Line-up sur cet Album


Asthâghul : tous les instruments, chant

Style:

Black Metal Occulte

Date de sortie:

21 mai 2021

Label:

I, Voidhanger Records

Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 9,75/10

“Il est possible que nous portions en nous, occultes, enterrées, certaines métaphores primordiales, et que toute quête verbale n’ait d’autre but que de déchiffrer ces images antérieures.” Hector Bianciotti

L’imaginaire et ses travers. Récemment, j’ai donné un cours à des étudiants en soins infirmiers et l’on parlait de la nécessité de séparer l’inconscient, où siègent les fantasmes, les rêveries et les interprétations, du conscient et de notre perception commune de la réalité. Parce que, précisément, les artistes et en particulier les musiciens s’exposent à des risques en arpentant avec assiduité les couloirs sans fin de l’inconscient. La créativité dépend beaucoup de cette prise de risque à franchir la barrière, et à s’affranchir des filtres, mais à dose respectable et en faisant la part des choses, cela reste abordable. D’où le mythe selon lequel un artiste vit avec plénitude et sincérité ce qu’il exprime. En vérité, je pense que les personnes qui sont ce qu’elles expriment artistiquement sont extrêmement rares. C’est un peu comme les gemmes : les plus beaux sont probablement les moins travaillés, les moins retouchés. La fameuse « perle rare » en somme. En tout cas, loin de moi l’idée de dire que ces gens n’existent pas ! Je n’ai pas vraiment d’exemple en tête à cause de la fatigue mais je sais qu’ils existent. Cela s’en ressent souvent avec naturel, quand on écoute la musique et que l’on devine qu’outre les retouches, il y a quand-même la sensation que tout a été fait d’une traite. En ce qui me concerne, je suis un adepte fervent de l’écriture intuitive. Celle que l’on est censé ne jamais relire, celle qui sort comme par automatisme. J’adore ce concept, d’ailleurs pour les chroniques j’en ai fait un principe, ne jamais me relire, ce qui peut donner des trucs abominablement incompréhensibles ! En tout cas, pour le groupe Esoctrilihum, je pense être face à un artiste entier et honnête, jusqu’au plus profond de sa musique. Le dernier album ci-décrit ne dira probablement pas le contraire. Ma deuxième chronique pour Esoctrilihum commence maintenant.

En effet, ma première chronique à retrouver ici faisait déjà état dans mon introduction d’un rapport sur la Folie. Je me rends donc compte en écrivant cette chronique pour l’album « Dy’th Requiem for the Serpent Telepath » que je parlais déjà du génie de la Folie artistique. Esoctrilihum est définitivement un artiste que j’admire. Car oui, pour les méconnaisseurs, il s’agit d’un seul et même homme derrière ce projet au nom difficile à prononcer. Asthâghul, qui est Français, mène rondement bien sa baraque avec six albums, dont ce dernier, et un EP sortis entre 2017 et maintenant. Un musicien très prolifique, toujours ou presque sous l’étendard du label I, Voidhanger Records, déjà sur le papier c’est beau comme des lettrines moyenâgeuses ! Esoctrilihum est surtout une véritable entité spirituelle, avec un univers bien à elle et dotée d’un imaginaire incroyablement fructueux où les personnages et divinités semblent sortis de nulle part ailleurs que de son cortex en cocotte-minute. Mon admiration porte d’ailleurs sur cette gigantesque créativité avec un univers foisonnant, dans un laps de temps très court pour sortir des albums aussi complexes les uns et les autres, je trouve en tout cas cela remarquable. « Dy’th Requiem for the Serpent Telepath » est donc le sixième album, j’attends énormément de lui.

