Line-up sur cet Album
- Tommaso Riccardi : Chant lead, Guitares
- Cristiano Trionfera : Guitares, Backing vocals
- Francesco Paoli : Batterie, Backing vocals, Guitares
- Paolo Rossi : Basse, Chant clair (2nde voix)
- Francesco Ferrini : Claviers
Style:
Death Metal SymphoniqueDate de sortie:
5 Février 2016Label:
Nuclear BlastNote du SoilChronicles (Wilhelm von Graffenberg) : 9.5/10
Un nouvel album de Fleshgod Apocalypse, c’est un peu comme attendre le Père Noel devant un sapin : avec des yeux – ou des oreilles – de gosse, on est impatient, on a hâte qu’il nous amène plein de belles choses et on n’a pas envie d’être déçu. Voyons un peu ce que ce King nous réserve dans sa hotte…
Si la foi soulève des montagnes, le « Dieu de chair » qui a forgé ce groupe a soulevé des montagnes de poussière agglutinées sur des vieux bouquins d’écriture et de théories relatives à l’Histoire de la Musique, tout en sachant tirer le meilleur de ses contemporains. Pour ne rien vous cacher, on connait la patte de Fleshgod Apocalypse, désormais évidente et elle-même ancrée dans l’Histoire de la Musique ; on n’a limite plus besoin de présenter le groupe tant il s’est déjà imposé comme incontournable dans la scène metal, avec son style bien à lui. S’il n’est plus grand-chose à inventer désormais dans celle-ci [la Musique], il reste tellement de combinaisons possibles, et ce groupe italien a su s’en imprégner pour créer sa trademark sonore : du Brutal Death symphonique. Si, à l’instar du tournant symphonique qu’on sentait poindre chez Dimmu Borgir à partir de Spiritual Black Dimensions, Fleshgod a évolué dans ce sens depuis Agony, qui annonçait lui également cette même évolution, lui reste-t-il encore de la marge avant de s’essouffler ? Labyrinth, ce concept album, avait déjà mis la barre encore plus haute…
Oui, il y a un « son Fleshgod Apocalypse » : on s’attend à entendre certaines choses, des figures mélodiques particulières, des enchainements d’accords qui dépassent le traditionnel I/IV/V/I classique ou les degrés coutumiers de cadence rompue, histoire de rester dans les bases de la musique classique… Et si j’évoque la musique classique – je parle bien de la musique créée à cette époque 1750-1800 – c’est parce que les références évidentes à Beethoven – oui, je sais, il est de la période Romantique officiellement – et Mozart (le thème du Lacrymosa et d’autres références à son Requiem se cachaient partout, et pas forcément en filigrane) étaient légion. Une chose évidente, ces italiens ont de très vastes connaissances dans le domaine de la musique savante et ont dû passer des heures en cours d’écriture en musicologie à analyser et décortiquer toutes les formules de composition, tant la pléthore de références culturelles ne se limite pas ici qu’à ladite période, mais à un pan d’Histoire de la Musique qui s’étend de l’époque Baroque à Contemporaine. Ceci soit de manière très prononcée, comme la courte intro sous forme de prélude à la Bach ou Rameau au clavecin sur « The Fool » (ainsi que sa marche harmonique vivaldienne), ou encore sur « Paramour » (l’ « amante » en ancien français médiéval, contraction de « par amour »), écrit comme un Lied schubertien – plutôt couillu de placer un tel morceau, ce simple duo piano-chant soprano, tranchant parmi la massive orchestration semi-permanente de l’orchestre et cette débauche de violence intrinsèque – soit de manière plus larvaire avec des références aux Romantiques allemands (Brückner, Mahler, Wagner) et italiens (Puccini, Rossini, Verdi) dans l’harmonie et l’orchestration, ainsi que des modernes comme Fauré et Stravinsky dans les modulations et les gammes (cf. pont central de « Cold as Perfection »), voire Varèse dans sa conception des cuivres et des glissandi.
Phénomène cependant étrange : il est difficile – enfin, c’est mon cas – d’accrocher dès la première écoute, et c’est une ritournelle pour chaque album – je parle encore à mon échelle – non parce qu’il soit désagréable d’écoute – au contraire, à la limite – mais parce que chaque nouveauté apporte sa part de finesse à ingérer et digérer pour en savourer la substantifique moelle et comprendre pourquoi ce petit « plus » était, au fond, nécessaire. Et nos italiens, à l’instar de Maurice – non pas Ravel, mais l’autre – poussent le bouchon – d’oreille – toujours plus loin à chaque opus… pour notre plus grande délectation.
Car si le roi n’est pas encore mort, on peut déjà dire « Vive le roi » pour cet album très réussi ! Comme vous l’aurez déjà compris, on est dans de la musique élitiste – et j’adoooooore. Par delà le fait que la production soit d’une qualité irréprochable (et plus équilibrée entre la part metal et la part symphonique, chose qui avait été reprochée pour Labyrinth par certains), la diversité l’est aussi, pour peu qu’on supporte la violence sonore au-delà de toute considération harmonique et mélodique. En effet, les univers musicaux touchés sont vastes et si le mélange des genres est perpétuel, certains passages les isolent clairement, comme « Paramour » (cf. ci-dessus) ou, a contrario, sur « Mitra », l’outro de « Cold as Perfection » et la transition centrale de « Healing through War » qui mettent en exergue l’aspect le plus death du groupe, nuement et crument.
