Line-up sur cet Album
Tom O'Dell : tous les instruments, chant
Style:
Black Metal AtmosphériqueDate de sortie:
02 février 2024Label:
Northern Silence ProductionsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 8/10
« Bientôt maître elfe, vous allez pouvoir apprécier l’hospitalier légendaire des nains ; un bon feu, une bière brassée, une belle pièce de viande. Car ceci mon ami est la demeure de mon cousin Balin. Et ils appellent ça une mine. Une mine! » Gimli, le Seigneur des Anneaux
Vous le savez sûrement, si vous connaissez bien le monde metal, que l’impact de l’œuvre colossale de J. R. R. Tolkien est monstrueuse sur la scène. Encore aujourd’hui, et depuis ce que je connais du commencement de l’existence du metal extrême, les ouvrages bien connus comme Le Seigneur des Anneaux et Le Hobbit offrent une véritable opportunité de création. Je suis moi-même un fervent admirateur, et le mot est faible, de l’imagination de ce type, monumentale et intemporelle, qui a crée non pas une fiction, mais un vrai ouvrage philologique avec tout un folklore largement plébiscité encore de nos jours. Ayant lu les livres et vu les films, je ne me lancerai pas sur une critique cinématographique, mais je trouve que les films ont été une belle réussite, mention particulière pour la trilogie du Seigneur des Anneaux, plus que le Hobbit qui a été beaucoup trop mis au gout « Disney » selon moi, avec quelques incohérences. D’ailleurs, petite parenthèse : Peter Jackson, qui a fait les deux trilogies en réalisation au cinéma, s’est excusé pour celle concernant Le Hobbit, tant l’ouvrage a été massacré. Mais alors, pourquoi Tolkien a autant inspiré les musiciens de metal extrême ? C’est là, je pense, une bien belle question puisqu’à ce jour, hormis la dimension fantaisiste de l’oeuvre, rien ne permettait de faire coïncider ces deux mondes qui paraissent un peu à l’opposé. Là où le metal emprunte une voie d’extrémisme et de violence, Tolkien parlait de ses livres comme, je cite, « un conte de fées […] pour des adultes. » Avouez qu’on est loin de tout le marasme ambiant qui émane du metal ! Je me suis souvent demandé ce qui pouvait relier nos deux univers, sachant qu’en plus de cela, la majorité des groupes qui traitent de Tolkien sont issus du black metal des années 90. C’est assez étonnant de se dire que l’on parle d’un univers fantaisiste et féérique avec une musique incisive, violente et froide. J’ai donc toujours été dans l’expectative quand je me suis retrouvé avec des albums qui causaient Tolkien. Ce qui ne m’empêche pas d’adorer la plupart des dits groupes. Mais avec toujours une forme de retenue, le bon fanatique idiot de Tolkien que je suis, ayant toujours cette hypervigilance pathologique quant à la profanation iconoclaste de l’ouvrage de l’écrivain britannique. Alors, quand l’occasion de chroniquer Dwarrowdelf et son dernier album appellé The Fallen Leaves s’est présentée, alors que j’avais déjà écouté une partie de l’album grâce à mon ami compositeur de Belore, j’avais cette retenue, mais qui m’aura permis peut-être de demeurer objectif face à ce projet prometteur sur le papier. Vous croyez que j’ai réussi ? A vous de voir, ami(e)s lecteurs / lectrices.
S’agissant de présenter Dwarrowdelf, nous allons découvrir ensemble qu’il s’agit du projet solo d’un dénommé Tom O’Dell, multi-instrumentiste anglais originaire de Southampton, qui officie également dans deux autres projets tous aussi différents musicalement mais qui traitent néanmoins aussi de Tolkien, avec respectivement pour Battle Born un registre power metal (ce qui est loin d’être déconnant), et pour Gimli, Son of Glóin… du grindcore ! Un peu plus surprenant, d’autant que je vous invite à aller lire le nom des EPs, c’est hilarant. Enfin ! On voit bien que même s’il n’est pas l’instigateur de tous ses projets, on retrouve ce fameux dénominateur commun qu’est Tolkien. Il semblerait toutefois que Dwarrowdelf accapare la majorité du temps de composition de notre camarade, avec un total de cinq albums, quatre singles et un EP, le tout depuis 2017. Un temps d’existence très court mais surtout très prolifique, ce qui démontre deux choses possibles : soit une imagination débordante et immensément de talent, soit l’inverse. Mais au vu des échantillons que j’ai écoutés en provenance de ce dernier album nommé The Fallen Leaves, on penchera plus sur la première hypothèse. Vous voilà donc avec un bel avant-goût !
