Faith & Spirit – Glorious Days

Le 1 juin 2017 posté par Bloodybarbie

Line-up sur cet Album


Vivien Thielen : guitare rythmique, chant
Antoine Teboul : guitare lead
Thomas Denoyelle : basse
Geoffroy Cantou : claviers
Julien Largillière : batterie
Manda, Athéna, Calypso & Sané : voix additionnelles

Style:

Blues/Rock

Date de sortie:

11 Mars 2016

Label:

Autoproduction

Note du chroniqueur (SlyTale) : 9/10

« Les gens pensent que le voyage temporel, c’est de la science-fiction. On pense que c’est impossible parce que nous ne le faisons pas. Mais mathématiquement, c’est possible » (Ben Tippet).

Vous ne savez pas qui est Ben Tippet ? C’est un mathématicien et physicien de l’université canadienne British Colombia qui vient de réaliser une étude sur une machine à voyager dans le temps publiée dans « Classical and Quantum Gravity ». Ah ! Ces scientifiques ! Pour dire des conneries, ils sont forts ! Voyager dans le temps c est possible, et nous, musiciens, le savons depuis un bail ! Sans déconner ! A lire cet éminent spécialiste, si mathématiquement c’est possible, matériellement ça ne l’est pas car il faudrait distordre l’espace-temps à l’aide d’une machine (dont on ne sait comment la faire fonctionner) qui nécessiterait une puissance titanesque (qu’on ne sait pas canaliser, et d’ailleurs on ne sait même pas où aller la chercher). Alors qu’avec du bon matos, je vous garantis que le voyage temporel est à la portée du premier venu. Et en première classe encore! Vous ne me croyez pas? Suivez le guide…

D’abord, oubliez la DeLorean de Doc Brown, le retourneur de temps d’Hermione Granger, ou les failles temporelles au fond du snack d’Al Templeton. Ensuite, choisissez bien votre époque : partir trop loin serait plus hasardeux qu’autre chose… Je n’ose imaginer la réaction des inquisiteurs des XIIIème et XIVème siècle si vous débarquiez avec vos jeans, vos gros écrase-merdes aux pieds et votre chemise Desigual (si vous n’en portez pas, vous faites preuve de bon goût sinon de bon sens, je suis fier de vous compter parmi mes lecteurs) ; et je ne me fais que peu d’illusions sur vos chances de survie si vous débarquiez comme une fleur devant un mignon gros théropode, genre spinosaure aussi aimable qu’un végan à qui vous offrez une côte de bœuf au sel de Guérande.
Non ! Tous les voyagistes vous le diront : réussir un voyage, c’est déjà bien sélectionner sa destination (à titre personnel, on me ferait une promo de tous les diables pour aller me dorer la pilule à Raqqa que j’irais pas!). Cap sur les années 60/70 moussaillons! Là, y a de quoi faire : du rock comme s’il en pleuvait (The Beatles, Elvis Presley, The Who, Jimi Hendrix, The Rolling Stones, Led Zeppelin, Deep Purple, Lynyrd Skynyrd n’en jetez plus la coupe est pleine), un esprit libertaire émergent (le flower power, les hippies et les beatniks touça touça), les cheveux qui commencent à pousser, les barbes à s’étoffer… Bref, un des moments les plus importants dans l’histoire de l’humanité (Rien que ça? Oui.) qui est devenu indissociable de sa bande son (les groupes que j’ai cité plus haut). Cette bande son, c’est votre vaisseau spatio-temporel.

A ce niveau vous avez le choix de la compagnie : les low cost (qui remixent les vieux tubes en version techno), les classiques (les vinyles d’époque) et Faith & Spirit Timeship Travellers.

Pourquoi choisir Faith & Spirit ? Parce que c’est la première classe, le haut du panier, l’élégance à l’état pur. Et je pèse mes mots ! Avec eux, vous ne voyagerez pas sur une trapanelle. Que nenni ! La machinerie de leur vaisseau, c’est le mariage réussi des deux marques rivales au possible des temps jadis : Gibson SG d’un côté, Fender Telecaster de l’autre, le tout canalisé par Mr Marshall amp. Déjà, ça sent la légende. Pour les soutenir ? Un moteur Pearl MMX et une injection basse Warwick 5 cordes. Ça tabasse le cerveau limbique à ma gauche, ça fait groover les synapses à ma droite. Pour le confort, Faith & Spirit met à votre disposition toute une gamme de nappes aériennes ou d’envolées psychédéliques grâce à son tout nouveau système d’agrément endocrinien Korg SV1.

