Line-up sur cet Album
- Græy Gaast : basse
- Vikser : batterie
- Crabe : guitare lead
- Zéphyr : guitare rythmique
- Adsagsona : chant
Style:
Black Metal MélodiqueDate de sortie:
07 juin 2024Label:
Les Acteurs de l'Ombre ProductionsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10
« L’amour peut être une houle de sentiments à la dérive qu’aucun coeur n’empêcherait de se noyer quand une vie vient de chavirer… » Pascal Desliens
Petit moment de nostalgie, cette chronique est, en effet, pour moi, l’occasion de me rappeler que le groupe présentement chroniqué ce soir, était le premier que j’inaugurais pour la reprise du partenariat avec Les Acteurs de l’Ombre Productions. Novembre 2022… C’est quand on vit une passion, qu’on se rend compte que le temps passe vite, mais parfois on s’en rend compte trop tard. Fin 2022 aura été un moment charnière dans ma vie personnelle, et je dois bien reconnaître que me replonger dans cette chronique me laisse un goût mi-figue mi-raisin. Aujourd’hui, je suis tout de même heureux de perpétuer comme je peux ce partenariat avec un label qui voit son roster se parer de groupes tout aussi talentueux les uns que les autres. C’est vrai qu’en matière de groupes talentueux, on a rarement vu un label aussi doué pour les dénicher, ces dernières années ! Je ne compte plus les chroniques objectives mais dithyrambiques qui m’ont été données d’écrire depuis bientôt deux ans. Presque un sans-faute, qui l’aurait cru à la fondation de ce dernier ? La vie d’un label, on s’en rend compte de plus en plus, cela ne doit pas être simple. Avec, en plus de cela, des groupes franchement bons à tous les niveaux, comment donner une forme d’équité dans la mise en avant ? Comment ne pas faire de jaloux ? Je me suis souvent posé la question de savoir s’il existe une sorte de favoritisme chez les labels. Alors, s’agissant des très gros labels, j’imagine sans peine que oui, car il y a des groupes qui sont devenus, avec les années des marques, des influenceurs, tout simplement. Mais dans les labels plus underground ? Et avec l’émergence de formations aussi dingues dans le paysage black metal français, scellant selon moi la place incommensurable qu’occupe aujourd’hui la France dans le monde metal, c’est en effet un risque. Mais en tout état de cause, au-delà de mes perpétuelles interrogations pompeuses, je suis surtout très fier de faire partie, de près ou de loin, de cette scène. Musicien amateur, chroniqueur, je suis réellement fier des gens que je rencontre, des groupes qui font leur trou, parfois à une vitesse phénoménale, vertigineuse. D’autres qui resteront dans l’ombre, mais qui donnent tout à chaque album, avec un talent qui ne demanderait qu’à éclater au grand jour. Alors oui ! On pourrait croire qu’ils vont vite, on pourrait croire qu’ils vont surpasser tout le monde. Mais je suis convaincu que la concurrence est rude et que, même si leur statut prend une ampleur folle, il n’en demeure pas moins que nos fiers marins et leur capitaine macabre de Houle vont avoir fort à faire ! Et ce premier album nommé « Ciel Cendre et Misère Noire » sonne déjà comme un sacré coup de tocsin ! Ou une corne de brume, c’est selon.
J’avais fait une belle présentation de Houle, en expliquant qu’ils sortaient leur premier… hem… album éponyme. Bon, erratum absolu : il s’agissait d’un EP. Le véritable premier album, en chair et en os de baleine, sort donc ce jour sous le nom de « Ciel Cendre et Misère Noire », et sous la bannière des Acteurs de l’Ombre Productions. Pour ce qui est du groupe en lui-même, il convient de savoir (enfin, ce n’est pas une obligation si vous êtes un campagnard comme moi et que vous n’aimez pas la capitale), que le quintet ne vient pas de la mer, mais se rapproche d’un point d’eau qui s’appelle la Seine, et qui a la particularité de réduire à l’état d’aspirine toute personne qui oserait s’y baigner ou qui voudrait se suicider. Vous l’aurez compris, le groupe Houle vient de Paris ! Là où il y aura les « supers » Jeux Olympiques… Alors, vont-ils porter la flamme ? Eux qui ont déjà, et c’est fulgurant, gravi bien des marches avec un seul EP et des prestations lives qui, apparemment puisque je ne les ai encore jamais vus en concert, marquent beaucoup les esprits. Il me tarde de corriger le tir d’ailleurs. Surtout que j’aime beaucoup les groupes qui parlent des océans, des mers dans un aspect très noir et obscur. J’avais d’ailleurs parlé de Skaphos, d’Ahab, pour faire le comparatif avec les océans comme concept. Alors, d’après vous, ce premier album va tenir ses promesses ? C’est ce que nous allons tenter de décortiquer.
