Line-up sur cet Album
- Rüsty : basse
- MP : chant, guitare
- Mandy Martillo : guitare acoustique, chant
- Scud : batterie
- J. Geist : guitare
Style:
Doom Metal / Heavy MetalDate de sortie:
22 avril 2022Label:
Cruz del Sur MusicNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 8.25/10
« La volonté est le fer de lance de la réussite et la ténacité est l’acier trempé qui consolidera le tout. » Jacques Caron
J’aime bien les concepts qui parlent d’une fuite de civilisation. On est en plein dedans d’une certaine manière, et l’envie saugrenue de se barrer loin de toute vie sociale m’envahit parfois. Mon médecin traitant m’a fait remarquer ce matin, alors que je consultais pour m’être pété le dos en déménageant un canapé pour mon voisin, que la crise sanitaire avait rendu selon lui les gens beaucoup moins civilisés. Déjà que de mon propre opinion ce n’était pas jojo, mais alors si lui qui est d’un calme olympien et d’une pondération qui frise l’inconscience me dit cela, alors où va le monde? C’est vrai que derrière cette idée de fuir la société, il y a un côté désinvolte chez moi qui me dit qu’il faut faire l’inverse, soit de rester pour foutre la merde encore plus, histoire d’enfoncer davantage encore les gens qui sont nuisibles et font du mal à notre vie tranquille. Allez, je vous la donne dans le mille! Je parle de nos personnalités politiques du moment! Je ne sais pas vous, mais il n’y en a pas un pour rattraper l’autre pour moi, ce sont tous des parasites et comme tout parasite qui se respecte, ils sont avides de grignoter nos vies doucement mais avec une assurance défrisante. J’en viens à me demander ce qu’il faut faire pour épargner mon estomac de l’offrande nauséabonde d’un ulcère à force de devoir me triturer le cerveau pour savoir quoi faire. Cette élection ne m’a en tout cas donné envie que d’une chose : me barrer de ce monde pourri. En fin de compte, heureusement mais heureusement qu’il y a la musique, sinon je deviendrai (encore plus) maboul les ami(e)s. Donc voilà, j’avais envie de vous parler ce soir d’une de mes nombreuses parenthèses misanthropes et pessimistes sur notre avenir. En même temps quand on fait un métier où l’on se rapproche du don de soi, émotionnellement et physiquement (mon dos en témoigne ce soir, je suis totalement bloqué), qu’on a une empathie naturelle mais constamment mise en difficulté, on a forcément le retour de bâton en plein coccyx. Rassurez-vous, je ne suis pas tout le temps un neurasthénique en puissance, mais c’est que ce soir, présentement, je vais vous parler du groupe Fer de Lance, et de leur album The Hyperborean. Qui transpire bon la fuite de la civilisation!
C’est d’abord le nom du groupe qui m’a attiré. Pas banal de se nommer Fer de Lance quand en plus on n’est pas du tout francophone. C’est un fait, le groupe est américain et vient de la belle ville de Chicago. L’année d’existence se situe probablement vers 2019, puisque le premier EP est sorti l’année suivant en autoproduction. S’en suivra donc ce premier album, théâtre d’une collaboration directe avec le label Cruz Del Sur Music, ce qui pour un premier album n’est pas banal du tout. Une sortie CD pour avril 2022 et une sortie vinyle en mai, voilà donc un The Hyperborean qui s’avance en plein essor. Maintenant, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent pour présenter la joyeuse troupe, hormis que les influences semblent être originales pour le style prétendument joué ici : Bathory et Rainbow. Alors autant Rainbow je comprends un peu, à la lecture de ce premier album je comprends même totalement, autant Bathory j’ai eu un peu plus de mal. Epique ne veut pas dire forcément Bathory, ne l’oublions pas quand-même. C’était la petite curiosité que le label a voulu nous mettre en avant ce soir, bon… Passons à la chronique. Comment cela, on y est déjà?
