Line-up sur cet Album
- Vaidotas Darulis : guitare, chant, production, visuel
- Valdas Voveraitis : batterie
- Karolis Urbanavičius : basse, piano
Style:
Sludge Metal / MetalcoreDate de sortie:
23 juillet 2021Label:
Season of MistNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 7/10
« Si tu laisses le diable dans l’église, il grimpera sur l’autel. » Proverbe lituanien
Ce soir, mes chers compatriotes, je fais un coming-out. Bon. Certains le savaient déjà, du fait que je porte fièrement cette étiquette avec autant de ferveur que Napoléon traversant le pont d’Arcole avec le drapeau tricolore en main. Frôlant souvent le nationalisme satirique, j’ai organisé durant mes études infirmières des élections pour élire notre digne représentant. Avec mes clubs de rugby successifs, dès lors que l’hymne retentissait, nous mettions avec fanatisme nos poings sur le cœur et nous entonnions le chant patriote. Je suis un homme d’un pays, celui des fleuves et des hauts-plateaux. Celui du tourisme hollandais et des canoë, celui également des châtaignes et du saucisson, du picodon et de la convivialité. Le patois, s’il existait encore, serait ma langue principale! Car oui, mes chers compatriotes, aujourd’hui je suis prêt à vous révéler qui je suis réellement… Roulement de tambours… TOP! Je suis ARDÉCHOIS!
Comment? Quel rapport avec la chronique présente? A vrai dire, aucun. Le groupe n’est ni ardéchois, ni amateur de châtaigne. Plutôt des marrons je dirais. Puisque le groupe dûment chroniqué est Erdve et sa musique d’une consanguinité rare et… Non. Je ne vous en dis pas plus! Retenez avant de commencer la lecture que l’album se nomme Savigaila.
Difficile de savoir qui est exactement le groupe Erdve puisque Metal Archives, dès qu’il y a un tout petit peu de -core, ne répertorie pas les groupes. Donc les éléments apportés en biographie sont du fait du label Season of Mist, ce qui est déjà gage de sûreté. Erdve est un groupe qui vient de Vilnius, capitale de la Lituanie, et qui a jeté ses premières belles bases il y a peu, soit en 2016. Étonnant parcours que ce trio de musiciens qui ne s’est cantonné avant Erdve qu’à la scène locale de son pays, assez méconnue soit-dit en passant, mais les noms des groupes Nyksta, Sraiges, Efektas et Spirale sont cités. Pour ma part, je ne connaissais que le groupe Ukanose de ce pays baltes qui pourtant m’attire tout autant que ses voisins l’Estonie et la Lettonie. On nous apprend toutefois que le groupe Erdve a sorti Vaitojimas en 2018, premier album déjà produit par Season of Mist en plus! Savigaila est ainsi, à ce jour, le deuxième album du groupe lituanien. Ce que je retiens bille en tête de cette biographie, c’est la précocité avec laquelle le groupe a trouvé chaussure à son pied, et quelle chaussure me direz-vous! Produit d’emblée par un label aussi dingue que Season of Mist, faut le faire quand-même. Je pressens donc un réel talent avant même d’embarquer dans l’écoute de Savigaila. Vous êtes prêts? Go!
La pochette est l’œuvre de l’un des musiciens, qui se nomme Vaidotas Darulis et qui est en quelque sorte le maître à penser d’Erdve. Il gère à peu près tout y compris donc l’artwork et l’univers conceptuel de l’album. Pochette que je trouve remarquable d’un point de vue visuel mais assez réchauffée en termes de sens. Savigaila voulant dire quelque chose comme « autodestruction », on remarque bien que ce personnage peint en noir avec des reflets rouge est surtout détruit, justement. Ou déstructuré. Il y a donc de l’idée dans le sens où représenter une autodestruction peut se faire au sens propre du terme, mais je pense que l’on pourrait faire largement plus inspiré et moins coquille vide. En fin de compte, je redoutais un peu la pochette. Habitué aux faux semblants des labels très gros, les pochettes sont souvent assez simples d’abord dans la technique de création, ensuite dans la recherche métaphorique. Bon, pour faire simple, je n’aime pas spécialement l’artwork, il ne me fait pas un grand effet et je déplore encore une fois l’absence formelle de prise de risque de certains groupes comme Erdve. D’autant que l’élaboration de cette dernière est directement induite par un membre du groupe, pour une fois! Et non pas une tierce personne étrangère à l’univers artistique. Je ne crois pas avoir envie de m’épancher davantage dessus… Trop déçu.
Mais la musique est beaucoup plus surprenante et dans le bon sens du terme. Frappé comme un uppercut par l’extrême violence des premiers morceaux, qui pour la plupart démarrent sur les chapeaux de roue, je dois admettre que j’étais loin de m’imaginer l’ouragan force 99 que j’allais me prendre de plein fouet! Sur sa globalité, le groupe lituanien explore deux types de musique distincts : le sludge metal et le metalcore. Le sludge intervient principalement sur le son caractéristique, que je détaillerai un peu plus bas, et le metalcore est la base structurelle de l’album avec des riffs en changements de rythmiques, alternant sur des moments d’une grande brutalité mid tempo aux guitares et de moments plus déstructurés en breakdown, et étrangement la batterie reste peu violente, marquant plus le rythme comme le ferait un groupe de sludge metal. Le chant n’est clairement pas ma tasse de thé, comme tout chant estampillé -core, mais je reconnais toutefois que l’ensemble est homogène et fonctionne très bien. Du reste, j’aime beaucoup cette bestialité et ce côté cru qui émane de toutes les notes, comme si la musique était une cause de violence philosophique. Il n’en demeure pas moins que le reproche principal que je me suis découvert durant cette première écoute, est d’être par moment las de cette brutalité excessive. J’aurais aimé que le groupe explore un peu plus de techniques, ne reste pas campé sur une démarche d’ultraviolence et s’essaye à davantage de variations. Cela m’endort forcément un peu quand un groupe reste sur quelque chose qui, certes, fonctionne bien, mais lasse rapidement quand on aime les explorations progressives. Je le martèle : trop de violence tue la violence. Et c’est le premier constat qui me vient après l’écoute primaire, et va probablement orienter ma notation vers un « moyen-bon ».
