Line-up sur cet Album
- Crabe - Guitare
- Græy Gaast - Basse
- Zéphyr - Guitare
- Adsagsona - Chant
- Vikser - Batterie
Style:
Black Metal MélodiqueDate de sortie:
18 novembre 2022Label:
Les Acteurs de l'Ombre ProductionsNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 9/10
« Puis il y avait les jours de tempête, les jours où le ciel si pur se voilait de nuages sombres, où cette Méditerranée si azurée devenait couleur de cendre, où cette brise si douce se changeait en ouragan. Alors le vaste miroir du ciel se ridait, cette surface si calme commençait à bouillir comme au feu de quelque fournaise souterraine. La houle se faisait vague, les vagues se faisaient montagnes. La blonde et douce Amphitrite comme un géant révolté, semblait vouloir escalader le ciel, se tordant les bras dans les nuages, et hurlant de cette voix puissante qu’on n’oublie pas une fois qu’on l’a entendue. » Alexandre Dumas
Cette chronique est l’occasion pour moi d’inaugurer un nouveau partenariat que j’espère pouvoir respecter sans faille, tant je me sens très reconnaissant de cette opportunité. Même s’il s’agit d’un rappel douloureux avec le départ de notre chroniqueur Arno qui assurait un énorme pourcentage des chroniques chez Soil Chronicles, et dont la plume et le savoir n’étaient plus à prouver, je récupère un peu le cadeau de Noël de l’enfant absent. Je suis un sale garnement! Mais donc, me voilà officiellement aux prises avec un label dont le sérieux et la réputation en France ne sont plus à démontrer, puisqu’il s’agit des Acteurs de L’Ombre Productions. Petit rappel : le label était à sa création en 2008 un webzine! Et oui! Consacré au metal, le webzine associatif était également un bon organisateurs de concerts en région parisienne, également des festivals dont le non moins connu Cernunnos Festival. Puis son co-créateur avec Cyril Planard, Gérald Milani, bien connu pour avoir été un musicien actif de la scène black metal française, a décidé de fonder un label afin de promouvoir et d’accompagner des groupes émergents français d’abord, puis européens ensuite, pour atteindre à ce jour un total de 34 groupes. A noter que le label est une association à but non lucratif, géré par des bénévoles uniquement. Inutile de se lancer dans une citation pompeuse de tous les groupes gérés par le label Les Acteurs de l’Ombre Productions, mais ce que j’ai toujours trouvé intéressant de la part de ce dernier est de toujours fonctionner au coup de cœur. Inutile de préciser que LADLO croule probablement sous les demandes de productions – j’ai moi-même tenté ma chance, en vain – mais chaque signature nouvelle semble être le fruit d’un coup de cœur, d’une décision prise par les impressions et les ressentis. C’est donc parfois de véritables pépites sorties d’on-ne-sait quelle terre fertile qui émerge sur le roster du label, et parfois la surprise est telle qu’on ne peut qu’aller à l’écoute de ces découvertes. Inutile également de préciser que le label sait se donner les moyens pour assurer une promotion digne, et du merch comme s’il pleuvait de l’or. Alors, pour cette première chronique qui j’espère sincèrement en appellera d’autres, j’ai décidé de mettre à l’honneur un nouvel arrivant sur le roster, et lui permettre d’avoir son album en release du jour pour demain. Voici donc venu le temps (maussade) de parler de Houle et de son album nommé éponymement.
