Combien de fois au détour d’un sordide rayon mal éclairé d’un non-moins sordide revendeur, combien de fois, nous est-il arrivé de tomber sur la perle rare et inconnue, seulement attiré par un artwork soigné se démarquant de la masse sombre des productions environnantes. C’est un peu, ce qui m’est arrivé avec cette nouvelle production de Jarboe, mais pour la raison un peu particulière que c’est son côté relativement laid, qui m’a d’abord aiguillonné puis attiré. Et oui, car Jarboe, je ne connaissais pas. Pourtant, l’américaine n’en est pas à son coup d’essai. Ex-Swans, participante occasionnelle chez Neurosis, A Perfect Circle et Kirlian Kamera, la miss possède une discographie déjà bien chargée, et cette nouvelle production ne dérogera pas à la règle musicale élaborée sur les précédents opus.

Une complainte lancinante, troublante, ainsi se dessine, fugitivement, Mahakali, déesse hindoue du Temps, de la Mort et de la Délivrance, mère destructrice et créatrice. Bien plus qu’à des titres ou des chansons à proprement parlés, ce sont à de véritables pièces musicales épiques que nous confronte la lady, des odes impies scandées en l’honneur de la sombre déité, nous emmenant, au grée de rythmes tribaux, aux frontières de la folie, vaporeuses et distordues, là ou peu d’esprits sains en sortiront indemnes.

Une première partie de disque suintant l’humidité, la boue et la pourriture, improbable mixture entre une musique ambiante et un Pink Floyd sous amphet’ empreint de spiritisme et dénotant une rupture certaine avec la seconde moitié de l’album, tout aussi mystique et sordide, mais donnant cette fois-ci un caractère plus âpre et sec à ce sulfureux panorama musical, sachant alterner les atmosphères et même jouer la carte de la sensibilité au détour de quelques morceaux plus bluesy. Jouant de ses relations, Jarboe/Mahakali agrémente sa collection de crânes, le temps de fructueuses collaborations avec Attila Csihar (Mayhem) et Phil Anselmo (ex-Pantera, Down) en témoigne cet acoustique ‘Overthrown‘, brulant et poisseux.

Mêlant parties acoustiques, hurlements psychédéliques et lignes vocales malsaines et susurrantes, Jarboe vous invite à son orgie grunge, fresque en 16 actes, déconstruite et dérangeante, se mouvant en arabesques instrumentales tortueuses, bruitistes et parfois nihilistes. Jarboe s’impose ici en Queen Adreena du nouveau siècle, icône à idolâtrer puis à bruler vive en un bucher purgateur

Assurément, un disque qui ne pourra laisser indifférent. Coup de génie pour certain, monumentale esbroufe pour d’autres, Jarboe se pose en nouvelle égérie post-metal, crade et révoltante, mais ô combien intrigante.

BODOM.