Erzoth – Transcendental Cycle

Le 31 octobre 2020 posté par Metalfreak

Line-up sur cet Album


Erzoth : Tous les instruments, chant

Style:

(Raw) Black Metal

Date de sortie:

02 novembre 2019

Label:

Black Shadow Legions

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 8.5/10

Pleurer décharge notre lac intérieur.” Pierre Filion

C’est l’une des meilleures citations que je connaisse. On pourrait mettre que la musique décharge aussi notre lac intérieur, c’est à dire que la musique sert à faire remonter nos émotions et ainsi calmer le torrent qui bout en nous. J’aime discuter avec des musiciens, quand ils sont accessibles et qu’ils ne se prennent pas pour ce qu’ils ne sont pas (ce qui arrive malheureusement trop, on en a eu dans Soil Chronicles n’est-ce-pas notre Saint-Père Metalfreak?) (NdMetalfreak : Tu veux parler de l’autre adepte de la pensée unique qui reste persuadé que si on n’est pas musicien, on n’a pas le droit de chroniquer des albums ?), parce que ce sont des plongées dans ce qu’il y a parfois de plus intime. Je suis quelqu’un qui attache une grande importance à l’intimité, et tout le paradoxe provient du fait que j’adore écouter les gens me parler d’eux, plus que de parler de moi. J’ai en effet une curiosité personnelle accrue pour les personnalités de chacun, et je trouve qu’étudier un CD peut être un beau vivier de connaissance sur autrui. Attention toutefois aux albums hyper commerciaux, qui mettent en avant l’avis du public plutôt que l’avis du musicien! Je parle de quelques albums, somme toute assez isolés car peu mis en lumière. Il y en a, il y a des labels qui font la part belle à ces initiatives-ci, et il est d’autant plus important de les faire (sur)vivre. J’essaye d’avoir un pied partout, dans tous les genres de metal, de musique aussi, dans les labels différents, mais il me faudrait devenir une scolopendre! Et comme ma femme n’aime pas les rampants d’intérieur, cela va être compliqué… Peut-être faire un « human centipede » mais avec des clones de ma personne… Bref! Je vais loin, mais retenez que certaines chroniques sont motivées par la volonté de mettre en avant, à une échelle évidemment humble, un album qui nous parle. Un album qui respire le personnel et qui représente la meilleure volonté artistique : parler de soi. Et Erzoth mérite que l’on parle de son premier album qui s’appelle Transcendental Cycle.

Erzoth est un groupe éponyme, un projet solo d’un multi-instrumentaliste français qui l’a créé en 2018. Il me semble avoir compris, dans une interview qui l’a faite pour Le Scribe du Rock et qui date de cette année (vous la trouverez sur le Facebook d’Erzoth), que le bien nommé n’a que 18 ans. Jeune artiste qui lance donc avec une certaine précocité son premier album qui se nomme Transcendental Cycle et qui est sorti chez Black Shadow Legion en 2019, il y a presque un an. A noter qu’une démo est sortie la même année Demo 1 de manière indépendante et que l’on ne trouve qu’au format digital.

