FT-17 – Marcellin s’en va-t’en guerre ...
Line-up sur cet Album
Hugo Chereul dans le rôle de Marcellin (narration) Musiciens : Hrotulf : guitare Janus : batterie Misein : chant Khorto : piano Damned : guitare Cide : basse Musiciens studio : Zymurgh : basse Soazig Couëdel : chant
Style:
Black Metal mélodiqueDate de sortie:
22 janvier 2016Label:
AutoproductionNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 9.5/10
« Alors, on fume pour faire passer l’odeur. On boit pour faire passer la peur. Et on se rassure en se disant que les boches ne sont pas mieux lotis que nous ». FT-17 sur le morceau « L’Armée des Taupes« .
C’est sûrement l’une des phrases les plus parlantes que j’ai eu l’occasion de découvrir dans mon implication de chroniqueur. C’est rare que je cite les groupes qui font l’objet d’une chronique mais, en écoutant la narration sur le morceau « L’Armée des Taupes », cela m’est apparu comme une évidence. Je peinais un peu à me dire que la musique metal a des opportunités de se démarquer des autres styles quand elle aborde des sujets sensibles, surtout aux yeux du public, mais aujourd’hui j’ai sûrement trouvé un groupe qui va me faire changer d’avis en la personne du bien nommé FT-17.
Cette affirmation est d’autant plus vérifiée que le groupe qui existe depuis 2015 propose du black metal. Je n’irais pas jusqu’à dire que j’ai longuement parcouru les possibilités de ce style car je n’en finis pas d’être surpris par les nouveautés et les évolutions de ce genre décrié. Néanmoins, on s’entend assez peu à faire des découvertes avec le black metal, n’en déplaise à certains. Toujours est-il que FT-17 est un groupe qui vient de Nantes et que j’ai découvert au Off du Hellfest en 2019, dont vous pouvez trouver mes louanges (un peu trop alambiquées je dois dire) ici. J’avais adoré le concept du groupe qui consiste à se situer dans la période de la Première Guerre Mondiale, dans le contexte de l’armée française. Arborant un costume de soldat sur scène pour le narrateur/chanteur, le décor était planté pour ce qui est du live. J’avais envie d’explorer ce que donnait le groupe en CD et, le résultat ayant dépassé mes espérances, je voulais vous le présenter ce jour. Voici donc une chronique coup de cœur pour le CD « Marcellin s’en va-t’en guerre » qui est le premier album sorti en 2016, le second se nommant « Verdun ! » et étant sorti en 2018.
Pas de doute lorsque l’on aperçoit la pochette : on est bien en guerre. Présentant une photo de soldat qui s’en va sur le front, dans un décor brumeux, à la limite de l’apocalyptique (mais cette guerre, ne l’était-elle pas ?), le tout sur un fond gris métallique, on croirait un livre sur cette guerre. Même la typographie pour écrire le nom de l’album est typique de l’époque avec cette police de caractère en forme de machine à écrire. Notons également que le CD en lui-même est typé, avec une croix de guerre et un aspect rugueux, comme un métal usé. Vous connaissez sûrement, pour ceux et celles qui nous lisent, mon attachement pour le travail qui est fait pour les artworks et leur rôle de contextualisation d’un CD ! Ici, non seulement FT-17 plante le décor avec soin et cohérence mais en plus le résultat est très plaisant. L’exercice est d’autant plus remarquable que le groupe a inventé son personnage de Marcellin Trouvé, jeune instituteur sans attache qui quitte ses élèves, pensant que la guerre sera rapide, et avec une certaine insouciance qui ferait déprimer n’importe qui au vu du contexte… En fait, c’est peut-être un peu débile, mais je vois bien le groupe FT-17 nous sortir une bande-dessinée avec un futur CD, ou un livre carrément ! Cela aurait le mérite de pousser la création du groupe à son paroxysme en tout cas.
Vous me direz, un groupe qui se démarque dans le sujet de son CD, ce n’est pas la première fois que cela arrive et ce ne sera sûrement pas la dernière ! Je suis d’accord avec vous. Mais ce qui m’a profondément touché, et très intimement plu, se situe dans la musique. Certes, le groupe propose du black metal, ce qui en soi n’est pas une extraordinaire avancée. Mais il y a quelques particularités qui font tout, à commencer par l’atmosphère générale. Je disais plus haut que la volonté de la pochette est de donner une dimension dramatico-apocalyptique, et la musique en fait de même. C’est simple, on plonge totalement dans les batailles sanglantes, comme le ferait un documentaire, et le plus impressionnant c’est que le black metal parvient à nous toucher au plus profond de nous-même, surtout si, comme moi, vous avez une partie de votre famille qui a subi ces guerres et que votre empathie naturelle n’est pas assez forte pour éviter ce transfert que l’on fait tous quand on écoute une chanson qui nous touche. Là, ce n’est pas un morceau mais tout l’album qui me touche parce que le black metal baigne tantôt dans la puissance, tantôt dans la tragédie. C’est difficile à expliquer mais vous prenez deux morceaux comme « L’armée des Taupes » et « l’Enfer de Verdun » et vous comprendrez où je veux en venir. Retenez en une phrase que rarement une musique black metal m’aura autant fait frissonner et m’aura autant touché dans mon Moi.