Ce qui m’a tout de suite attiré chez Houle, c’est son nom. Alors, vous allez me dire qu’il ne faut pas grand-chose pour m’attirer, certaines vous diraient le contraire… Non je plaisante. Houle rappelle irrémédiablement surtout l’une de mes plus grandes phobies, qui demeure à ce jour quelque chose d’assez invalidant : les océans. Car oui, j’ai une trouille bleue pour tout ce qui est sous l’eau, avec tout de même une fascination morbide pour les projets artistiques qui évoquent la mer comme Ahab ou Skaphos pour ne citer qu’eux. En tout cas, Houle a été crée à Paris en 2021, et connait donc à ce jour sa première entrée en matière notable dans le monde musical. Autant vous dire qu’avoir sa première production qui sort chez Les Acteurs de l’Ombre Productions relève à coup sûr d’un gage de sécurité. D’ailleurs, « Houle » est un album éponyme, histoire de souligner davantage ce que peut représenter la houle, à savoir les petites ondulations sur l’eau qui sont formées par un vent éloigné. Tout cela sent bon le sel et le vague-à-l’âme. D’ailleurs, si j’en juge par les photos de promotion qui sont superbes et très macabres, on ne va pas faire rire les mouettes ce soir! Blague lourdingue, je sais…
Que dire de cette pochette? J’avoue être un peu circonspect. Je ne veux pas forcément dire du mal de l’album pour cette intronisation d’un partenariat, mais comme je demeure le plus objectif possible et que j’essaye surtout d’être honnête également avec tout le monde, je vais être un peu grimaçant. En fait, je m’attendais à beaucoup mieux. Le label m’avait habitué à des pochettes du plus bel effet, il suffit pour cela d’être abonné à leur page Facebook pour s’en rendre compte, c’était quasiment un sans-faute de mon côté. Là… Bon, on reconnait bien avec quoi Houle va faire son pain, si tant est qu’il ne soit pas trop noir pour la digestion, soit la mer et tout le folklore immense qui navigue autour. Mais n’y aurait-il pas eu moyen de faire mieux? Parce que ces traits grossiers, peints en blanc sur un fond noir avec des points jaunes moutarde qui sont manifestement les étoiles, je trouve cela justement un peu trop grossier et brouillon pour être convaincant. En fait, j’imagine sans souci que le groupe a voulu faire quelque chose d’assez « maison » pour une mise en bouche, mais il y a des productions de ce genre qui sont vachement plus attirants pour le regard. Là, on s’imagine peut-être un peu rapidement que l’on a des falaises bretonnes, typiques, avec de la craie blanche et des coccolithes, et que ces falaises surplombent la mer agitée voire tempétueuse au possible. Franchement, je m’interroge sur le bien fondé de cet artwork ô combien simpliste et maladroit sur la forme et le fond. Quitte à aller sur les sentiers battus de l’océan, autant pondre quelque chose de nouveau, ou en tout cas plus attrape-couillon que ce croquis banal et sans saveur. C’est un peu dommage parce que les critiques que j’ai pu lire sur Internet étaient unanimes sur la musique que propose « Houle« , bien aidé probablement par la communication du label et des chaines YouTube, à savoir que cette dernière était superbe. Il n’empêche que manifestement, les critiques se fichent des artworks… Parce que le son de cloche n’aurait pas été le même je pense. J’espère donc que Houle va faire mieux pour le visuel la prochaine fois, parce que sinon ce sera plus rédhibitoire pour moi. « Qui sème le vent récolte la tempête. »
Maintenant, il est bien évident qu’un visuel ne fait pas tout et heureusement! Parce que clairement, la musique de Houle vaut le détour. Arguant de produire un black metal mélodique, je trouve que l’appellation ne manque en effet pas de piquant, et mériterait que l’on détaille un peu plus l’étiquette que le groupe parisien s’est offert tout seul. Black metal mélodique, cela coule de source! Avec des riffs acérés et tranchants, ne jonglant pas sur la linéarité caractéristique d’un black metal old school, sans se détacher d’une production moderne et légèrement moins incisive que certaines productions du label par le passé, la