L’ouverture par cette « Marche royale » (référence directe à la culture musicale baroque française) militaire orchestrée est massive et martiale, et donne le ton de l’album : « on n’est pas là pour déconner, c’est du sérieux ». Le traitement de la voix claire (de Paolo Rossi) est encore différent des fois antérieures, comme sur « In Aeternum » où elle se fait dans un thème laconique qui sert de refrain, granuleuse à souhait et pas poussée dans ses retranchements aigus, même susurrée sur sa deuxième intervention. Le traitement de la voix claire en général est différent, pas seulement sur les voix lead mais aussi celles du chœur, très glissantes et chromatiques, plus construites que sur les précédents albums. Un nouveau pan d’émotion s’ajoute à la palette de Fleshgod, renforcée par la voix de la soprano lyrique, Veronica Bordacchini, qui fait ses interventions un peu plus clairsemées que sur le précédent opus (bon, elle a un morceau rien que pour elle, hein) mais plus riches musicalement comme cette intervention en mélopée décorative sur « Cold as Perfection », loin de son timbre lyrique maintenant usuel à nos oreilles averties, qui refait néanmoins surface quelques minutes plus tard – ce morceau est superbement varié d’ailleurs dans ses couleurs : si l’on ôtait tout élément violent, ce serait limite une balade…
Du coté de l’émotion, on peut rajouter l’omniprésence en fond ou en évidence du piano – oui, je sais, je redonde quant à la place émotionnelle qu’occupe le piano dans la musique, mais ce n’est pas pour rien qu’on a inventé cet instrument ! D’ailleurs, quitte à parler de voix et de piano, axons direct le propos sur « Paramour », le morceau le plus étonnant de l’album, qui est magnifiquement interprété dans un esprit Lied romantique, sur un texte de Goethe « Die Leidenschaft bringt Leiden » (1821) [« la passion apporte la souffrance »] qui sert de sous-titre au morceau, rubato et silences de respirations de rigueur, raccords historiquement – voila, entre autres mais surtout, ce qui me faisait dire que ces musicos avaient dû déchiffrer de l’harmonie et de l’Histoire de la Musique à gogo, au-delà de simplement faire un étalage de références et de citations, même si citation il y a sur « And the Vulture beholds », celle du thème du morceau de bossa nova « Insensatez » de Stan Getz et Astrud Gilberto. « A million Deaths » quant à lui fait la part belle à la modernité avec ses aspects atonaux (entre autres durant les arpèges de piano) dans les harmonies mais également sa métrique 5/4 irrégulière permanente, qui se transforme progressivement en système ternaire avec des marches et montées chromatiques. Ce virage vers l’atonalité se fait d’autant plus ressentir sur le très lent « Syphilis », malsain à souhait avec sa pesanteur et ses tritons à la teinte Black Metal, un adagio qui annonce la mort dans une ultime danse macabre mettant une dernière fois en pierre d’achoppement la chanteuse dans son plus expressif bel canto, dont le thème sera repris comme finale sur le morceau « King » qui clôt cet opéra noir.
Cet album est une nouvelle révélation – vous n’êtes surement pas sans savoir que littéralement « apocalypse » ne signifie pas « fin du monde » mais « révélation ». J’ajouterai cependant un petit bémol parmi toute cette masse de bécarres, de dièses et de commas : une structure d’album un peu trop prévisible si l’on excepte le « Paramour » central, avec la sonate pour piano beethovénienne au titre éponyme de l’album en guise de finale, formule déjà éprouvée quasi à l’identique musicalement – et identique par l’intitulé du morceau final semblable au titre de l’album – dans Agony et Labyrinth (après, rien n’empêche d’interpréter cette démarche comme une espèce d’autographe sonore du groupe). Ce nouvel opus n’en est pas moins une autre pépite dans la discographie de Fleshgod Apocalypse, encore plus mature et abouti, toujours plus construit au léger détriment – je dis bien « léger », tout est relatif – de la très grande technicité coutumière.
A écouter et réécouter maint fois, en se servant un chianti – ou éventuellement en se préparant une platée de pâtes à déguster avec une bouteille de vin, produits qu’on peut trouver dans leur merch’ – pour saisir la quintessence de la symbiose la plus totale actuelle de ces genres que rien ne semblait rapprocher historiquement, mais pour lesquels on pourrait faire une thèse musicologique quant à leurs similitudes évolutives… mais vous avez aussi le droit de juste écouter et kiffer sans vous poser de question, hein, c’est pas interdit…
Tracklist:
1. Marche royale (1:58)
2. In aeternum (5:26)
3. Healing through War (4:43)
4. The Fool (4:06)
5. Cold as Perfection (6:32)
6. Mitra (3:49)
7. Paramour [Die Leidenschaft bringt Leiden] (3:43)
8. And the Vultures behold (5:12)
9. Gravity (5:12)
10. A Million Deaths (5:27)
11. Syphilis (7:22)
12. King (3:59)
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2 commentaires sur “Fleshgod Apocalypse – King”
Posté: 17th Fév 2016 vers 1 h 57 min
[…] de cœur de la semaine : Fleshgod Apocalypse : http://www.soilchronicles.fr/chroniques/fleshgod-apocalypse-king Megadeth : http://www.soilchronicles.fr/chroniques/megadeth-dystopia Onslaught […]
Posté: 19th Sep 2016 vers 20 h 55 min
[…] qui nous surprend à chaque album avec des nouveautés et un niveau au-dessus à chaque fois (cf. http://www.soilchronicles.fr/chroniques/fleshgod-apocalypse-king) ! Mon dernier et premier concert remonte à novembre 2014 en ouverture pour Insomnium, et Le Divan […]
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