Line-up sur cet Album
- R.S – Batterie
- M.N – Guitares, chant
- F.C – Chant, guitares
- A.C – Basse
Style:
Black MetalDate de sortie:
20 mai 2022Label:
Les Acteurs de l'Ombre ProductionsNote du SoilChroniqueur (Seblack) : 10/10
Il y a près de deux ans maintenant Fin de Règne se terminait avec “Triste Sire” sur la déchéance d’un monde et de son souverain. Une porte se refermait et, sans le savoir, une autre s’ouvrait. Derrière cette porte, le noir. Un noir absolu. Un noir d’où a fini par émerger une cathédrale de pointes rouges acérées. Une cathédrale où trône un H en majesté. Le H d’Hyrgal.
Telle est la première vision qui s’offre à nous pour ce troisième album, toujours chez Les Acteurs de l’Ombre Productions. Cet album n’a pas de nom. Par commodité, certains lui donnent le nom d’Hyrgal, mais dans les faits c’est un album sans nom, telle une entité divine ou diabolique que l’on ne peut et ne doit pas nommer…à moins que ce choix ne soit dicté par la volonté de son créateur de renoncer à cette norme consistant à donner un titre à un album. Peu importe la raison finalement…car cet opus mérite bien son titre d’album sans nom.
Ceux et celles qui avaient écoutés Serpentine et Fin de Règne avaient, probablement, déjà dû ressentir en Hyrgal une rage absolue qui montait et surgissait de certains titres, comme un animal sauvage vous sauterait à la figure.
Et bien ici, soyez prévenus, la bête se délivre de ses dernières chaînes et va se déchaîner sans trêve. En musique comme en paroles cet album est un brasier. Clément Flandrois, la tête pensante d’Hyrgal, livre une prestation remarquable que ce soit du point de vue des compositions, du chant et des guitares. Un son de guitare qui est toujours aussi rugueux et plus encore peut-être, tout comme le chant en français. Les paroles sont venimeuses et écrites dans un style que beaucoup d’écrivains pourraient lui envier.
Le renfort de nouveaux membres se fait plus que positivement sentir. Remy Serafino délivre une prestation hors normes à la batterie et Alexis Chiambretto (déjà présent sur Fin de Règne) contribue lui aussi largement au poutrage rythmique. Enfin l’arrivée de Mathias Nagy à la guitare permet aux compositions de prendre une densité supplémentaire. On reconnaît immédiatement le style d’Hyrgal mais celui-ci s’enrichit et se complexifie sans perdre cette énergie presque live. Plus encore, le groupe, propose une œuvre débridée, sans retenue et habitée par une philosophie sincère et totalement assumée.
Hyrgal éructe toute sa rage, une rage sacrée, brandie comme un étendard au-dessus d’un monde médiocre, futile et finalement inutile.
Cette œuvre semble marquer un point de non retour, celui à partir duquel on renonce aux faux-semblants, celui où on décide de se détourner de la masse et de sa conformité pour embrasser totalement sa vérité, quand bien même celle-ci serait hantée par la révolte et la haine :
«Les portes sont scellées, closes d’un monde de faiblesse
Les voies sur l’infini, dans la lumière de la vérité
Apparaissent en chemins de haine,
Formateurs des révoltes
Là où brûlent vos Edens
Et où le Mal l’emporte »
Plus que les précédents, encore, cet album, est viscéral. Il vient des tripes aussi bien que du fin fond de l’âme. C’est une œuvre radicale sans compromis qui vomit son fiel à la face de ce monde voué à sa propre perte. Les braises de la haine et de la noirceur couvaient, elles sont désormais ardentes et s’embrasent. Ce Diable qui se débattait dans la caverne où il était enfermé est désormais libre, totalement libre. Cet album est celui de sa renaissance. Ce diable ce n’est pas celui qu’on invoque lors de cérémonies raffinées dans quelque demeure bourgeoise, ce n’est pas un diable de salon. C’est un diable qui rode au fond des bois et nous épie au-dessus d’un pic rocheux. Et quand il vient errer dans notre âme il devient cette conscience qui nous montre nos chaînes et nous appelle à les rompre. C’est ce diable qui nous pousse à faire un pas de coté ou à s’élever pour mieux contempler la vacuité de ce monde laid. Ce diable, c’est celui qui allume des brasiers dans nos yeux et nous donne envie de passer cette terre par les flammes :
« Et des ruines du temple s’échappent les flammes
Rédemption ardente embrassant les monarques
Scrutée des sans-noms, sous les astres en disgrâce
Le diable avance, renifle dans vos taudis ».
Enfin libéré ce diable maraude. Dans la « Foudre puis la Nuit », on l’entend s’approcher, telle la nuée portant l’orage. Sa sentence tombe comme la foudre éteignant la lumière artificielle des jours. La clarté cède à la nuit, le silence au bruit. L’ambiance se fait rampante, mystérieuse et implorante. L’ancien temps est révolu, un nouveau se dessine, sous un fracas de cris rauques et de guitares triomphales : il avance et rendra coup pour coup et plus encore.
Nul retour possible sur ce sentier de la renaissance. On ne se joue pas du diable. Dans « Vermines» et « Serment de Sang », le temps de l’allégeance et du pacte approche, dans des ambiances empreintes de solennité et lourdes de menaces, peu à peu le lien se noue. Le final se charge de menaces incandescentes, déjà les premiers cris de terreur se font entendre….
« On en fait le serment
Tout deviendra noir
comme dans les bras de Thanatos
Rite de sang
Délivrance
La lumière s’échappe pour faire place au néant
Les textes sont clairs
Ça joue cartes sur table
Notre soif est sanguinaire ».
Ces cris d’épouvante, ces gémissements on les retrouve dans les ambiances apocalyptiques de « Fureur Funeste ». Le déluge de feu promis s’abat impitoyablement. Les implorations des uns ou des autres n’y pourront rien, le feu dévorant de la musique, les cascades de mots fielleux ravagent tout, impitoyablement. La fin du morceau se veut plus contemplative et prend des accents solennels de solitude, tel un survivant qui contemplerait le champs de bataille. Le « nous » cède la place au « je ». L’âme de l’homme et la bête ne semblent faire plus qu’un.
« Enfin seul, dans les Ténèbres je me tiens
J’enchaîne mon âme au diable, à la mort
J’empoisonne mon cœur du venin de la colère
Et que suinte sur vous mes relents délétères ».
« Au Gouffre » qui referme l’album est en quelque sorte ce point de non retour évoqué plus haut. Sur un rythme enragé et menaçant, la rupture avec le monde est définitivement scellée. Les instruments, le chant, tout irradie de haine et de flammes. Une certaine affliction la traverse mais loin de l’infléchir, elle ne fait que l’embraser.
La boucle est bouclée, le Rubicon franchi et Hyrgal livre ici une œuvre sans merci. Un Black Metal total. Un Black Metal rugueux où on s’abime. Un Black Metal enflammé où on se brûle. Un Black Metal suffocant où on étouffe. Un Black Metal qui frappe par la densité de sa musique autant que par l’intensité de son verbe. Un Black Metal sans nom pour un album sans nom. Un album et un groupe qui ne trichent pas et ne transigent sur rien. Diabolus in Musica.
Tracklist :
1. Diablerie (05:24)
2. Légende Noire (05:58)
3. La Foudre Puis la Nuit (07:15)
4. Vermines (06:17)
5. Serment de Sang (03:42)
6. Fureur Funeste (05:17)
7. Au Gouffre (04:01)
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