Pour vous parler de la pochette, il m’aura été impossible d’identifier qui était le chevalier qui combat le dragon. J’imagine sans difficulté que ce personnage épique se situe dans le livre de Tolkien, mais là, comme cela, brut de pomme, cela ne me dit rien du tout. Je n’ai pas voulu relire les livres exprès pour la chronique, excusez-moi. C’est toujours fâcheux parce que ne pas savoir exactement me coupe la chique, et je réfléchis trop longtemps sur ce sujet qui finalement, n’est pas censé être un sujet prioritaire en chronique musicale. Mais bon… Je trouve très curieux d’avoir un cheval avec des cornes. Là, je n’ai vraiment pas compris ce dont il s’agissait. En fait, c’est tout le problème de cette pochette qu’à titre personnel, sur un plan stylistique, je n’aime pas. C’est que l’on ne comprend pas ce que c’est, et donc comment trouver un lien de corrélation avec son univers musical revendiqué ? Je le soupçonne même d’avoir inventé quelque chose d’épique, via le créateur de l’artwork qui n’est pourtant pas un inconnu, puisqu’il s’agit de Caelan Stokkermans qui a fait des artworks pour Fallujah par exemple. Voilà pour le fond. Pour la forme, c’est guère mieux. Je n’aime pas ce style de peinture assez grossière, surtout pour l’arrière-plan d’ailleurs, et je trouve que le chevalier est trop exagéré dans ses traits et ses couleurs. Il y a un truc qui ne me sied pas dans ce contraste d’un chevalier avec quelques détails et un fond de peinture très mal fait, je n’adhère pas du tout à cet artwork et je le considère comme une maladresse autant dans le style que dans le choix de Dwarrowdelf. Heureusement que je connaissais déjà un peu la musique, sinon, si j’étais chez un disquaire, je suis certain de passer à côté et même de faire un commentaire très péjoratif. Ni fait, ni à faire !
Je disais avant qu’heureusement que je connaissais la musique, sinon la chronique aurait pu potentiellement s’arrêter ici. Je pourrais rajouter que « heureusement que j’aime beaucoup la musique », parce que c’est le cas. Il m’a été donné de découvrir Dwarrowdelf grâce à un groupe que j’adore, qui va apparemment sortir une sorte de split avec le groupe présentement chroniqué : Belore. C’est comme cela, lors d’un partage de story sur Facebook, que j’ai jeté mon oreille sur les premières notes d’un album de Dwarrowdelf. Et bien, force m’est de constater que musicalement, c’est du très très bon. Dans un registre black metal atmosphérique, il en va surtout de l’aspect épique très marqué, que l’on retrouve sur les riffs très puissants, associés à un son effectivement planant et quelques interludes en clean qui plantent résolument un décor d’aventure et d’onirisme. A ne pas confondre avec un Midnight Odyssey qui va plus sur une sorte de mélange avec du dungeon synth, là où Dwarrowdelf va plutôt faire comme Belore, en mettant des nappes de claviers très travaillées pour se faire enrober par une musique metal très rythmique. Le black metal atmosphérique prend donc une dimension différente de ce que ferait par exemple Pénitence Onirique qui n’a pas besoin d’avoir recours à des claviers ultra présents pour aller vers des atmosphères, car ils le font avec leurs seuls instruments metal. The Fallen Leaves mise ainsi beaucoup sur les claviers, c’est un fait. J’ai beaucoup aimé ce que ces derniers apportent en tout cas. Après, sur la musique en elle-même, dans sa fameuse recherche conceptuelle, il n’y a pas tellement d’éléments potentiels qui permettent une démarcation vers l’univers Tolkien. Mais comme la musique sent bon Summoning, on s’y retrouve finalement assez bien. Mais c’est un peu le souci de tous ces groupes qui s’inspirent, voire plus, de Summoning. Il faut être un réel amateur de ce black metal atmosphérique et épique pour, selon moi, apprécier la musique de The Fallen Leaves. Dwarrowdelf se situe donc sur cette mouvance actuelle de groupes qui proposent une musique très fortement inspirée par Summoning, allant donc sur une musique aventureuse et grandiloquente parfois, sans lésiner sur les claviers pour donner au black metal une sorte de rôle secondaire rythmique, l’incision et la froideur étant mises en fond de plan. Il convient donc de préciser qu’il faut bel et bien être amateur de cela, voire plus encore. Etant donné que c’est mon cas, je valide la première écoute avec brio !
Pour ce qui est de la production, j’ai noté une constante chez tous ces projets très nostalgiques, sinon inspirés fortement dirons-nous, qui consiste à faire du Summoning dans le texte, avec une tentative parfois désespérée pour faire mariner cela dans une concoction moderne. Là où par exemple Midnight Odyssey reproduit très bien le caractère épico-dramatique du groupe autrichien, d’autres vont sur un sentier moderne avec plus ou moins de réussite. Dans le cas présent, Dwarrowdelf s’en sort franchement bien ! Avec les moyens à sa disposition puisque notre ami britannique officie tout seul, on peut affirmer qu’il n’a pas à rougir de son travail. J’aime vraiment bien ce balancement entre l’utilisation des claviers qui ne tombe pas dans l’abus, et les parties metal qui ont une place encore bien prépondérante dans le mixage. Là où certains feraient des claviers une utilisation totalement abusive (petit reproche que je faisais au début à Midnight Odyssey par exemple), au moins le sieur Tom O’Dell donne une place intéressante et équilibrée au metal. On pourrait contester l’appelation « black metal » tant l’incision et la froideur qui caractérise le style n’est pas si représentatif que cela, puisque je le répète, l’idée est de faire dans une musique épique et dramatique au possible sur fond de référence tolkienienne. Beaucoup l’ont fait hein ! Les groupes de black metal ayant revendiqué une appartenance à l’univers dûment cité, sans tomber dans l’emphase orchestrale, en se contentant des instrumentations classiques, on en connait pas mal, et certaines formations tristement même. En tout cas, j’apprécie particulièrement ce que fait Dwarrowdelf ici, pour l’album The Fallen Leaves, puisqu’il octroie une place importante aux parties metal, comme le ferait Belore par exemple. Et pour moi, c’est non seulement indispensable, mais en plus cela témoigne d’une intelligence de composition totale, mature et sincère. Pour moi, ne pas noyer la musique metal dans une fange de claviers, c’est forcément que l’on a confiance en ses parties metal, et je trouve cela essentiel pour porter un projet de cet envergure. Excellent, tout simplement.