Et s’il vous fallait des garanties supplémentaires sur le sérieux et le professionnalisme de l’équipage, permettez à votre serviteur de faire quelques présentations. Les Faith & Spirit, qui nous viennent de la Ville Lumière, se sont connus en école d’ingé-son. Car comme tous les groupes de musique, l’Histoire commence toujours par des rencontres fortuites qui se transforment en amitié. Mais eux ne se sont pas rencontrés à Sciences-Po, à l’ENA ou au lycée professionnel Alfred Mongy à Marcq-en-Barœul. Non ! Ils se sont rencontrés en école d’ingénieurs du son !
Concrètement, ça signifie quoi ? Que ce Glorious Days autoproduit est une jouissance auditive phénoménale ! Un son de batterie gros, gras (or, le gras c’est la vie, n’est-ce pas Karadoc ?) et rond, une basse claquante, qui soutient des guitares saturées à l’ancienne, ancrées dans les tonalités graves pour pouvoir laisser l’espace des aigus à des claviers qui ne se font pas prier pour napper cette rugosité d’une douceur bienvenue. Ce qui nous donne une profondeur sonore fort appréciable et c’est sur cette partition parfaite que Vivien apporte sa touche vocale, en bon commandant de bord qui vous invite à détacher votre ceinture, vous n’en apprécierez que mieux le voyage.

On a tendance à souvent identifier un groupe à son seul chanteur, à considérer que c’est lui qui porte la personnalité du combo. Parce que c’est lui qui, plus que quiconque, surtout dans le rock, attire la lumière. C’est un tort, c’est injuste pour les autres musiciens, mais c’est ainsi. Les guitaristes arrivent parfois à s’en sortir un peu (surtout avec les jolies fans, ne dites pas le contraire vous ne seriez pas crédibles), mais les batteurs et les bassistes beaucoup moins (les premiers parce qu’ils sont au fond de la scène et qu’on ne les voit pas, les seconds parce qu’ils sont bassistes… Pouf ! Pouf ! Désolé les bassistes, je vous aime !) Et Vivien dans tout ça ?
Vivien ? C’est une voix qui me fait immédiatement penser à Johnny Van Zant (ou feu son grand frère Ronnie, paix à son âme) de Lynyrd Skynyrd. Dans le timbre, un peu (disons qu’il y a quelque chose, même si c’est pas un copié-collé, si je voulais vraiment être précis, parce que c’est quand même ce que vous attendez de moi, je dirais que c’est à la croisée des chemins entre les Van Zant et Liam Gallagher de Oasis) mais dans les intonations, surtout. Vous voyez ce dont je parle ? Une amplitude vocale relativement limitée, mais qui glisse toute seule, parce que, d’une part les notes chantées sont toujours fourrées à l’émotion (et Vivien chantant juste, on le rapprochera plus volontiers de Johnny que de Ronnie, « paix à son âme » peut-être, mais son charisme, certes énorme, ne reposait pas sur sa justesse, je dis ça, je dis rien…), et d’autre part parce que le reste du groupe apporte une telle profondeur dans la musique que si Vivien en faisait plus, ça ferait sûrement trop. Là, le dosage est parfait.

Et cet équilibre délicat entre son vintage et production moderne est sublimé par cinq titres (cinq seulement, c’est peu !) aux personnalités différentes.
Oui, parce qu’il faut voir ça aussi dans cet EP. On pourrait limiter Faith & Spirit aux groupes qui les ont influencés, mais ce serait aller vite en besogne et nier qu’ils ont quand même réussi à insuffler LEUR truc à EUX. Oui, quand on écoute Glorious Days, les références sont évidentes. Mais non, on n’a pas pour autant l’impression d’écouter une resucée ou une pompe (les deux derniers mots sont sortis tous seuls, n’y voyez aucune allusion à une pratique buccale que les chanteurs et guitaristes arrivent parfois à glaner après un concert quand le batteur est encore en train de démonter sa batterie et que le bassiste picole seul dans son coin, ha, ha, ha !) Non ! Faith & Spirit a une personnalité qui lui est propre, mâtinée de rock sudiste, de blues, voire de gospel. Vous émettez des doutes. Je le vois bien ! Y en a un derrière – non, pas vous, lui, là – qui avait un regard qui ne laissait planer aucun doute sur le fait qu’il en émettait !