musique offre un aspect qui mélange une forme de récits épiques et surtout, une forme de mélancolie. Parce que la mer rend n’importe quel marin mélancolique quand il ne se contente que de la contemplation de ses ondulations, on ressent tout le lien étroit entre l’Homme marin et la mer. Et c’est ce qui transparait principalement dans le black metal mélodique de « Houle« . Mélodique avec des variations riffiques qui offrent ces colorations mais avec aussi quelques passages en clean bienvenus pour couper l’ambiance oppressante. Le black metal est d’ailleurs un peu progressif sur les bords, avec des montées en puissance et des instants de pause plus tranquilles. Je sais que les deux groupes ne jouent pas la même partition, mais Ahab était coutumier sur son premier album de faire ce genre de compositions, tortueuses et puis qui se parent d’un coup, sans crier gare, d’une pause mélancolique et noire. Les mauvaises langues diront que Houle ne soulève pas les foules (c’était gratuit, ne me remerciez pas), et que son black metal n’est pas aussi extraordinaire qu’il n’y parait. Je pense qu’effectivement le black metal ici proposé n’est pas des plus originaux, mais on s’en fiche. Le plus important réside dans le concept autour, voilà la véritable démarcation! Et quand on a comme cela un concept aussi solide et poignant, car on sent que le compositeur principal de Houle a mis toute sa mélancolie et sa nostalgie dans les tripes de ses compositions, on ne peut que trouver que le black metal a une saveur spéciale. Celle de la mer, du sel et de toutes les tristesses qui l’accompagnent. Les morts, les femmes qui attendent au port un mari qui ne revient jamais, les enfants emportés par les flots. Moi, « Houle » me rappelle tout cela, et quand on est sensible comme moi aux émotions de ses amoureux passionnés de la mer, et de toute la mélancolie qui ondule dessus, alors on ne peut qu’aimer ardemment ce type d’albums.
Pour la production, j’ai déjà un peu vendu la mèche en disant qu’elle était moderne. C’est le cas. Exit les productions raw qui m’ont occupé ses derniers temps, et m’ont probablement un peu lassé. Je retrouve donc un son moderne, avec un black metal tranchant et agressif, mais avec un son beaucoup plus propre, carré, un peu épais quand-même histoire d’avoir un son de guitares moins incisif. La batterie a cette particularité d’avoir là aussi un son très propre, avec un côté moins « organique » qui donne le sentiment d’une programmation tant l’ensemble est net et précis, mais je me doute bien que ce n’est pas le cas, c’était simplement pour vous souligner avec une certaine humilité puisque je n’ai pas les termes techniques exactes la propreté de la batteuse qui envoie du bois mais pas tant que cela. Pour ce qui est du reste, les samples sont bien évidemment sur la thématique maritime, météorologique et avec beaucoup de bruits de vagues, cela va de soi. Le chant est très mis en avant ce qui n’est pas pour me déplaire d’autant que le chant est en français, ce qui n’est pas du tout pour me déplaire. J’apprécie vraiment une production avec un chant autant mis en valeur, et je salue cette initiative de Houle qui met vraisemblablement un point d’honneur à ce que le chant soit mis en avant le plus possible sans étouffer le reste, ce qui s’avère être mission accomplie. En fait, je pense que comme beaucoup de sorties de cet acabit, il va y avoir des réactions contrastées. Les puristes vont surement tomber sur le groupe pour le dézinguer au sujet de cette production moderne et propre, tandis que les autres, plus ouverts d’esprits comme moi, vont crier au très bon boulot. Il en faut pour tous les gouts vous me direz. Moi, j’ai tendance à aimer les deux cas de figure, mais quand j’entends qu’un groupe comme Houle, qui sort sa première galette avec autant d’entrain et de soin, je ne peux qu’encourager l’effort et le talent adjacent. Alors, excellent boulot les gars! Et que la mer de la critique soit clémente! Autrement, le bateau de leur mépris naviguera sur la houle de votre indifférence. George Abitbol, big up.
