Line-up sur cet Album
Julien Prat : Tous les instruments, chant guttural Yannick Dilly : chant clair
Style:
Doom Metal AtmosphériqueDate de sortie:
9 octobre 2020Label:
Finisterian Dead EndNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 9,75/10
“J’ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d’or d’étoile à étoile, et je danse.” Arthur Rimbaud
Il est important, avant d’aborder cette chronique et surtout l’album à venir, de savoir qui est Ixion. Ce n’est pas un personnage lambda, qui plus est de la mythologie grecque. Ixion est probablement l’un des personnages les plus controversés et les plus mal perçus par les grecs. Issu de la tribu des Lapithes, Ixion a quelque peu été désinvolte dans tout ce qu’il a entrepris, un peu « l’escroc » moderne. Ayant d’abord dupé son beau-père Eionée en n’accomplissant pas son serment de présent nuptial, puis en le tuant en le jetant dans un trou rempli de braises ardentes, il alla ensuite jusqu’à tenter de duper Zeus lui-même en… Séduisant sa propre femme, Héra, reine des Dieux! Ni plus ni moins. Evidemment, l’entreprise échoua et Zeus usa de sa ruse en le faisant se reproduire avec un nuage aux traits de Héra du nom de Néphélé pour le surprendre, et le condamna enfin à l’un des châtiments les plus affreux qui soient : précipité dans le Tartare, attaché avec des serpents à une roue enflammée et ailée qui tourne pour l’éternité… Les grecs ne manquaient pas d’imagination pour se faire peur n’empêche! Même dans le pire des films de la saga Saw il n’y a pas plus cruel. Facile, on le pressent bien, de choisir une telle référence pour aller faire de la musique comme le propose donc le groupe hommage (peut-être), en tout cas éponyme : Ixion.
Mais l’Ixion musical ne vient pas de Grèce! Mieux que cela : ils nous viennent de France! Et plus précisément de Bretagne qui conserve décidément un vivier bien inspirant. Alors, pour présenter le groupe, il est bon de savoir qu’Ixion est en fait un duo, avec un compositeur et multi-instrumentaliste qui s’appelle Julien Prat et un chanteur clair qui se nomme Yannick Dilly sachant que ce dernier n’intervient dans le groupe que depuis 2009 et que Julien Prat a fondé Ixion en 2004. Donc, nous pouvons penser qu’au départ le projet devait être un one man band. Groupe prolifique avec une démo en 2007 et quatre albums en 2011, 2015, 2017 et ainsi le dernier, L’Adieu aux Etoiles, nom poétique qui plante un décor assez céleste. La particularité notable du groupe est d’être un fidèle du label Finisterian Dead End, qui a produit ses trois derniers albums. Une telle longévité auprès d’un label ne peut qu’être un gage de réussite pour ce dernier album, je pense qu’il faut se rappeler la difficulté pour les groupes de trouver un label aussi solide que ce dernier, je pense donc, fort de ce constat, que l’album s’annonce prometteur.
En tout cas, sans déconner, la pochette est vraiment magnifique. J’en prends plein les yeux, j’ai l’impression de voir comme un extrait de film en 3D au cinéma. Bon, mauvais exemple en vérité, d’une part parce que je déteste la 3D au cinéma, et d’autre part parce que l’image n’est pas en 3D… Disons que j’ai l’impression de voir une superbe affiche de science-fiction mais au niveau d’un blockbuster. La qualité graphique est tout simplement exceptionnelle. Je ne sais pas qui a fait ce travail colossal mais j’en viens à faire ma génuflexion réservée normalement au monstre-spaghetti devant ma passoire, pour le graphiste. C’est vous dire! Je pense que si Ixion n’était pas un personnage, certes clef, mais mortel de la mythologie grecque, à l’image de cette pochette et dans sa qualité visuelle, il serait un Dieu. Ce décor étoilé avec moultes détails, cette espèce de trou noir qui fait penser à un vaisseau et qui semble non pas aspirer mais faire d’une spirale géante toutes les galaxies de l’univers, j’y vois un peu un métaphore dans la dangerosité égocentrique de l’Homme, que ce soit en général ou dans sa conquête spatiale. Le titre d’ailleurs pourrait être une sorte de référence de ce genre, j’aime vraiment le titre et la corrélation qu’il peut exister avec l’artwork. J’adore l’aspect scintillant des galaxies que j’ai pris au début pour des étoiles, ou des pierres précieuses. Et je devine, en voyant le design du logo d’Ixion, que le groupe propose une atmosphère très spatiale, sinon industrielle dans son sens élargi. Tout est raccord, parfaitement à sa place. Vraiment l’un des plus beaux artworks qui m’aient été donné de voir et d’étudier. Incroyable.
