Note du Soilchroniqueur (Lusaimoi) : 9,5/10

Depuis ses débuts, le nom d’Hypno5e est entouré de mystère. Il possède cette part d’obscurité entourée de brume que seuls les plus fervents admirateurs peuvent espérer percer. Celle-ci ne vient pas du groupe en lui-même, , car les artifices intéressent peu le quartette. Ils ne portent pas de masques, n’utilisent pas de pseudo, se présentent à la scène comme à la ville. Cette aura énigmatique, chez eux, vient du plus important : la musique.

Des deux, l’une et l’autre était déjà une œuvre nécessitant de nombreuses écoutes et analyses pour être comprise. Acid Mist Tomorrow, s’il se montrait quelque-part plus accessible, car plus abouti, ne se révélait qu’aux plus persévérants, et ce avec une certaine part laissée à l’interprétation. Quant à Shores of the Abstract Line, il approfondissait tout cela, en le déstructurant, quitte à sembler confus dans un premier temps. L’an dernier, Alba, Les Ombres errantes, que je n’ai pu étudier, se concentrait sur le côté calme du groupe, se référant à l’autre projet des montpelliérains, A Backward Glance on a Travel Road.

Avec A distant (Dark) Source II, Hypno5e a décidé de pousser tous les curseurs pour nous perdre un peu plus. Son artwork, déjà, semble toujours aussi abstrait, grand, épuré et fourmillant pourtant de détails. Et surtout, il y a son nom, qui étourdit notre esprit de questions.
Que signifie ce « II » ? Où est la partie I ? Ai-je loupé un épisode ? Alba était-il la première partie ?
Un brin d’enquête nous apprend que le groupe a décidé de débuter un dyptique par le deuxième épisode, engendrant ainsi d’autres interrogations.

Et pour y répondre, l’écoute est le passage obligé qui rassurera les inquiets.

Hypno5e est bien là, et certains moment, tels que la deuxième partie de « A Distant Dark Source, part 3 », nous semblent si familiers qu’on devinerait leur paternité sans aucun autre indice. On y retrouve tout ce qui fait le groupe. Ce riffing si personnel, appartenant indéniablement à la famille du Metalcore mais reconnaissable entre mille, inimitable, qui nous prend et nous renverse dès « On the Dry Lake, part 2 ». Ces passages calmes, soutenus par ce chant cristallin toujours aussi beau. Cette absence d’entre deux, ce refus du compromis, jouant avec les contrastes, les amplifiant à l’extrême jusqu’à nous vriller l’esprit, faisant interagir fureur et douceur de toutes les manières possibles. Et ces textes issus de grands auteurs de notre littérature, coupés, recollés, remaniés pour former une œuvre nouvelle.

Hypno5e est passé maître dans son art et évite la redite en en explorant des facettes différentes. Ainsi, sur ce A distant (Dark) Source II, la violence prend une part plus importante. Pas en termes de quantité, j’ai même l‘impression que les moments planants – purs, fins, à l’écriture un peu plus subtile encore que sur les précédents LP – dominent ces 70 minutes, mais en intensité. Tout en conservant son côté alambiqué que beaucoup leur envient, le quartette n’a en effet jamais été aussi direct, frontal dans les moments saturés, comme cette utilisation de la double pédale sur « In the Blue Glow of Dawn, part 2 », « A Distant Dark Source, part 3 » et son passage très plombant, ou la fin de « On our Ba of Soil, part 2 ». Il en vient même à flirter avec le Death dans un final ô combien grisant.

Il est bien question de final, oui. Car A distant Dark Source II, s’il n’est qu’une partie d’un tout, est pourtant un album complet, au début strident, étrangement inquiétant, presque urgent et aux ultimes notes entrant en parallèle avec celles de Shores of the abstract Line. Là où il se différencie de ses prédécesseurs c’est qu’ici les différents titres semblent être indépendants les uns des autres. « In the Blue Glow of Damn », « A Distant Dark Source » et « On Our Bed of Soil », chacun divisé en trois parties, chacun représentant une variation sur une même construction originale, semblent fonctionner seuls, là où les plages d’Acid Mist Tomorrow et Shores of the Abstract Line formaient un tout. Et cette sensation, on la retrouve aussi dans l’histoire contée ici.

Acid Mist Tomorrow et les textes tirés de Camus ou Hugo laissaient à l’esprit s’imaginer les derniers instants d’un condamné. Shores of the Abstract Line semblait narrer la vie d’un orphelin, du moment où il est recueilli jusqu’à ses vieux jours. Là, les liens entre les emprunts semblent plus ténus et malgré notre volonté d’interprétation, la fin laisse plus de questions que de réponses. Qui est cette tueuse en série dont la présence nous vient de « La machine Infernale » de Cocteau ? Quel est son lien avec le jeune homme venu de l’œuvre de Musset que l’on aperçoit sur « In the Blue Glow of Dawn, part 3 » ? Est-ce d’eux que parle le narrateur issu de l’esprit d’Hörderlin au début de « On our Bed of Soil, part 1 » ? Ce sentiment, même si certains indices nous indiquent déjà qu’il est erroné, est exacerbé par des emprunts plus philosophiques à Jabès ou Camus, qu’Hypno5e égraine çà et là.

A Distant Dark Source II ressemble à un puzzle, lui-même pièce d’un puzzle, qu’il faut écouter tout en le laissant s’échapper. Il faut savoir laisser libre court à son imagination, son instinct, ses sens, pour espérer trouver une interprétation. Et les manières de l’écouter semblent nombreuses. Seul, en suivant l’ordre la logique numérologique, ou en préférant la logique choisie par le groupe pour nous présenter ces deux albums, mais aussi en le déstructurant et le reconstruisant pour rassembler les parties I et II de Tauca et On the Dry Lake. Il peut donc être à la fois envisagé comme tout et partie, qu’on analysera encore et encore, cherchant les significations tout en sachant qu’on ne pourra en saisir toute la portée. La marque des grands.

Tracklist:
1. On the Dry Lake – Part II
2. In the Blue Glow of Dawn – Part I
3. In the Blue Glow of Dawn – Part II
4. In the Blue Glow of Dawn – Part III
5. A Distant Dark Source – Part I
6. A Distant Dark Source – Part II
7. A Distant Dark Source – Part III
8. On Our Bed of Soil – Part I
9. On Our Bed of Soil – Part I
10. On Our Bed of Soil – Part III
11. Tauca – Part II (Nowhere)

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