La production est étrange dans le sens où c’est la première fois que je découvre un tel mélange. Pourtant les deux styles sont étroitement liés et il en revient à une forme d’inceste. Or, l’inceste amène les défauts de la consanguinité. Ce qui me semble être une forme de tare réside dans l’occupation du champ sonore qui frôle le trop-plein et le grésillement. C’est, je l’imagine, assez délibéré de la part du même Vaidotas Darulis puisque la violence de la musique ressort d’une manière vraiment flagrante ainsi. Je n’ai rien contre cela, mais je trouve que le son est un peu trop épais, il y a ce côté sludge metal qui évidemment me plaît beaucoup mais ce son boueux fonctionne mille fois mieux avec un sludge metal classique, voire doomesque. Là, avec des accélérations brutales, on est un peu mal à l’aise. La batterie déjà peu mise en avant, manque de se faire engloutir derrière cette production. Je ne suis pas emballé du tout, voilà. Je ne dis pas que l’intention de départ était mauvaise, mais je devine surtout que le gonze manque soit d’expérience, soit de recul. Il aurait pu confier l’écoute finale à une oreille neutre, histoire de gommer les apparentes maladresses de son travail en studio. Mon casque est neuf, donc cela ne vient pas de lui en plus. Non! Clairement, il y a quelque chose qui ne fonctionne pas, dénature de trop la musique. J’en viens à me dire que cette tentative de mélange n’est pas compatible d’un point de vue chromosomique… A voir selon ce que vous en pensez, vous.
Après, je me suis rendu compte que c’était l’affaire d’une adaptation. Les autres écoutes m’ont plus rapidement mis dans l’ambiance et m’ont permis de digérer le pain noir du départ. Je trouve avec un peu plus de recul qu’Erdve est dans une démarche plus estampillée metalcore et l’on sait que ce style, rien que tout seul, est un redoutable concentré de haine et de pessimisme. Alors, évidemment que les lituaniens n’allaient pas faire dans la dentelle et la permaculture… En témoigne les titres des morceaux qui sont simplement des mots, épars selon les sens adoptés. J’ai fini par apprivoiser plus aisément Savigaila, et je me suis laissé impressionner par le talent des mecs. Franchement, ils envoient du pâté de campagne! La technicité des guitares, le côté très carré des compositions, les jonglages rythmiques limite djent par moment font que je me suis retrouvé en extase sur certains passages. Rendons à César ce qui appartient à Jules : les musiciens sont excellents, n’ont rien à envier à personne et c’est probablement ce talent indéniable qui dessert par moment leur cause. Ce que je disais tout à l’heure en somme. Il est donc difficile d’émettre un entre-deux dans les avis construits, c’est soit l’on aime, soit l’on n’aime pas la musique d’Erdve. Cela me renforce donc dans l’idée que la note devra être la plus résumée possible pour finir la chronique.
Un mot pour terminer pour la chronique, avec le chant. Honnêtement, là encore il m’aura fallu un (long) temps d’adaptation. Peu enclin à chroniquer du -core, le chant qui est très spécial dans cette dynamique ne me laisse rarement une bonne impression. Hormis, dans le cas présent, la technicité qui me semble effectivement très bonne, et la déclamation qui a le mérite d’être très audible ce qui est un excellent bon point, disons que le chant en lui-même ne me laisse pas de souvenir impérissable. J’essaye de ne pas amalgamer le tout -core, mais j’ai en général du mal à accrocher avec les vocalises agressives et brutales. Mon objectivité tend à dire que le chant est très bon et digne d’intérêt, alors retenez cela. Et ce sera bien!
Pour finir, Erdve avait la possibilité non négligeable d’étendre ma géographie metal dans un beau pays qu’est la Lituanie. Les espoirs étaient grands mais au final, cette écoute du deuxième album nommé Savigaila résonne avec autant de puissance qu’un coup de glaive dans l’eau. L’album est probablement un bon album, mais je trouve que certaines incohérences sont suffisamment à noter pour que les améliorations futures soient évidentes et incite le trio baltes à progresser. La production d’abord qui manque clairement de… Clairvoyance, et certaines redondances rythmiques font que la violence portée avec assiduité par Erdve devient lassante et désobligeante parfois. Je suis de fait en peine d’y trouver un vrai intérêt, je retiens donc que l’album Savigaila est à gratifier d’une note oscillant entre le moyen et le bon. Portant fièrement un mélange de sludge metal et de metalcore, Erdve porte surtout à bas bruits les tares inhérentes à la consanguinité musicale entre les deux genres. On peut donc affirmer à la Raoult que cet album ne fonctionne pas super bien d’un point de vue chromosomique. Dommage, c’était pourtant prometteur sur le papier.
Tracklist :
1. Lavondėmės (4:48)
2. Smala (4:10)
3. Votis (5:36)
4. Betonas (3:22)
5. Pleura (2:09)
6. Bendrystė (3:29)
7. Sugretinimas (3:22)
8. Pragulos (4:29)
9. Savigaila (5:45)
10. Skilimas (2:02)
11. Takoskyra (3:33)
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