Note du SoilChroniqueur (Quantum) : 7.5/10

“Le poète est à la fois le plus solitaire et le moins solitaire des hommes.” Charles-Ferdinand Ramuz

Je cherchais une introduction à mettre, mais exceptionnellement il n’y en aura pas, j’ai fait suffisamment attendre le groupe comme cela. Voici donc la chronique de Kade Storm et son album « Ascencion« ! Simple mais efficace pour une fois.

Kade Storm est le groupe éponyme d’un artiste originaire de Suède mais qui vit vraisemblablement à Londres, en Angleterre. Après, ce que dit Metal Archives est à prendre avec des pincettes de temps en temps parce que le reste est relativement flou, fruit d’une sorte de silence sur les réseaux sociaux où le gonze n’est pas hyper présent. D’autre part, je suis très surpris de constater que notre camarade a fondé son one-man band en… 2003. Pour au final seulement deux sorties, un album en 2014 au nom de « Beyond Blood & Ashes« , et le fameux « Ascension » qui est sorti cette année. Du reste, aucun label pour sortir cet album ni le précédent, on reste sur un groupe qui semble très ancré dans l’underground, ou au pire simplement actif quand le musicien a envie qu’il le soit. Rien de franchement sérieux, c’est le sentiment que j’ai à la lecture de la biographie du groupe. Après, cela peut avoir du bon, d’avoir un musicien qui mène sa barque tout seul au gré du vent, sans se soucier des sorties potentielles ni du résultat sur le public! Moi, je pars en tout cas sur des bases objectives, le plus possible. On verra bien.

Pour l’artwork, je n’en attendais pas grand-chose donc le style très primaire et mille fois aperçu ne me choque guère sur ce contexte. Jouer la carte du satanisme et de la démonologie de nos jours ne veut selon moi plus rien dire, sauf une énième tentative de surfer sur une légende venue de Norvège où les églises brûlaient, où le meurtre et l’Inner Circle étaient légendaires. Après, quelle symbolique cela peut avoir sur la musique, c’est une autre paire de manche. En tout cas, pour de l’autoproduction, je préfère de loin cette pochette qui montre quelques signes reconnaissables et qui graphiquement parlant est plus soigné que le premier album qui était carrément kitsch et non-avenu. Au moins on devine via l’artwork que l' »Ascension » fait référence à une sorte de spiritualité vers tout ce qui est démonologique, ou du moins ce que prône une des nombreuses formes du satanisme selon laquelle une fois l’apothéose atteinte, la mort apparaît comme l’unique but. Quelque part, j’aime bien cet artwork, je me dis qu’à défaut d’originalité, la pochette est au moins raccord avec tout un tas de choses autour de l’album. C’est tout ce qu’on lui demande au final.

Je préfère vous l’avouer tout de suite : cela faisait un moment que j’étais sur l’album pour en faire la chronique. Sauf que je sortais d’une série peu reluisante de chroniques où j’enchainais les déceptions, et au premier abord Kade Storm partait pour être du même style. Alors j’ai attendu un peu, histoire d’en faire d’autres plus avenantes. Ce qui m’a posé problème au début et que je n’explique pas à ce jour, c’est la production. Autrement, la musique de Kade Storm était plutôt alléchante sur le papier, un blackened doom metal comme il fait, j’en mange souvent et j’aime bien cela. Mais inexplicablement, les premières approches m’ont rebuté à cause du son. Et puis, un jour, j’ai eu la bonne idée de mettre « Ascension » pour faire du sport en salle (oui, je sais… Je dois être le seul énergumène à mettre du doom metal pour faire de la musculation), et je me suis aperçu que finalement la production n’est pas si mauvaise que cela. Je détaillerai un peu plus en bas, mais une fois cette appréhension passée, « Ascension » s’avère être un très bon album! J’ai été bien surpris par le contenu qui malgré la longueur des pistes est relativement court, presque un EP selon moi. La variation riffique est contenue sur deux changements par morceau en moyenne, peut-être trois fois sur l’un, mais globalement la démarche reste typiquement minimaliste. Après, j’ai vraiment bien aimé les ambiances, avec des incorporations ambient de bon aloi. Mon seul reproche et qui va avec toutes les pistes est que le chant n’arrive pas assez vite, il faut parfois attendre cinq minutes, cela fait beaucoup. Je veux bien que l’on pousse à l’extrême le minimalisme doomesque, mais de là à attendre autant pour ajouter du chant, si bon soit-il, c’est un peu casse-gueule. Après, je dirais que l’album est très intéressant, je ne me suis pas extasié pour autant, qu’on soit clair, mais j’ai bien aimé. Il y a une vraie sphère ambiante qui donne le sentiment d’être en plein marasme spirituel, ce qui est un bon point. Cela veut dire que l’album fonctionne bien, et je félicite sincèrement Kade Storm pour cela, en mettant de côté que je ne suis pas spécialement en orgasme.

