémoires empreintes d’émotions.
Et le corbeau qui orne la pochette est bien là pour nous rappeler qu’il est messager entre les mondes. Un corbeau sous la pluie…
Et c’est toujours la pluie
La longue pluie…
Loin d’être une cellule vide, Drache nous donne à voir une certaine idée de la mort, et c’est jubilatoire car on prend alors conscience de combien nous sommes vivants.
Drache, c’est un rayon d’espoir après une longue plongée en apnée dans le royaume du désespoir.
Un chef-d’œuvre à consommer sans modération.
A prescrire d’urgence !
Tracklist :
1. Laissez-Moi Seul (7:34)
2. Extinction (18:17)
3. Une Cellule Vide (10:49)
4. Souvenirs et Hivers (14:23)
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