Je crois avoir suffisamment râlé sur les pochettes dont on ne comprend que dalle, ou celles où on comprend trop le concept pour me dire que je n’aurais probablement jamais le juste milieu que j’attends et qui au final ne me satisfera même pas pleinement. Eh bien figurez-vous que le miracle est arrivé en la personne de Fer de Lance! La pochette correspond en tous points à ce que je veux voir impérativement sur un artwork. C’est enfin arrivé! Tout simplement parce que la pochette est un condensé efficace de ce que l’album traite, qui plus est dans l’ordre idoine des morceaux et sans tomber dans la facilité. Vous avez en effet la liste des pistes qui apparait partout. Le temple qui représente la civilisation à fuir, la fameuse qui a réveillé mon vague-à-l ’âme, le marin et son bateau qui sont les personnages centraux dans le deuxième, l’aurore boréale qui est présente dans le premier et qui symbolise l’horizon prometteur, etc. C’est simple, vous prenez la pochette et vous avez TOUT le déroulé de l’album concentré sur une image, qui plus est très belle dans sa conception. Une peinture soignée moyennement mais dont les traits que l’on pourrait trouver facilement grossiers, sont en fait du plus bel effet notamment sur les couleurs qui se mélangent superbement bien entre le ciel éclairé d’une aurore boréale et les montagnes. J’adore beaucoup ce jeu de couleurs, que j’avais déjà vu et loué sur Fimir par exemple. Il y a d’ailleurs une dimension épique que l’on va retrouver dans la musique quoiqu’il advienne et que je trouve effectivement judicieux de mettre en avant, sans là encore tomber dans l’écrasante modernité qui fait qu’on a des standards très précis et banals depuis. Ici, au moins, cela fleure bon l’aventure et le voyage, et donc les péripéties. Vous aurez donc compris que j’adore la pochette, à toutes les sauces et à tous les arguments possiblement positifs je réponds un gros OUI! Excellent travail les camarades américains.
Fer de Lance, avec donc un nom pareil, un nom d’album pareil et un artwork pareil, ne pouvait pas faire autre chose qu’une musique épique au possible et donc possiblement heavy metal. Oui! Mais pas que, bien sûr. La base mélodique est résolument heavy metal avec de fortes accentuations épiques, que l’on retrouve effectivement dans certains riffs d’antan comme chez Rainbow ou Scald par exemple, mais la base rythmique est expressément doom metal, dans son registre le plus simple et old school. Je pense que l’on pourrait même considérer que cette forme brute et ancienne du doom metal était les premiers émois du dit genre, et que l’on se retrouve avec un groupe qui fonctionne sur une base nostalgique qui fait toujours du bien et qui amène un indéniable vent de fraicheur. Mais que nenni! Le groupe Fer de Lance expérimente un doom heavy metal très mélodique, avec même parfois un côté progressif intéressant qui vise à faire des pauses salutairement calmes au milieu de quelques pistes, pour repartir de plus belle! Il y a des soli, des mélodies guitares endiablées qui contrastent de manière saisissante souvent avec les rythmiques lentes, sans être lourdes par ailleurs. La batterie est la maitresse de la rythmique changeante car cette dernière n’est pas tout le temps sur la lenteur, on a de vrais moments d’accélération très heavy metal, voire speed sur les bords. Et je loue l’utilisation de cette batterie qui mène tout, de bout en bout, et qui s’impose frénétiquement dans le mixage pour soit alourdir les pistes, soit les rendre franchement épiques! D’ailleurs, épique est le maitre mot de la composition. Loin d’avoir un doom metal noir et triste, on a un doom heavy metal mené par le récit de ce marin qui part à l’aventure, voir si l’herbe n’est pas plus verte ailleurs et sans l’humanité. Mais le meilleur point pour moi revient à l’incorporation bluffante d’une guitare acoustique à l’ensemble instrumentale. Pas uniquement sur des passages calmes j’entends, sur tout ou presque. C’est une utilisation originale et particulièrement importante puisque cet apport est sonore, mélodique et surtout épique. Il fallait y penser! Je ne sais pas si mon extatisme est légitime ou si je suis un inculte de première, mais je crois que c’est la première fois que j’entends une guitare acoustique envahir tout un album de musique saturé avec autant de brio et d’importance! Non vraiment là, je suis soufflé, béat. C’est fou! C’est une première écoute très plaisante que j’ai eu ce soir, avec néanmoins quelques petites retouches à prévoir pour la suite. Mais en restant stricto facto sur les compositions en elles-mêmes, la musique est incroyable. Vraiment bouleversante, énergique et avec un vrai soin porté sur la résilience. Belle surprise ce The Hyperborean!