Je vous explique.
« I’ll be your Man » vous accueille avec une intro de batterie qui fait penser tout de suite à « Trust » de Megadeth, mais la comparaison avec les thrasheux californiens s’arrête au bout de cinq secondes et l’arrivée de l’orgue et de la guitare qui fleurent bon le rock sudiste n’est ni plus ni moins que l’ancêtre des stoners à qui cet opus devrait plaire. C’est groovy à mort, ça prend au cœur, les chœurs féminins sont hyper rock, mais avec cette puissance vocale qui fait penser à ceux des chorales de negro-spiritual, un solo méchamment planant prend son élan sur un drum n’ bass qui ronfle plus que ma femme quand elle a bu trop de chartreuse, vous prenez ça en pleine gueule, ça transpire la passion par tous les pores d’un épiderme dorsal frissonnant de plaisir et moins de quatre minutes plus tard, hop ! Terminé ! Rideau !
On enchaîne sur le titre éponyme, qui propose une séquence rythmique blues/rock avec une alternance chant seul puis réponse basse/guitare/cuivres du plus bel effet, que n’aurait sûrement pas renié le King himself. Mais pour éviter le convenu, Faith & Spirit sort soudain d’une ligne musicale toute tracée pour virer d’un coup sur de la pop british avant de pousser le vice jusqu’à envoyer un break magnifique sur lequel une voix féminine, sublime, vous élève vers les plus hautes strates de l’exaltation.

Et c’est là-haut que les Faith & Spirit ont décidé de vous faire rester, avec « Everybody gets it wrong ». Un très beau slow/ballade pop dans laquelle piano et guitare sèche se donnent la main pour vous inciter à faire de même avec celui/celle que vous souhaitez serrer dans vos bras (ou serrer tout court, c’est d’ailleurs la finalité en général, mais cette chanson est trop suave pour que je me vautre dans le stupre).
Puis on en revient aux fondamentaux avec « Black Moon ». Du pur de chez pur, du roots de chez roots. Vous vouliez du voyage temporel ? En premium ? « Black Moon » est faite pour vous. De la première à la dernière seconde, vous êtes transportés par un morceau qui sent la sueur, les chemises à carreaux, la main droite solidement agrippée sur la Bud, la clope au bec dans l’ambiance virile d’un bar de l’arrière pays Américain. Le riff de gratte qui s’enroule sur l’orgue Hammond incantatoire est tout simplement extraordinaire. Un must !
Malheureusement, les meilleures choses ont une fin, et celle de Glorious Days arrive trop tôt avec le bluesy « Down the Road », encore une fois maîtrisé de bout en bout, mêlant avec un brio manifeste l’ensemble des standards du genre. Au passage, qu’il me soit permis de décerner une mention spéciale pour Thomas à la basse. Quel groove ! Quel feeling ! On a beau les chambrer, dire ce qu’on veut d’eux, mais un bon bassiste, c’est quelqu’un qui rend un bon morceau très bon. Alors un très bon bassiste, surtout quand il est entouré de très bon zikos… C’est juste du plaisir à l’état pur.

Mais au bout d’à peine vingt minutes, cet excellent EP s’achève et nous laisse un regret. Oui, juste un, mais de taille : c’est que si Faith & Spirit réussi à nous faire voyager et remonter jusqu’à cette période magique d’où tout (ou presque) est parti, s’ils sont capables de magnifier à tel point le rock/blues d’antan avec un son aussi proche de l’esprit originel qu’adapté à notre époque, leur vaisseau, en revanche, ne va que dans le passé. Et moi, ce que je voudrais, c’est qu’il puisse faire un petit saut dans le futur. Juste histoire d’attendre leur prochain vrai album moins longtemps…

Tracklist :

1/ I’ll be your Man
2/ Glorious Days
3/ Everybody gets it wrong
4/ Black Moon
5/ Down the Road

Site officiel : http://www.faithandspirit.fr

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