De prime abord, chaque pochette d’Esoctrilihum est un choix fort, un choix motivé, judicieux et très très beau. Aucune exception, c’est un véritable sans faute pour notre compatriote. Et celle de « Dy’th Requiem for the Serpent Telepath » n’est pas l’erreur de parcours, au contraire. C’est une confirmation de son talent ! Toujours dans un style pictural avec cette fois-ci des teintes bleutées absolument superbes, aux couleurs de la nuit et avec quelques éclats bleu cyan du plus bel effet. La base est déjà très attractive et les autres symboles le sont tout autant, on reste en tout cas sur une base très occulte qu’Esoctrilihum met en avant comme une vraie marque de fabrique. Des représentations démoniaques avec ce qui ressemble à un démon reptilien au milieu, cette figure féminine à droite qui me fait penser à un succube, cet oiseau difficile à identifier mais qui fond sur sa proie comme un faucon ou une buse, et enfin ce curieux serpent avec probablement deux paires d’yeux, bien rouges, et qui semble aspirer quelque chose dans la tête du démon, comme avec une paille mais qui est sa langue. Voilà ! Typiquement le travail d’Asthâghul, un folklore qui lui est propre et qui ne mélange pas différentes références mais qui paraît les créer directement. C’est très fort, d’avoir cette capacité de mettre en vie des monstres aussi enfouis au travers d’une pochette. En tout cas, je reconnais un peu la patte maîtresse d’Esoctrilihum qui se veut occulte mais à sa manière, sa foi à lui, et à personne d’autre ! Un vrai modèle du genre. Une pochette exceptionnelle comme on les aime, belle et mystérieuse comme les femmes de nos vies.

Et la musique… A un rythme aussi effréné, on pourrait croire qu’Asthâghul va se lasser comme disait la publicité pour les pâtes d’une autre époque ! Mais non, même pas ! C’est ça le meilleur dans l’histoire ! Cet album est un chef d’œuvre quasiment absolu dans le genre qui lui est désormais propre : le black metal occulte. Qu’est-ce qu’on entend par occulte de nos jours, dans un style plutôt empli d’années lointaines dans le black metal ? On a de fait un black metal froid, bien cisaillé comme on l’aime, tranchant comme une lame de rasoir sur nos états d’âme, avec des guitares au son nasillard et une batterie (programmée ?) qui tabasse furieusement avec peu de temps morts, si l’on peut dire ainsi. La particularité d’Esoctrilihum est d’avoir une utilisation des claviers très ancienne. Avec des nappes concentrées uniquement sur une banque son typiquement symphonique ou tout simplement organistique, plantant du même coup avec un fracas immense cet aspect très occulte dans la musique qui glace le sang. Le chant est dans cette mouvance aussi avec un côté peu crié, plus guttural pur et là encore un côté nasillard en voix de tête sans forcer qui fait très incantatoire. Pour le descriptif c’est facile ! Pour les sensations, les superlatifs ne manqueraient pas mais cela prendrait trop de place dans un seul paragraphe. La musique est tout simplement magnifique. Ma-gni-fique! Autant l’album précédent était agressif au possible, autant celui-ci est un vrai rappel à la nostalgie avec un côté vieux black metal des années 90 que j’adore déjà de base. Alors quand il est remis au gout du jour avec autant d’exactitude et de talent, je ne peux que m’agenouiller béatement et faire moi aussi mon hommage chamanique à Esoctrilihum. J’ai rarement autant pris mon pied sur un album du genre, la première écoute m’a totalement mis d’accord et m’a conforté dans mon amour profond, éternel et sans faille pour Esoctrilihum. Exceptionnel.

La production a toujours été là aussi singulière dans le parcours musical d’Asthâghul mais, pour le coup, il y a quelque chose en plus que je n’avais pas perçu dans l’album précédent et qui est la recherche de l’antan. Ainsi, la production de « Dy’th Requiem for the Serpent Telepath » fait énormément penser comme je disais au black metal des années 90. Donc, un son nasillard, avec très peu de basses fréquences, rapide et donc parfois difficilement audible sur certains passages. Le sentiment que la musique est un blizzard avec des lames de glaces aiguisées, c’est exactement le ressenti que j’ai chaque fois que j’entends des productions comme celles-ci. De fait, les nostalgiques du genre comme moi se régaleront surement avec « Dy’th Requiem for the Serpent Telepath« , parce que tout transpire l’old school si l’on peut dire. Encore que le genre black metal occulte n’existe pas officiellement, tout porte à croire qu’il y a une part old school importante et non négligeable. Bien entendu, les claviers sont dans la même mouvance, avec des claviers à l’Ancient sur « Svartalvheim« , mais ici, ils sont beaucoup plus mis en avant, comme s’ils étaient une part primordiale dans la musique d’Esoctrilihum ! C’est bluffant parce que, loin de dénaturer les parties metal, c’est comme s’ils les mettaient en avant. Sincèrement, je suis épaté par la retranscription parfaite de ce son que j’affectionne tant, qui transpire les âges qui deviendront lointains. Une production sublime, pour un résultat plein d’occultisme et de sorcellerie !