La musique est, pour ainsi dire, exactement aussi exceptionnelle que l’artwork. Vous savez immédiatement où vous mettez les pieds comme cela. Je suis franchement impressionné de savoir que l’on a un groupe de doom metal aussi excellent en France. Je connaissais Angellore et son doom symphonique, voici Ixion et son doom atmosphérique! La première écoute de l’album, faite sans faire exprès la nuit, m’a fait un effet éloquent : j’ai plané jusqu’aux étoiles. Je pense que le terme « bader » est de rigueur parce qu’au-delà de l’aspect spatial qui étiquette à merveille le côté atmosphérique de l’album, il y a surtout une redoutable mélancolie dans la musique doom de l’album. L’Adieu aux Etoiles est le nom d’album qui n’a jamais semblé aussi bien taillé pour le dit album, tellement c’est l’exact résumé de ce que l’on ressent quand on se morfond littéralement dedans. Réduire à l’amer sentiment romantique qui consiste à contempler les étoiles avec votre bien-aimé(e) ce CD est une grave erreur : c’est une véritable envolée dans l’espace.
Parmi les nombreux points forts de l’album, on découvre comme souvent dans mes chroniques la production qui est, ici, excellente. Je n’ose même pas imaginer la progression qu’a montré le groupe pour arriver à un son aux petits oignons comme celui-ci, qui parvient à mélanger habilement un doom metal intelligemment « lourd », c’est à dire ce qu’il faut sans tomber dans l’exagération comme un doom metal old school, et des samples qui se mêlent entre de l’industriel et de l’atmosphérique. Parfois les uns affichent leur ferveur ensemble, parfois ils sont séparés cela dépend des pistes de l’album. Néanmoins, il y a eu un énorme travail de production faite en studio avec un mastering quasiment parfait, dans lequel chaque instrument trouve son espace d’expression sans se faire piétiner par les autres. En tout cas la qualité est totalement au rendez-vous, rien à redire de plus! Un bijou.
Mais je pense que le paragraphe le plus important doit être mis pour la musique en elle-même. La production a totalement sublimé ce doom atmosphérique qui est d’une incroyable composition. J’adore le côté très planant, on décolle de manière onirique, presque hypnotique du sol, comme si notre âme s’enfuyait vers d’autres galaxies. C’est la grande force de cet album : planter un décor hyper précis, pour nous laisser voguer intérieurement. La musique est un doom metal qui a sa place mais qui n’est pas la plus prépondérante tant les parties metal sont ici en accompagnement plus qu’en base principale. La magie de l’album, ce sont ses samples, clairement! Oscillant entre des envolées en nappes de claviers, en banque son très nocturne ou simplement un peu électronique, voire même quelques instruments inattendus comme ce piano au début de » Pulsing Worlds », le pari le plus risqué pour Ixion était sûrement de se démarquer des autres groupes d’atmosphérique qui ont tendance à surfer sur la même base assez retors, pour ne pas dire pompeuse. Là, c’est tout simplement net et sans bavure que l’atmosphère est céleste, nocturne et emmène parfois aux confins de l’espace. Et je pense que cet élément doit être considéré comme THE argument de « vente » de l’album L’Adieu aux Etoiles. Pour une fois qu’un groupe a son univers musical et conceptuel propre, sans passer pour un vulgaire suiveur de mode ou copieur de bons groupes atmo, il n’en faut pas plus, je pense, pour aller écouter ce chef d’œuvre absolu. D’ailleurs, sept morceaux d’une longueur raisonnable sont encore un argument de poids car le CD s’écoute sans pause, ni retenue, et accompagnera sans conteste vos soirées de solitude à regarder par votre fenêtre. Je récapitule une dernière fois : la musique est absolument l’alpha incontestable!