Je n’avais pas été tendre avec le précédent artwork. Je le trouvais en effet simpliste et décevant dans le style. Le fond ne m’était même pas spécialement apparu comme évident. Au moins, force m’est de constater que pour ce premier album, les petits couverts ont été mis dans les grands pour lancer officiellement l’entrée dans la cour des grands. C’est vrai que la différence est flagrante, ne serait-ce que dans le style pictural de la pochette de « Ciel Cendre et Misère Noire ». L’ouvrage a été fait par Maena Paillet qui est une personne dont j’admire le travail sur les artworks, et qui ne fait aucunement les choses à moitié. Pourtant, je n’avais pas tellement reconnu le style sur le tableau peint pour Houle parce que les couleurs utilisées ici ne sont pas forcément les mêmes habituellement usitées sur d’autres ouvrages. Et surtout, sans vouloir faire des comparaisons inutiles, ce n’est clairement pas mon préféré de son travail. En fait, je l’aime bien si on s’écarte du champ des possibilités de création de Maena Paillet. Il reprend les codes attendus finalement pour un album de Houle et de son concept autour du monde marin et des noirceurs idoines, avec ce vieux rafiot qui se voit pris dans une tempête déchainée et particulièrement chaotique, prêt apparemment à se crasher sur des bas-fonds ou un rivage, et ce qui est frappant c’est que ce dernier crache non pas de l’eau de ses écoutilles, mais ce qui ressemble à un mélange curieux et liquide, pas rouge foncé comme du sang, plutôt comme une sorte de rouille liquide. Bon, j’imagine que l’effet escompté était de faire couler du sang, probablement ! Mais la teinte du rouge me fait penser à autre chose. Bref ! Ayant été en présence d’un format physique, je peux également parler de l’intérieur du CD que je préfère, à titre personnel, à l’extérieur. Le style avec les paroles est plus sobre mais plus parlant je dirais, avec les portraits des musiciens en format vieux tableau, et même le quatrième de couverture me plait davantage. C’est un peu triste comme constat, d’autant que je l’aime bien, l’artwork. Mais… Il y a un truc qui fait que je n’accroche pas spécialement. Peut-être la « facilité » de représentation pour l’univers de « Ciel Cendre et Misère Noire » avec la mer, la tempête, le bateau délabré, etc. C’est comme si cela manquait un brin d’originalité pour moi. Après, toute la question demeure de savoir quoi représenter quand on parle d’un univers musical aussi « évident » en termes d’images que le monde marin… Stylistiquement parlant, il est très beau ! Mais j’aurais vu autre chose, je ne sais pas exactement quoi ni pourquoi. Peut-être suis-je trop influencé par les artworks d’Ahab que j’ai toujours adorés… Mais à titre de comparaison, je préfère mille fois les photographies de promotion du groupe !
PS : par contre, il va falloir quand-même revoir chez qui le pressage s’effectue, parce que la qualité en format physique est bien bien en-dessous de l’image sur Internet… C’est catastrophique, la qualité de compression de l’image.
https://www.youtube.com/watch?v=Q_7H3ZYTMLQ
Pour ce qui est de la musique en première écoute, je ne vais pas faire original moi-même en disant que cette dernière va exactement vers mes espérances. Elle coche quasiment toutes les cases de la barre que je m’étais fixée pour parler de ce premier album forcément très attendu. On est en effet sur un black metal mélodique qui pousse son concept à l’extrême, avec une alternance de mélodies guitares, de passages lead très prononcés, et surtout une absence quasiment clinique de linéarité propre au black metal dans sa dimension old school. En d’autres termes, la musique est d’une richesse incroyable, et ne se repose pas sur ses lauriers, si j’ose dire. Je trouve cela même admirable d’être capable de composer un album huit titres aussi riche, en aussi peu de temps entre la sortie de l’EP et maintenant, à moins que la composition était déjà bien entamée avant. La singularité du black metal mélodique étant d’insuffler des atmosphères différentes et de faire un gros travail de recherche en ce sens pour donner une orientation musicale claire mais foisonnante, Houle remplit sa mission haut la main avec un vrai album conceptuel mais qui se donne le luxe au passage d’offrir des atmosphères différentes selon les morceaux composés. Je trouve cela super de creuser un concept aussi loin tout en n’enfermant pas un album dans un schéma précis, et je ne pensais pas possible d’interpréter le monde marin avec autant de noirceur. C’est là une des prouesses de Houle selon moi, de donner cette corrélation entre la noirceur / froideur du black metal et le mystère du monde marin, le presque sectarisme de ce milieu. En tout état de cause, les compositions sont extrêmement bien ficelées, bien conduites, et l’album s’écoute avec une fluidité magique. On sent qu’il y a du sérieux, de la maturité, et des objectifs de composition qui sont pointilleux, pas laissés au hasard, et que ce premier album « Ciel Cendre et Misère Noire » intervient uniquement pour donner un grand coup de balai sur l’échiquier des sorties black metal de 2024. En quelques mots, Houle est là pour faire de l’ombre et