Line-up sur cet Album
Frostmortum Trollber – Batterie / Ngen-Winkul – Guitares, chant
Style:
Black MetalDate de sortie:
13 octobre 2022Label:
Remparts Productions / Acid ViciousNote du SoilChroniqueur (Seblack) : 10/10
Avec le label Remparts Productions et son complice Acid Vicious, la musique est souvent bien plus que de la musique. Une remarque que vient corroborer cette nouvelle sortie qui nous emmène dans les lointaines contrées d’Amérique du Sud, au Chili, aux pieds de la Cordillère des Andes.
Eltun est en effet un groupe chilien mais plus encore il se rattache aux Mapuches, peuple Amérindien vivant au Sud du Chili et de l’Argentine. Le nom même du duo évoque cette appartenance puisque dans la langue Mapuzungun, parlée par les Mapuches, ce mot signifie cimetière, le lieu où reposent les ancêtres et que le groupe entend honorer par ce premier opus intitulé A la Sombra del Pillan. Un titre qui fait référence au volcan Villarrica, haut lieu de la spiritualité du peuple Mapuche qui l’appelle Ruka Pillan.
Sans (trop) s’étaler, il me semble intéressant de dire un mot sur ce peuple, histoire de situer un peu les choses, et de comprendre pourquoi Eltun en fait une composante centrale de son Black Metal.
Pour commencer, dans la langue Mapuzungun, Mapuche signifie “peuple de la terre”, un peuple plutôt de l’intérieur donc et très attaché aux terres qui sont les siennes depuis des siècles ainsi qu’à la nature. Ce premier élément devrait rappeler déjà un certain nombre de choses déjà croisées chez d’autres groupes cultivant cet enracinement dans un lieu et sa nature.
L’histoire a aussi retenu que ce peuple Mapuche fut un des rares en Amérique du Sud à être capable de résister d’une part à l’expansion de l’empire Inca (à la fin du XVe siècle) et d’autre part aux conquistadores espagnols (au XVIe siècle). Ces derniers ont même fini par mettre un genou à terre en accordant aux farouches Mapuches des garanties quant au respect de leurs terres par un traité (fait rarissime voire unique dans l’histoire de la colonisation de l’Amérique du Sud).
Toutefois à la fin du XIXe siècle les Mapuches ont aussi subi une véritable guerre d’extermination et de dépossession de leurs terres par la jeune et prédatrice République Chilienne. Dès lors ce peuple n’a cessé de revendiquer voire de combattre pour la restitution de ses terres et la reconnaissance de sa culture. Une question qui est encore d’actualité, le gouvernement de Santiago oscillant entre promesses ou déclarations non suivies de faits.
A l’aune de ce passé et de ce présent combatif, Eltun s’inscrit donc dans le sillage de nombreux groupes de Black Metal se faisant les conteurs de l’histoire glorieuse ou malheureuse d’un peuple n’entendant pas plier et se conformer à une norme imposée par les puissants.
Par ailleurs, on pourrait aussi situer Eltun dans une mouvance Black Amérindienne qui commence à prendre une certaine ampleur. Citons aux Etats Unis : BlackBraid, projet de Black prenant racine dans le massif de l’Adirondacks mais aussi à Ma píya Lúta qui, lui, s’exprime en langue Iakota. En plus radical encore, existent aussi le Black Twilight Circle et le Label Crespulo Negro qui se rattachent aux peuples natifs de l’Amérique Centrale.
Pour honorer leur histoire, leurs ancêtres et maudire ceux qui les ont volé et continuent à leur refuser ce qui leur revient de droit, Eltun a fait le choix d’un Black Metal aux accents Pagan. Les sonorités un peu traditionnelles ou ambient ne sont pas totalement absentes mais ne sont pas dominantes. Tout au plus, peut-on relever la piste acoustique “En el Campo”, l’introduction de “Bajan con Antorchas” et le dernier titre ambient “A las Profundidades con las Animas”.
Mais pour l’essentiel les morceaux évoluent dans un Black Pagan hargneux et mélodique dans la droite lignée des groupes Scandinaves ou d’Europe de l’Est. On y retrouve à la fois des accents guerriers et épiques évoquant les champs de batailles mais aussi de nombreux éléments de la culture Mapuche. Citons l’évocation du ñiachi, ce plat à base de sang et dont la consommation est une marque d’appartenance à la communauté. On retrouve aussi à plusieurs reprises ce volcan, Ruka Pillan, considéré comme la maison d’un esprit très puissant chez ce peuple. On peut noter également la référence aux esprits de la nature (les ngen) dans la chanson “Bajan con Antorchas”, référence que l’on retrouve aussi dans le logo du groupe. Plus encore on doit mentionner l’avant dernier titre “Funeral Ancestral” qui nous conte le déroulement des rites funéraires d’un guerrier Mapuche.
Musicalement, A la Sombra del Pillan, s’avère être un album tout à fait prenant par ses sonorités et son esprit puisant à l’essence même du Black Metal Pagan. Certes le son est un peu rustique et inégal selon les morceaux mais rien de rédhibitoire. Bien au contraire, cela donne un certain cachet à la musique d’Eltun qui ne sonne pas de manière stéréotypée ou surproduite. En plus de cela, cet album est une porte ouverte pour découvrir un peuple qui nous est peu connu et dont l’histoire et les traditions séculaires sont riches et intéressantes. Un album qui devrait aussi nous sensibiliser sur les injustices dont ce peuple est encore victime aujourd’hui.
Au moment de clore la chronique de cet album, j’ai le sentiment d’avoir découvert une musique sincère, jouée avec conviction et plus encore d’avoir appris, par diverses petites recherches, beaucoup de choses que j’ignorais sur un peuple, son histoire et sa culture. Et rien que pour cela, Eltun, Remparts Productions et Acid Vicious méritent haut la main la note maximale.
Tracklist :
1/ Vientos de Desolacion (05:31)
2/ El Viaje del Guerrero (03:41)
3/ En el Campo entre Hualles (Acustic) (01:34)
4/ A la Sombra del Pilan (03:52)
5/ Bajan con Antorchas (re-recorded, 1553) (08:18).
6. Negro Metal del Averno (re-recorded, Onscuris Bosques Paganos) (03:18).
7. Funeral Ancestral (04:32)
8. A Las Profundidades con las Animas (Ambient) (00:58)
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