Je me suis tellement régalé à réécouter « Dy’th Requiem for the Serpent Telepath » que j’en oublierais presque d’expliquer un peu plus analytiquement ce qui est bien ou pas dans les compositions. Comme le précédent, les compositions sont incroyablement variées mais un peu moins je dirais. Ce qui n’est pas plus mal du tout parce que dans ma précédente chronique, j’expliquais que la musique d’Esoctrilihum était je cite « cette abondance de riffs différents, d’ambiances différentes, tout cela rend cet album extrêmement bon ! Il y a dans la musique d’Asthâghul une part totale d’insondable qui ne la rend que plus incroyable. C’est pour cela que je parlais de génie et de Folie dans ma citation un peu futile de James Bond mais on est totalement dedans : sans affirmer à cent pour cent que le créateur d’Esoctrilihum est fou, il n’en demeure pas moins que sa tête ressemblerait sûrement à la grange d’une vieille sorcière qui errerait entre mille-et-un flacons de potions, de concoctions magiques, d’animaux séchés suspendus au plafond, le tout éclairé par un simple feu où serait en train de bouillir un chaudron de poison. En gros, un beau bordel mais un bordel tellement bien organisé qu’on en crierait au génie et à la magie ! Je pense que cette métaphore est un bon moyen de décrire la musique chaotique, mystérieuse (mais géniale surtout) d’Esoctrilihum. » Le constat prévaut toujours avec un peu plus de liant entre les morceaux, ce qui est un gage de sondabilité qui probablement, avec du recul, manquait. Ici, il existe un fil d’Ariane qui permet d’écouter l’album une fois ou deux sans s’épuiser, la complexité demeure bien présente mais un peu moins. C’est un bon signe ! Asthâghul ne reste pas figé dans un fonctionnement pérenne, il essaye. Et ça c’est super !

Le talent n’est même plus à reconnaître tant l’instrumentalisation est exceptionnelle, les textes sont tous aussi extraordinaires les uns que les autres et le chant l’est tout autant. C’est pour cela que je vais conclure ici. Le constat est exactement identique à ma précédente chronique : Esoctrilihum s’impose définitivement comme l’une de mes futures références en black metal occulte. L’album est un chef d’œuvre absolu qui a largement surpassé son prédécesseur et mérite donc la note la plus élevée que je puisse mettre à un CD. Loin de tomber dans la médisance, « Dy’th Requiem for the Serpent Telepath » est un aboutissement supplémentaire pour un musicien aussi génial que dérangé qu’est Asthâghul. De l’occultisme avec autant d’aisance et de maîtrise ressemble fort à de la nécromancie et à de la magie noire dans une essence moderne et ancienne à la fois. Une musique qui se veut mystérieuse, prenante et glaçante, pour Esoctrilihum la mission ésotérique et spirituelle est largement remplie. Je considère officiellement donc avec ce sixième jet notre Français comme un pionnier du genre, un futur maître à penser et un chamane accompli.

Tracklist :

1. Ezkikur 06:28
2. Salhn 07:35
3. Tyurh 07:06
4. Baahl Duthr 06:02
5. Agakuh 07:07
6. Eginbaal 07:12
7. Dy’th 07:12
8. Craânag 05:02
9. Zhaïc Daemon 05:30
10. Nominès Haàr 07:42
11. Xuiotg 07:24
12. Hjh’at 03:30

Facebook
Bandcamp
SoundCloud
Spotify
YouTube

Retour en début de page

Laissez un commentaire

M'informer des réponses et commentaires sur cet article.

Markup Controls
Emoticons Smile Grin Sad Surprised Shocked Confused Cool Mad Razz Neutral Wink Lol Red Face Cry Evil Twisted Roll Exclaim Question Idea Arrow Mr Green