pour pulvériser tout le monde ! D’ailleurs, contrairement à l’artwork qui sonnait pour moi comme un aveu de facilité, la musique pousse son concept à l’extrême contraire en alliant à la musique des passages ambiants qui rappellent effectivement les fonds marins, mais aussi des ambiances sombres et pesantes, le tout associé à un chant en français qui permet une imprégnation totale dans l’univers, même si le chant me donnera quelques points de circonspection, mais on reviendra sur la qualité du son et du chant plus bas. Le reste de la chronique ne sera au final qu’un attardement sur des détails pour moi, parce que la musique, stricto sensu, ne souffre d’aucune contestation possible. Je pensais que j’allais être un peu déçu comme toutes les sorties que l’on attend avec l’impatience d’un marin pressé de retrouver son foyer, mais finalement, la grande force de Houle et de son album « Ciel Cendre et Misère Noire » a été de répondre à toutes mes attentes, ou presque, avec un culot déconcertant. Car de culot, ce groupe n’en manque pas ! Et d’ambition, c’est certain. En tout cas, ce premier album, en première intention, a rempli sa mission.
S’agissant désormais de la production de « Ciel Cendre et Misère Noire », c’est dans ce genre de sorties poussées au paroxysme qualitatif que l’on se rend compte du travail colossal à faire en studio. Et manifestement, ce dernier n’a pas fléchi devant le travail à fournir. Le son retranscrit ici démontre parfaitement le sens du mot « mélodique », puisque chaque instrument au service de la richesse composale, incluant les parties ambiantes de l’album, sont à une place idéale pour donner de la coloration à chaque piste particulière. Je ne suis pas un spécialiste du travail en studio, mais je me dis souvent que ce qui me plait dans les albums soit de black metal mélodique, soit de black metal atmosphérique, constitue comme ligne en commun le travail énorme à faire pour donner un son le plus parfait possible avec tout ce marasme d’instruments et d’ambiances à faire copuler ensemble. Ce que l’on recherche dans ce type de black metal demeure dans un alliage difficile à prendre (croyez-moi, c’est vraiment le cas…) entre le côté nasillard et froid du black metal et la dimension atmosphérico-mélodique qui demande un travail sur chaque note, chaque ajout. Bon, manifestement ici, le travail est largement plus que rempli au regard de la qualité du son de ce premier album. Les moyens ont été mis, le sérieux et le tatillonisme aussi, pour nous donner un premier album de grande qualité sonore ! Chaque instrument a sa place, le chant n’est pas trop mis en avant ni l’inverse comme cela arrive quelque fois, et la batterie aussi donne cette place rythmique primordiale pour accompagner les multiples changements riffiques qui incombent au style mélodique du quintet parisien. Mention spéciale aux ajouts ambiants du plus bel effet et le son des guitares qui est très agressifs aux oreilles, nous plongeant dans cette noirceur que veut Houle dans son univers. Excellent travail !
https://www.youtube.com/watch?v=hochHIzU-PQ
Je l’ai expliqué chaque fois que l’occasion se présentait, mais pour comprendre également pourquoi je suis attiré depuis le début par l’univers de Houle, il faut comprendre un élément personnel qui dicte ma vie un peu malgré moi. Je suis thalassophobique, j’ai peur de tout ce qui est sous l’eau et surtout de l’immensité de l’eau des océans. Il suffit que j’ouvre un magazine avec une photographie de fonds marins ou juste de l’immensité bleue de sous les océans pour être au bord du malaise. Comme toute personne souffrant de phobies, il m’arrive, dans un processus que l’on appelle dans le jargon psychologique « morbide », de me confronter à ma phobie en regardant des images ou des documentaires dans une attirance inéluctable. Et c’est la même chose en musique. Je suis très sensible aux groupes qui parviennent à retranscrire la « noirceur » de ma phobie dans leur musique et celui qui le fait encore aujourd’hui avec brio, même si le premier album est une référence pour moi, c’est Ahab. Je me rends compte finalement que « Ciel Cendre et Misère Noire », et plus généralement Houle, commence à prendre de la place dans la morbidité de ma phobie puisque même si la musique demeure moins noire que la précédente référence, il n’en demeure pas moins que l’évocation d’une forme de nostalgie dans la musique de Houle me parle beaucoup quand-même puisqu’on le sait tous, la nostalgie peut être vectrice de sombritude absolue. En fait, les parisiens m’offre une nouvelle vision possible d’interprétation de ma phobie, et leur univers est unique en ce sens où ils n’invoquent pas forcément des légendes marines, des mythes comme le Kraken par exemple. Eux interprètent finalement leurs propres visions de la noirceau des océans, des malédictions. Apporter sa touche personnelle dans des interprétations déjà établies depuis des lustres, je trouve cela vraiment génial. C’est la force des groupes de black metal mélodique que de faire cette recherche conceptuelle poussée, et je me réjouis d’avoir des groupes comme Houle dans le paysage black metal français rien que pour cette initiative.