Mon adorable et délicat collègue, docteur-es death metal Antirouille, me disait qu’il adorait le black metal comme celui de FT-17, quand ce dernier avait une dimension aussi tragique. Je suis totalement d’accord avec lui ! On retrouve ensuite l’utilisation de quelques samples dans les morceaux, des bruitages de balles tirées par exemple qui ajoutent encore davantage de vivant dans la musique de nos Nantais.
Mais là où je suis complètement en extase, c’est devant l’utilisation intelligente des voix. Mélange savant de screams proposés par Tom Misein et de narration proposée par Hugo Chereul, alias Marcellin Trouvé, et même si je loue le talent de screameur du premier, le timbre de voix et le talent indéniable pour la narration du second est à mon sens le point fort de l’album. Parce que cette dernière participe au décorum général et – mon admiration pour les narrateur(e)s n’aidera pas à avoir un avis objectif – elle est brillamment exécutée. Bluffant car on devine, grâce à l’utilisation de la première personne du singulier, que le narrateur est bel et bien Marcellin Trouvé qui raconte son histoire, ou que le narrateur récite épistolairement son histoire et la resitue sur scène dans son costume de soldat, tout de bleu vêtu (quelle aberration de mettre des uniformes bleus quand-même, nos soldats étaient devenus de vraies cibles de choix pour les Allemands…)
Si je devais retenir un morceau (tâche ardue), je citerais « L’Armée des Taupes » vous l’aurez deviné vu que j’ai cité une partie du texte. Parce que, dans sa dimension apocalyptico-dramatique, l’album a son meilleur représentant avec ce morceau. L’introduction est lente et acoustique, la narration s’installe en pleine tranchée, les détails offerts sont à la fois dépressifs (dans tous les sens du terme) et macabres (quand il nous évoque l’odeur des cadavres de ses copains tués non loin de la tranchée, on s’y croirait), puis le black metal revient avec ce piano en fond qui se veut lancinant, le chant clair est encore plus triste que le reste, et le scream, peu présent, joue son rôle de brutalité de la situation. Les soli de guitare et de piano rajoutent encore plus de tristesse à la situation où l’on finit par des bruits de balles « perdues » comme dans une mêlée sans début ni fin…
Les textes sont quant à eux d’une grande qualité d’écriture. Sur certains morceaux comme « La dernière tranchée » on se croirait presque au front avec Marcellin tellement les textes sont bien écrits, avec suspense et action. Parfois la narration est poignante aussi. J’adore les lire car au-delà de l’aspect fictif de l’ouvrage de FT-17, la richesse des détails et le langage font que tout sonne d’une grande authenticité ! Excellents textes, rien à dire de plus !
Ainsi vais-je conclure cette chronique avec un sentiment confus, mélange de fierté et de mélancolie. Fierté d’avoir un groupe dans notre France bien-aimée qui parvient non seulement à faire une musique magnifique mais en plus à nous faire « voyager » dans le passé avec brio. Et mélancolie parce qu’au-delà de ce voyage temporel, c’est toute une époque catastrophique qui nous revient en pleine face, et FT-17 nous le rappelle avec un talent déconcertant. Rarement j’aurais eu un coup de cœur aussi intense pour un CD, et surtout pour un groupe. J’espère vraiment que vous allez persévérer et que vous aurez enfin la notoriété que vous méritez, parce que je réfute l’idée qu’un groupe comme le vôtre reste indéfiniment dans l’ombre. Alors, toi qui fais partie du public metalleux et qui nous lis, sors de ta zone de confort et de tes éternels groupes de foire, et va mettre en lumière les talents que l’on a chez nous comme FT-17 qui est indéniablement un groupe exceptionnel.
Tracklist :
1. C’est la guerre 01:13
2. La fleur au fusil 05:32
3. Les moissons sanglantes 05:00
4. Le revers de la médaille 00:46
5. Contre-attaque sur la Marne 05:21
6. L’armée des taupes 04:57
7. La perm 00:52
8. L’enfer de Verdun 08:24
9. La charge 04:58
10. Les lettres 00:36
11. La dernière tranchée 05:19
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