Je dois dire que la première vraie belle surprise de ce premier album, et cela peut sembler dérisoire par certains d’entre vous j’en conviens, c’est la pochette! On tombe vite sous le coup des clichés dans le metal, il faut bien l’admettre. Et étant habitué à ce que le cercle raw black metal soit extrêmement fermé, avec des codes bien précis et une imagerie bien précise (ce qui en soi n’est pas forcément un mal), dans le cas d’Erzoth j’ai été très agréablement surpris de voir qu’un musicien propose autre chose – Hallélujah! – qu’une pochette avec un musicien seul, en forêt la nuit, avec des corpse paint et habillé de noir, grosso merdo! Je chambre un peu l’auditoire mais c’est voulu, je suis très provocateur et j’assume. Mais il faut reconnaître que ce type de pochette est totalement audacieux et fait fi des fameux codes, et cela me fait mille fois plaisir! D’autant plus plaisir que la démo de la même année jonglait sur ces normes qui vieillissent et n’amusent plus tellement. Alors, vous me direz, qu’est ce qui me fait plaisir à ce point? Eh bien, vous avez notre protagoniste qui tourne le dos à l’auditeur, contemplant un lac sur une prairie bien verdoyante, avec un paysage limite bucolique avec ce ciel bleu dégagé et ces arbres feuillus. Outre l’aspect coloré qui attire forcément le regard, et qui contraste avec la laideur (ce n’est pas péjoratif du tout!) du logo du groupe et la police de caractère bien sombre du nom de l’album, je vois surtout une magnifique métaphore! Celle du musicien seul face à la Nature, seule entité qui régit la puissance et qui se montre comme étant l’omniscience face à la médiocrité de l’Homme. Cet artwork est une fantastique représentation de ce que je pense tout haut! Que seule la Nature mérite d’être érigée au rang de divinité et c’est pour cela que j’adore ces artistes qui mettent en exergue cette dernière, alors si en plus ils se mettent en scène ainsi, alors cela ne peut que me plaire! En plus, je ne sais pas si c’est fait exprès mais j’ai l’impression qu’Erzoth a voulu rendre hommage aux groupes de black metal plus old school, genre Darkthrone, Burzum, etc. Dans les mêmes tons de couleur, vous avez le groupe de black metal occulte Evol et son album Dreamquest, et comme j’adore Evol, cela ne pouvait que m’attirer l’œil. En tout cas, c’est vraiment une pochette qui en dit long, j’adore! Très bon choix monsieur Erzoth! Et de voir que mon ami Franck, du webzine Feedback Music, ait aussi adoré la pochette me fait d’autant plus plaisir!

A noter que Black Shadow a pris d’autres photos pour cet album qui sont splendides, et à découvrir dans la jaquette!

La musique est sans suspense, quand l’on connait bien le label Black Shadow Legion, du black metal. J’ai remarqué toutefois que Black Shadow devait avoir une accointance avec la dark ambient parce que ce n’est pas la première production que j’entends des incorporations directes dans les albums qu’il produit. Je dis cela par rapport au premier morceau qui est coupé en deux avec une moitié dark ambient aux claviers, limite dungeon synth (que j’adore beaucoup puisqu’il s’agit de l’un de mes genres musicaux préférés) et l’autre moitié très black. Pour le reste c’est du bon black metal cru, bien old school comme je les aime. J’ai surtout été impressionné par la richesse dans la composition : du black metal ok, mais surtout du black metal varié, avec quelques touches d’autres genres qui sont visibles comme il faut, sans être redondant ou imposant de trop. Un morceau comme « Vengeful Madness » sonne un peu thrash sur les bords, tandis que « Nature Supremacy » sonne limite un peu heavy. Et a contrario, » Fuck the World » est bien black metal. La première écoute m’est fort sympathique, j’ai vraiment accroché à l’album de bout en bout. La particularité de varier un peu les plaisirs tout en conservant cette fondation black old school, raw carrément, ne m’a pas découragé au contraire! J’aime l’éclectisme, et Erzoth n’en manque pas.

Alors, c’est toujours un peu délicat d’aborder la question du son dans un album raw black metal parce qu’il est naturellement, et de manière ancrée, sale. Néanmoins je me suis aperçu que, comme dans le fromage, il y a du bon dans le sale, ou le moisi en l’occurrence. Alors je vais essayer de décortiquer ce qui va ou ne va pas! Et si l’on reste sur la même logique de ce son particulièrement raw, il est plaisant! J’aime bien, cela fait un peu comme un lavage auditif dans toute cette recherche de perfection qui m’incombe quand je fais des chroniques. Je trouve à ce son une forme d’authenticité certaine, une volonté ne pas de faire dans le perfectionnisme mais dans le naturel, et l’on peut se moquer des supports d’enregistrement, il n’en demeure pas moins qu’ils font le boulot sur l’album Transcendental Cycle. Donc la production me plait beaucoup comme elle est, elle ne plaira surement pas à tout le monde mais d’ailleurs, est-ce l’objectif d’Erzoth? Peut-être un petit bémol sur cette batterie qui sonne comme étant programmée, mais n’en étant pas certain je m’abstiendrai d’aller plus loin.

