Heaume Mortal – Solstices

Le 1 mai 2019 posté par Bloodybarbie

Line-up sur cet Album


  • Jordan Bonnet – Batterie.
  • Guillaume Morlat – Guitare, basse, synthétiseur
  • Julien Henri – Chant

Style:

Black Metal sludgisant

Date de sortie:

28 février 2019

Label:

Les Acteurs de L'ombre

Note du chroniqueur (Gibet) : 7,5 /10

Je suis particulièrement joyeux.
La nouvelle est tombée il y a quelques jours : Oranssi Pazuzu sera la tête d’affiche de la seconde édition du Ravenous Altar à Lyon. Chaque chanson de ce groupe fantastique s’écoute comme on pourrait lire une nouvelle de Maupassant, d’Edgar Allan Poe ou de Lovecraft. Intense, sombre et halluciné, Oranssi Pazuzu est le genre de groupe à l’imagination débordante, qui défie les frontières de la musique pour la transcender, créer des images, des couleurs, des sensations que rien d’autre que le son ne peut exprimer.
Pêle-mêle et de genres divers, des groupes comme Blut aus Nord, Reverend Bizarre, Mithras ou Nightbringer me donnent cette étrange impression que les arts sont réunis : on n’écoute plus la musique, on la vit. On la vit comme on peut ressentir La Chevelure ou les montagnes hallucinées. Ces artistes donnent toujours du feel à retordre (c’est vaseux, navré) ; pénétrer des univers aussi complexes et singuliers demandent nécessairement des efforts mais, une fois que l’on apprend à les lire, à saisir la force de leur propos, de magnifiques expériences s’offrent à nous.

Si je nuancerais mon emphase pour parler de Solstices, le premier album de Heaume Mortal, j’aurais tendance à dire qu’il s’inscrit dans cette catégorie de groupe, proposant un savant mélange musical afin de peindre un paysage froid, aride, hostile. Et, forcément, il faut quelque part faire un don de sa personne si l’on veut se promener dans ce désert caillouteux, jonchés de rocs inconfortables et d’angoisses mouvantes, qui, si elles vous attrapent, risquent de mettre votre découverte à rude épreuve. Pour vous balader tranquillement dans ce genre de lieu, revoyez vos astuces de survie traditionnelles, les valeurs sures, et munissez-vous des outils les plus aboutis qui tendent à devenir des classiques : Burzum, Mayhem, Neurosis, Verdun entre autres. Vous voilà paré à un voyage risqué mais riche en secousses ! Fin de l’introduction démesurée, place à un prosaïsme descriptif qui, je l’espère, vous tiendra malgré tout en haleine parce que le côté grand-guignolesque de cette chro revient en force plus tard !

Au-delà de l’inspiration évidente de la scène black norvégienne marquée par la reprise très réussie de « Erblicket die Tochter des Firmament » de Burzum (rendue plus dense, plus viscérale et paradoxalement plus lisible et moins corrosive), il est difficile de définir clairement Heaume Mortal car le groupe est empreint de la facette la plus viscérale du Sludge, la froideur et la misanthropie du Black Metal et l’intelligence, l’esthétique de ce qui a pu se faire dans le mouvement Post-Metal. En plus de tout ça, on entend par moments des réminiscences hardcore évidentes (en même temps, c’est un side-project de Cowards). Ce melting pot d’influences propose une musique prenante que l’on pourrait qualifier, comme le fait Metalorgie, de ‘’Black atmosphérique’’. Malgré l’aspect fourre-tout de ce terme (il y a des années lumières entre Enisum et Summoning par exemple), il y a vraiment quelque chose de cet ordre-là : l’album dépeint un univers très singulier qui se transmet tant par la qualité et la richesse de composition – nous allons y revenir – que par les détails qui rendent lesdites compositions on ne peut plus immersives. On notera, par exemple, les incantations ésotériques sur « Oldborn » ou les samples de pluie sur « Yesteryears ». Je reviens rapidement sur « Oldborn », parce que malgré ses quelques longueurs, le morceau se termine sur une apothéose sensible raffinée qui, en humanisant l’album, le rend encore plus destructeur ensuite.

Hé oui, l’album bénéficie d’une finesse de production assez folle. Le morceau « Yesteryears », par exemple, qui ouvre l’album, pose des fondations black metal évidentes et les douze minutes du morceau nous ramènent dans cet esprit d’une musique qui se développe comme un panorama lugubre. Produit de manière à laisser vrombir la basse comme peut le faire Verdun, et à laisser s’exprimer le chant fou, déchiré et atroce et donc particulièrement réussi de Julien Henry, que l’on peut aisément rapprocher de celui de Niklas de Shining dans ses plus belles œuvres, ce premier album annonce le jusque-boutisme musical totalement assumé d’un groupe qui dépasse les frontières.

Le Black Metal se retrouve donc transcendé et finit par ne plus être du Black Metal du tout. Outre l’outro ambiante et le morceau « South of no North », qui est clairement une version un peu plus metal de Cowards (en gros, c’est la bagarre), l’album va tour à tour piocher dans les langueurs tristes du Funeral Doom sur « Tongueless », qui est un morceau splendide, ou dans les atmosphères des groupes de Post Metal à la Cult of Luna ou Neurosis dont l’héritage est à chercher dans les atmosphères hypnotiques et labyrinthiques.

Cette diversité et cette richesse ont d’ailleurs poussé le groupe dans le seul véritable travers de cet album : il s’époumone peut-être un peu. Les compositions sont très longues, très riches et très imagées mais le pavé est colossal et, par exemple, le choix surprenant de « South of no North » en tant que morceau et non de partie intégrante d’un autre montre que l’album a une limite : son homogénéité. L’exercice est toujours réussi mais l’album perd en immersion parce que chaque morceau diffère profondément.

Néanmoins, voyez-vous, cet album a le mérite d’être très bien réalisé et d’excellente augure. Sa richesse et son esthétisme raviront les fans de Black Metal pour hipster, parce que, malgré tout, ce Solstices permet à Heaume Mortal de se classer dans les meilleures sorties des Acteurs de l’Ombre.

Je me suis dit que je pouvais fournir ce petit texte, que j’ai écrit en écoutant l’album, c’est un peu l’image qu’il m’a inspiré.

« Respire. Respire. Suffoque. Tu verras, ça ira mieux après, tu dois bien passer par là.
Ses yeux s’exorbitaient, le soleil brûlait ses plaies et la plaine avait des allures de cercueil à ciel ouvert. Le vent apportait des centaines de petites bactéries venues grignoter les gerçures au coin de ses lèvres. Il hurlait. Le monde lui paraissait si hostile, qu’il se mit à gesticuler. Lentement. En hochant la tête. Frappant de son poing serré le vide. Les paumes purulentes. Et il fuyait l’invisible, souffrant de voir le gel de l’enfer consumer son monde ».

Tracklist : 
1. Yesteryears (13:38)
2. South of no North (2:10)
3. Oldborn (12:30)
4. Erblicket die Tochter des Firmament (reprise Burzum) (7:23)
5. Tongueless (part III) (12:38)
6. Mestreguiral (Instrumental) (9:45)

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