Pour moi, le bât blesse sur la production. Il y a quelque chose qui cloche sur le plan sonore, que je n’explique pas autrement qu’un surplus de basse fréquence. On a le sentiment d’avoir un son trop gonflé, trop épaissi et donc même les compositions demeurent très actives et franchement intéressantes, le son casse un peu l’ambiance au sens propre comme figuré. Trop de basse fréquence qui occasionne que l’on n’entend pas les guitares de manière tranchante, à la heavy metal quoi! Avec cette patate sonore qui fait que les très gros groupes d’avant soulevaient les foules rien qu’avec un solo. La batterie est parfois étouffée dans le mixage sans que là aussi je ne sache l’expliquer autrement que par l’erreur d’appréciation. Je trouve le chant du coup, seul organisme encore avec de l’énergie communicative, un peu trop isolé dans le mixage final et donc qui détone un peu trop. Il y a vraiment une production à reprendre pour la prochaine fois. Loin d’être catastrophique comme j’ai pu l’entendre parfois, je trouve toutefois et malheureusement que ce son trop épais et trop peu condensé, probablement mal réglé dans le mixage, dénature trop la dynamique heavy metal de The Hyperborean. On pourrait vanter les mérites de ce type de son dans une production death metal par exemple, mais pas ici. Cela ne colle pas et c’est bien dommage…
J’insiste en tout cas sur un point capital, voire essentiel de The Hyperborean : sa dimension épique. Je comprends maintenant un peu mieux la référence qui me semblait totalement farfelue à Bathory, après quand-même une deuxième écoute attentive et intensive. On sent l’influence c’est vrai. D’ailleurs, l’idée de fuir la civilisation est pour moi une sorte de métaphore pour surtout s’affranchir des codes spirituels. Fer de Lance baigne en tout cas dans un heavy doom metal aventureux et prenant, à tous points de vue. Je me suis prêté au jeu de vivre cette épopée vers l’inconnu, les péripéties et malheurs en prime, les références non-avouées parfois à Ulysse (le temple grec, les sirènes) qui est probablement celui qui aura connu la plus incroyable et souffreteuse épopée qui soit, et ainsi la musique fonctionne impeccablement. Dommage, mille fois dommage que la production soit ratée comme cela, parce que si elle avait été réussie, j’aurais largement porté aux nues The Hyperborean comme une sortie incontestablement prometteuse pour la suite! Mais bon. Ce n’est que partie remise, j’espère. J’avais pourtant loué avec emphase cette guitare acoustique totalement décontenançante et qui apporte une originalité folle. Mais là encore, un son meilleur aurait encore plus affranchi les codes! Allez, on se répète parfois mais ce n’est que partie remise pour moi. The Hyperborean reste un album prometteur et bon pour la suite.
Le chant pour terminer. J’aime bien faire ce paragraphe! J’y tiens. D’autant que la technique vocale employée avec ferveur sur cet album n’est pas mon préféré. Fer de Lance se pare néanmoins d’un chanteur avec une étendue vocale exceptionnelle, et une puissance étonnante. Un chant typiquement heavy metal, mais jusque-là il n’y avait rien de surprenant étant donné la musique proposée. Seulement, j’étais loin de me douter de la puissance qui émanerait de The Hyperborean via son chanteur, qui envoie du bois comme on dit! La technique est irréprochable aussi, le tout est très bien travaillé avec une rythmique dans les textes qui laisse la part belle à la lenteur et les longues étendues, allant jusqu’à tenir sur plusieurs secondes une dernière note pour clôturer un morceau de la meilleure manière qui existe. Un chant donc absolument incroyable encore, que je vante avec force. Pourtant mes comparses savent que ce n’est pas ma tasse de thé d’ordinaire. Mais là force est de constater que le chant m’a mis d’accord avec moi-même. Mes luttes intérieures se sont tues.
Voilà tout le monde, l’heure et le tocsin ont sonné pour mettre un point final à cette chronique. Nouvelle sortie du jour pour ce premier album du groupe américain au nom bien parlant de Fer de Lance. The Hyperborean sonne comme un premier album prometteur et ayant déjà atteint un niveau supérieur. Pas étonnant donc que ce soit directement sorti chez le label Cruz Del Sur Music qui est une référence en la matière. Pour la production, c’est à revoir mais pas jusqu’à mettre un trait définitif à ce groupe talentueux et régie par la nostalgie. La matière en question est donc un doom heavy metal oscillant habilement entre la lenteur non-extrême, plutôt comme avant je dirais, et les parties enflammées et endiablées du heavy metal, les soli et mélodies qui vont avec, le chant idoine et le côté épique qui ferait dresser l’oreille de notre camarade Qorthon si ce dernier avait encore un semblant de chair sur sa carcasse ou son squelette. Tout colle pour nous faire passer un moment aventureux et magistralement puissant, réveillant les guerriers avides de conquêtes et de terres inoccupées pour avoir un havre de paix loin des civilisations toxiques. C’est tout ce dont on a besoin en ce moment, alors qu’attendez-vous?
Tracklist :
1. Aurora Borealis (02:28)
2. The Mariner (08:16)
3. Ad Bestias (07:13)
4. Sirens (08:18)
5. Northern Skies (08:29)
6. Arctic Winds (07:03)
7. The Hyperborean (10:55)
Laissez un commentaire