En fait, après quelques écoutes, je pense avoir compris l’une des raisons, sinon la raison, qui peuvent expliquer pourquoi cet album, selon les confidences du label, a du mal à se vendre. C’est selon moi à cause d’un trop grosse richesse dans la composition. Je m’attendais à avoir un album raw black metal, et finalement ce n’est pas vraiment le cas. Erzoth a confessé dans la même interview que j’ai citée plus haut qu’il était très éclectique dans ses gouts musicaux. Cet éclectisme, qu’à titre personnel j’apprécie et je loue sérieusement, ne passe pas aux yeux de tout le monde et surtout du public black metalleux si collé à ses codes comme des moules à leurs rochers. Il faut savoir que l’album d’Erzoth a une base de black metal mais présente des variations de riffs différents et nombreux. On a du thrash, du heavy, du death, etc. Je ne sais même pas si c’est volontaire comme démarche de mettre un peu de tout dans un même album, mais c’est typiquement le genre de chose qui n’a pas de juste milieu dans les réactions du public. En gros : ça passe ou ça casse! Avec moi, ça passe, surtout que les riffs sont bien entrainants, mais avec les autres et particulièrement le public ultra underground, forcément cela passe mal. D’autant que le son est le seul vrai truc « rassembleur » des morceaux entre eux, donc avoir un son black metal sur des parties thrash, heavy, voire même death, c’est forcément inhabituel et étrange. A bon entendeur.
Cela n’enlève cependant rien au talent du gars, et cette richesse est pour moi, et uniquement pour moi, un bel atout! Il y a donc des morceaux que j’ai vraiment bien aimé comme « Traitors » et ces relents thrash metal au diapason, Erzoth is You et ces accentuations heavy, » Samhain » (quel beau nom!) qui a de petites incorporations death, et ainsi de suite. « Samhain » d’ailleurs, nom très empreint de paganisme et qui m’achève de croire qu’Erzoth a une dimension pagan certaine, même si elle ne saute pas tout à fait aux yeux dans la musique mais plus dans la pochette.

S’il y avait toutefois un truc à revoir, selon moi, c’est le chant. Pas forcément la technique, encore qu’il y a de quoi s’améliorer car la technique de chant n’est pas hyper bonne non plus. Mais plus le support d’enregistrement, qui selon moi devait être soit un mp3, soit un micro mais genre bas de gamme, pas statique en tout cas, ou alors carrément un microphone de scène trop pris dans la main et faisant ainsi des interférences. Je veux bien que l’on soit sur du raw par principe, mais il y a un minimum de soin à apporter pour que le chant soit à peu près audible, et je dis bien « à peu près ». Là, c’est carrément inaudible, au mieux les passages narrés le sont comme sur le morceau « Universal » ou le premier titre était bien compréhensible (avec bien entendu une oreille expérimentée), mais le reste c’est difficile quand-même… C’est d’autant plus dommage que les morceaux sont vraiment très bien au demeurant. D’ailleurs, je reviens sur la technique, résolument high scream : comme on a un album éclectique, j’aurais préféré plusieurs techniques de chant différentes, pour agrémenter la diversité de Transcendental Cycle. Garder le même style de chant a tendance à édulcorer la puissance des morceaux. Donc, en résumé, un chant nettement à améliorer.