Je salue au travers de ce précédent paragraphe l’intelligence dans le travail de composition des musiciens. J’aimerais également faire un apparté sur leur qualité en tant que tels même si souvent les deux sont liés. Ils sont deux dont l’un qui compose, j’imagine, pratiquement tout, ce qui démontre une formidable accointance entre les deux mais une direction bien précise. On ne le répètera jamais assez l’importance d’avoir une main de maître pour guider tout le monde et je pense que Julien Prat fait partie de ces musiciens qui savent exactement ce qu’ils veulent. Franchement, produire quatre albums sur le même (gros) label quand on tient tout seul les rames de son embarcation avec parfois un mousse pour relever davantage la voile, c’est que l’on a énormément de qualités. Et quand vous écouterez l’album en question, et surtout les liens fournis là, vous comprendrez ce que je veux dire. Je salue donc bien bas le duo qui forme Ixion pour leur talent et leur intelligence.
Et le point d’orgue de L’Adieu aux Etoiles réside dans le chant. Ou plutôt « les chants », même si je m’attendais en découvrant qu’il s’agissait d’un duo musical avec un chanteur clair, qu’il y ait plus de chant clair justement. Il y a peu de vraies innovations, on a surtout un chant grunt grave très dominant, et quelques passages en clair très discrets qui sont là pour appuyer l’aspect atmosphérique mais sans être superflu. Je trouve ces deux derniers particulièrement bons, et j’ai effectivement quelques regrets de ne pas avoir un chant clair aussi précieux. C’est assez rare pour être souligné : j’aurais aimé que Yannick Dilly ait plus d’importance, je trouve qu’il y a un déséquilibre entre les deux. Après, l’intelligence de composition atteint son paroxysme quand on s’aperçoit que les chants ne sont pas trop présents. Cela fait énormément de bien d’entendre un chant bien placé, sans exagération et sans être trop envahissant, et je pense qu’encore une fois cela souligne tout le bien que je pense de nos musiciens bretons quant à leur fonctionnement ensemble. Dommage néanmoins que je n’ai pas pu avoir les textes, j’aurais pu les demander vous me direz…
C’est le moment de finir ici cette nouvelle bafouille. Je suis ravi de constater que le doom français a de très beaux jours devant lui et la dernière sortie d’Ixion ne me laisse pas indifférent. D’abord parce que, pour accoucher d’un album aussi bon il faut avoir un cocktail de talent et de savoir-faire au summum, et je pense que le duo de musiciens qui a pensé et mis en scène cet album est un vecteur monumental de réussite ensemble. Et ensuite parce que, dans L’Adieu aux Etoiles, tout est bien ordonné, bien composé et bien sonorisé. Le concept est aussi l’un des points forts avec pour une fois un changement radical de thématique pour faire vivre le côté atmosphérique, on a un décor spatial, planant et très empreint de nostalgie. Un album qui fait voyager jusqu’à un univers sûrement bien meilleur que l’image que l’Homme renvoie inexorablement du sien. C’est un album qui frôle la perfection, un vrai bonheur auditif qui ravira bien plus que les amateurs de doom. D’ores et déjà dans mon top 3 de l’année 2020!
Tracklist :
1. Stellar Crown
2. Havoc
3. The Great Achievement
4. Progeny
5. The Black Veil
6. Pulsing Worlds
7. Farewell
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