Passons dès à présent au chant ! Je vais casser une idée reçue tout de suite : ce n’est pas parce que c’est une chanteuse que je vais porter aux nues le chant. Je le traite exactement comme n’importe quel chant, ce qui, j’en suis convaincu, n’est pas toujours le cas de la part des auditeurs. Mais c’est mon avis ! Quoiqu’il advienne, je trouve la technique vocale en saturation intéressante, puisqu’elle oscille entre un chant high scream et un chant plus hurlé, plus « vomi » comme je le dis vulgairement parfois. L’intérêt de proposer ce mélange de chant est de donner plus d’émotions, là où le high scream se veut linéaire et plus technique, plus sobre selon moi y compris dans des techniques old school. C’est une constante dans les sorties du label que d’avoir des groupes de black metal proposant un chant plus hurlé, plus sludge metal. « Ciel Cendre et Misère Noire » ne déroge pas à cette constante, Adsagsona allant sur des expérimentations vocales pour donner toute l’intensité des émotions. La rythmique du chant est également au service de cette décharge émotionnelle, et on le sent, car les textes, qui sont en français, sont chantés pour être compris, et cela, en tant que chanteur et parolier moi-même, je ne peux que l’applaudir. Et je sais que de plus en plus, le public français est sensible aux groupes qui chantent dans la langue de Molière tout en articulant et en rythmant les textes pour qu’ils soient compris. Adsagsona a donc quasiment parfaitement rempli sa mission aussi et les textes sont superbes. Cependant, j’ai un léger bémol à dire. Je trouve que selon les pistes, les parties narratives sont trop présentes et cassent un peu trop la dynamique des pistes. D’autant que les voix narratives, portées également par la même Adsagsona, sont trop variées pour que l’on y comprenne quelque chose. J’entends par-là qu’il est de bon ton de proposer la même voix en narration, or je la trouve trop changeante. En fin de compte, on ne sait plus comment interpréter ces dernières, si c’est un même personnage, si c’en est un différent, etc. Je pense que la prochaine fois, ce serait de bon ton d’embaucher un narrateur, ou que quelqu’un d’autre dans le groupe s’en charge. Pourquoi pas une voix masculine pour justement créer une césure narrative intéressante ?
Pour conclure, Houle nous propose (enfin pour certains !) son premier album nommé « Ciel Cendre et Misère Noire », après un déjà très remarqué premier EP éponyme. Depuis ce dernier, l’ascension du groupe parisien est fulgurante, bien aidé selon les rumeurs que j’entends par des prestations en concert qui marquent les esprits ! Ce premier album était donc, je pense, très attendu par les auditeurs et les fanatiques du groupe qui traitent comme concept du monde marin et ses noirceurs enfouies. Et au regard de la découverte de ce premier méfait, je crois que les gens ne vont pas être déçus du tout. L’album est excellent ! Fort d’un travail de composition intelligent et pointilleux, donnant la part belle à des ambiances très différentes selon les pistes et remarquablement mené en studio pour une qualité générale incroyable, « Ciel Cendre et Misère Noire » frappera à n’en pas douter un grand coup ! Hormis de menus détails un peu maladroits comme l’artwork et quelques passages en trop au chant selon moi, il n’en demeure pas moins qu’en restant très objectif, ce premier album est assurément une belle réussite ! L’idée d’amener l’auditeur vers les fonds marins les plus obscurs, et l’idée surtout de les faire remonter à la surface comme une chape de plomb dans la psyché, dictant finalement les interprétations superstitieuses les plus noires, Houle est résolument un groupe qui a trouvé la bonne recette pour séduire le public underground. Au-delà du black metal, c’est une musique complète et totalement au service des émotions qui nous est présenté ce soir. Et c’est tout ce qu’on demande, je crois. Bravo !
Tracklist :
1. Introduction 01:16
2. La danse du rocher 06:58
3. Mère nocturne 04:59
4. Sur les braises du foyer 07:02
5. Derrière l’horizon 04:28
6. Et puis le silence 01:18
7. Sel, sang et gerçures 06:48
8. Née des Embruns 12:07
Facebook
Bandcamp
Deezer
Instagram
Spotify
YouTube
Apple Music
Laissez un commentaire