Maintenant, j’aimerais bien que les gens comprennent une subtilité qu’on ne repère pas toujours dans les projets comme celui-ci. Il faut prendre la mesure plenière de la démarche personnelle derrière le sujet très commun finalement. L’univers Tolkien réveille forcément des références enfouies, mais aussi des souvenirs de notre jeunesse et encore d’actualité avec les sorties cinématographiques récentes. Je ne parle pas des bouses que constituent les dernières séries autour du Seigneur des Anneaux ! Je parle de la résonnance profonde que cet écrivain a sur certaines personnes. Et un album comme The Fallen Leaves prend une dimension incroyable quand on comprend cela. On peut contester que l’on trouve la musique objectivement bien faite ou non, il en résulte que quand on s’imprègne de la dimension nostalgique et personnelle, on trouvera forcément du bon. C’est la magie d’aborder des thématiques avec une forte dose d’introspection comme peut le faire selon moi Dwarrowdelf. Une musique comme celle-ci se vit, quoiqu’il arrive. Et c’est en cela que j’ai beaucoup aimé The Fallen Leaves. Ce n’est pas encore un groupe référence pour moi, puisque les prédécesseurs le sont encore bien au-dessus. Mais disons qu’en la matière, c’est un album qui me prend bien aux tripes par moment. Il manque un petit supplément d’âme pour qu’il devienne plus important pour moi.
Et pour terminer l’analyse de The Fallen Leaves, nous allons, une fois n’est pas coutume, parler du chant. Je n’ai pas été surpris d’avoir l’association chant clair et chant saturé à la mode high scream arrivée, connaissant bien le style idoine depuis longtemps. La souci étant de savoir si elle est bien utilisée, cette association. Et c’est là mon léger point de déception à l’affaire. Je trouve qu’il y a un léger abus de la même technique vocale en high scream. Il y a finalement très peu de variations, j’aurais préféré que la rythmique des textes, plutôt intéressante aussi, soit mieux illustré avec des variations de tessiture, plus d’envolées lyriques si j’ose dire ou même de changement dans la technique globale vers un chant de gorge. Cela tourne en rond pour vous la faire courte. Et c’est d’autant plus dommage que le peu de chant clair qui est employé ici résonne merveilleusement bien avec les parties instrumentales derrière. A voir pour la suite, mais je suis un peu déçu du chant.
En conclusion de cette chronique, voici le groupe britannique Dwarrowdelf et son album The Fallen Leaves. Cinquième album, sorti chez le label très sérieux Northern Silence Productions, on a deux facteurs favorisants qui entrent en ligne de mire. D’abord le style de musique proposé, black metal atmosphérique et épique, comme la majorité du roster de ce label allemand d’où émergent les groupes Horn, Belore, Can Baard et j’en passe, roster plus que sérieux donc ! Ensuite, dans la sélection, étant donné les prédécesseurs, je pense qu’il n’est pas à démontrer la qualité du projet solo de Tom O’Dell. Seulement, la principale difficulté de se lancer dans un tel projet réside dans le choix de son univers conceptuel, celui de l’écrivain Tolkien. Alors, outre la recherche dans l’élaboration de l’album pour les sujets de chaque piste, c’est surtout le piège de tomber dans le sempiternel « déjà fait » qui planait au-dessus de sa tête. Eh bien, force m’est de constater que loin de tomber dans ce piège, Dwarrowdelf tire son épingle du jeu avec une certaine intelligence et maturité qui me font très plaisir. Loin d’être d’un projet phare, c’est au moins un projet qui se démarque bien, qui se veut intéressant et immersif, avec quelques petites errances sans réelle dangerosité pour la suite. Bref, un projet à découvrir !
Tracklist :
1. Within the Ashes, the Ember Still Burns 02:47
2. A Journey to Dawn 06:51
3. To Dust, We All Return 05:43
4. This Shattered World 07:21
5. Escape from the Dreamspire 06:36
6. Deliverance 05:59
7. The Fallen Leaves 07:42
Facebook
Bandcamp
Deezer
Instagram
Spotify
Tidal
YouTube
Amazon Music
Apple Music
Laissez un commentaire