Il y a une autre interrogation qui m’est venue, et qui concerne les textes : pourquoi avoir écrit les paroles en anglais? J’ai même cru, l’espace d’un instant, qu’Erzoth était le premier groupe non francophone que le label avait signé, jusqu’à ce que je découvre l’histoire dans Metal Archives. Alors, du coup j’ai fait comme dans les films : j’ai mis mes mains sur mes hanches, l’air fortement étonné, et j’ai fait un truc à haute voix du style « ben… Pourquoi?… », mais comme j’étais en voiture, ce n’était pas une chouette idée (véridique)!
Non plus sérieusement, la question mérite d’être posée mais il faut contextualiser le truc en se souvenant que les chroniqueurs ont parfois des réflexes de Pavlov débiles, et pour moi, raw black metal = textes en français. Allez savoir pourquoi. Mais passé mon étonnement, j’ai évidemment lu les textes et le moins que l’on puisse dire c’est qu’Erzoth ne fait pas dans la poésie! Cela pue la misanthropie à plein nez, à redonner l’odorat à une personne ayant le covid-19. Il y a surtout énormément de violence, de termes crus, d’esprit de vengeance et de haine envers son prochain qui frôle l’angoisse. Je ne sais pas si les ressentis exprimés par notre ami Erzoth sont sincères mais si tel est le cas, alors il y a de quoi se faire du souci. Il est aussi beaucoup question de Folie, on sent que le nom Erzoth sonne comme une sorte de double maléfique qui doucement prend le dessus sur l’auteur de l’album. Il y a tout de même quelques morceaux empreints de poésie avec Nature Supremacy qui est bien écrit, que je trouve même très juste dans sa conception. Et il me semble avoir compris que l’album raconte au final le cheminement d’une personne en souffrance vers un point de non-retour dans la haine et la violence avec une sorte de réconfort trouvé dans la Nature (et particulièrement Samhain qui correspond aux saisons sombres chez les païens, commençant vers le 1 novembre), cette dernière étant vue comme la seule omniscience avec un lien un peu obscur avec Satan, et pour finir vers un état de « léger mieux-être ». Je pense hein, je ne suis pas certain. Toujours est-il que les textes sont plutôt bien écrits, sont clairs et mettent bien le concept en lumière. A noter que seul le morceau Brasier est écrit en français.

Allez tout le monde, c’est le moment de mettre un point final à cette chronique. La découverte d’Erzoth est une belle initiative, d’autant que ce premier album a déjà des bases sérieuses. Il convient toutefois de dire que cet album, d’un point de vue objectif, ne plaira évidemment pas à tout le monde (mais est-ce le but?), sa conception centrée sur le raw black metal est déjà un indice concordant, mais le fait de sa grande richesse musicale dans ses influences, des thèmes abordées dans l’album et de cette pochette outrecuidante pour même le public blackeux, rend ce Transcendental Cycle légèrement compliqué à aborder. Je ne suis pas prêt à mettre ma main au feu en disant que ce CD plaira aux initiés tant les imperfections sont présentes et tant la variabilité des riffs sèment un doute certain sur l’identité musicale. Il n’en demeure pas moins qu’en ce qui me concerne, mettant le chant de côté, cet album m’a vraiment beaucoup plu! J’adore cette richesse de connaissances, j’aime aussi cette authenticité brute de décoffrage et cette intimité très prenante et torturée. Erzoth signe un bon premier album, et j’espère qu’il ne s’arrêtera pas là! Mon seul conseil, et qui me semble primordial, est d’épurer drastiquement cet éclectisme, de se donner une vraie identité musicale et de garder cette ligne de conduite en variant mais un peu moins. Et je pense que l’album fera plus parler de lui.

PS : mes condoléances pour la perte de ton chien, camarade. J’ai été très touché par l’hommage rendu dans la jaquette de ton album…

Tracklist :

1. Brasier 02:37
2. Vengeful Madness 06:20
3. Fuck the World 05:14
4. Erzoth Is You 06:01
5. Nature Supremacy 06:57
6. Samhain 06:54
7. Traitors 06:22
8. Universal 10:27
9. Storm 02:58
10. Firefly 08:20

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