J’en ai déjà beaucoup dit précédemment sur les intentions du groupe, revendiquées et assumées comme étant la mer et ses tracas. Pour ce premier album éponyme, Houle va explorer selon ma compréhension les tourments liés à cette dernière. Ces émotions que l’on ressent d’abord quand on la contemple sans pouvoir aller à l’horizon, cette tristesse et cette attirance morbide quand on en connait les risques mais qu’une intuition nous pousse à affronter encore et encore, jusqu’à parfois en mourir. Je pense que l’album traite de ce lien paranormal entre l’Homme et l’infini de l’océan. Parce qu’il y a un lien totalement dépourvu de sens, les insulaires et autres habitants de ports vous le diront. Et je constate que les émotions sont totalement au rendez-vous de ce premier album, bien accompagnées par le black metal mélodique qui laisse apparaître des lignes de guitares pleines de noirceur et de dépression, tout en allant vers quelques relents épiques, car la mer est également porteuse de multiples légendes. La richesse de cet album n’est plus à démontrer tant les récits sont empreints d’intimité, comme si l’auteur nous ouvrait son cœur, et on ressent à la fois cette fascination et cette peur pour les vastes océans. Je pencherais pour ma part du côté de la peur, puisque comme je disais, je suis réellement phobique de tout ce qui est sous l’eau, et la perspective un jour de faire naufrage me fout la chair de poule. Alors, je ne peux que ressentir une profonde admiration pour ces amoureux de la mer qui en plus nous racontent des épopées et des souvenirs avec une telle passion qu’on ne peut qu’en rester pantois. Je ne suis pas tombé en pâmoison devant « Houle« , mais j’ai quand-même été happé par la force de ce premier album qui amène l’auditeur vers tout ce folklore plein d’humanité. C’est une excellente première!
Pour le chant maintenant, on est sur une chant en technique high scream caractéristique du genre black metal, avec toutefois des soubresauts en technique sludge, alternant donc des passages en cri strident tout en étant peu retouché, et en hurlement macabre qui font le bonheur des groupes de black metal estampillés sludge. L’intérêt de mélanger deux techniques comme celles-ci est justement de laisser exploser les émotions. Là où le high scream très linéaire ne laisse aller l’auditeur que vers la noirceur, le chant plus sludgien permet de donner une touche très importante de noirceur et de souffrance. Cela va donc de pair avec la musique précédemment détaillée, et je trouve l’idée d’aller sur ce chant est une donnée très importante dans le processus de composition de l’album « Houle« . En plus, comme le chant est en français, cela m’a permis de constater qu’il y a un gros gros travail de fait sur l’articulation, qui n’est jamais une chose aisée sur la technique en high scream. J’y suis particulièrement sensible, et mes collègues chroniqueurs le savent que j’attache une importance très spéciale à l’articulation des paroles. Alors, ici, c’est plus que réussi!
C’est marrant mais je suis presque un peu triste d’apporter un point final à cette nouvelle chronique. D’abord parce que c’est officiellement une de mes premières pour le label Les Acteurs de l’Ombre Productions en tant que partenaire. Ensuite, et surtout, parce que ce premier album éponyme du groupe parisien Houle m’a laissé un vrai sentiment contrasté. Le black metal mélodique ne souffre d’aucune contestation puisque la musique suit les sillons d’une mer tortueuse et agitée, le concept étant comme vous l’aurez compris autour de la mer et ses tourments. D’aucun dirait que la musique black metal n’a désormais plus beaucoup d’intérêt dans la quête de renouveau d’un public soit avide de cela, soit au contraire en répulsion d’une rénovation de ce style trop ancré dans ses racines. Chez Houle, la musique est propre, fait place nette à des mélodies envoutantes et tristes, dont transpirent les émotions de ces hommes nostalgiques qui restent à quai, contemplant l’horizon non sans risque mais qui les attire comme des aimants loin de leur raison et sans se retourner. Alors, celui qui jettera la première pierre par puritanisme outrancier sur cet album n’aura pas compris l’intention du groupe. Moi non seulement je l’ai comprise mais je l’ai adorée. Excellente découverte, un peu courte toutefois!
Tracklist :
1 Le Continent
2 Au Loin La Tempête
3 La Dernière Traversée
4 Sous l’Astre Noir
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