Du reste, c’est encore une fois la production de l’album qui me questionne. J’étais beaucoup plus sévère en première instance, croyez-moi! J’ai quelque peu revu mes planifications de destruction à la baisse parce qu’au final le résultat n’est pas aussi médiocre que je le pensais. Mais encore une fois, on a le cas de figure du gars qui compose, produit et masterise le tout sans aide extérieure et se contrefiche un peu du résultat. En elle-même elle ne partait pas trop mal avec un ensemble de sons pour les guitares et la basse intéressants, bien ambient et surtout bien lourd, mais la batterie grésille trop. Beaucoup trop. C’est probablement une batterie programmée, on ne va pas se leurrer, mais quand on a la flemme de faire appel à un batteur expérimenté (j’ai toujours martelé qu’il fallait que les one-man band soient accompagnés d’un batteur!) ou de la faire soi-même, il faut au moins vérifier que la sonorisation est bonne non? Là, c’est carrément infect. En plus, je dis que le son est lourd, en vérité pas tant que cela puisque l’on a du blackened doom metal, avec donc des parties guitares mélodiques très aigus, une basse qui se contente du minimum syndical, alors je ne vois VRAIMENT pas pourquoi la batterie vient à grésiller. Il faudrait qu’un ingénieur son m’explique… En tout cas, la production est encore une fois un vrai souci. Autant je peux sembler radical dans mon propos, autant je vous conjure de croire que je pèse mes mots, car ma première intention était encore plus rédhibitoire. Mais dans le cas d' »Ascension« , le son est à revoir, clairement. J’espère toutefois que cela ne rebutera pas l’auditoire.

Parce que dans son ensemble, la composition ne m’a pas laissé indifférent. J’ai noté une vraie ambiance morbide, démoniaque au possible, avec des attraits certains pour de la dark ambient et des atmosphères d’une grande noirceur. Si vous aimez les sons tortueux et les mélodies malsaines, vous allez adorer Kade Storm! Je trouve en tout cas beaucoup de qualités dans le travail de composition, les morceaux sont dans la mouvance minimaliste comme j’aime, après il faut être habitué. Sérieusement, il faut être habitué, parce que je ne suis pas certain que l’on puisse conseiller un groupe comme Kade Storm à n’importe qui dans le sens où d’abord l’idéologie de l’album est pleine de préjugés (provoqués par l’extérieur, nuance) et ensuite parce que ce genre blackened doom metal est limite à aborder. Mais globalement j’ai vraiment aimé les morceaux, si l’on fait fi de cette production foireuse, on peut sincèrement apprécier cet « Ascension« . A écouter!

Le chant m’a totalement désarçonné mais dans le bon sens! Qui dit « blackened » dit à la côte d’une chance sur deux du high scream, ou du chant sludgien, pourquoi pas. Mais ici le chant se situe sur un growl medium voire aigu du plus bel effet, et je me suis rappelé combien le growl plus grave va avec le black metal d’une manière générale. Non, le chant m’a vraiment fait plaisir! Je trouve juste un peu dommage que la démarche minimaliste soit poussée jusqu’à la rythmique un peu trop carrée pour moi, fort heureusement bien étiolée par des envolées de voix saturées que j’aime beaucoup. Après, comme je disais plus haut, mon seul reproche pour le chant est qu’il arrive beaucoup trop tard. Il faut attendre parfois cinq minutes avant d’avoir une première ligne de chant, je veux bien admettre que ces cinq minutes instrumentales sont bonnes, mais quand-même… Moi, j’aime quand le chant arrive vite, je trouve qu’il rajoute une dimension énorme à la puissance d’un morceau, alors là dans le cas de Kade Storm, c’est presque si on ne tourne pas en rond. Mais sinon, le chant est bon, rien à redire.

Conclusion de cette nouvelle chronique sur la sphère du doom metal. Derrière ce projet d’un seul homme qui donne son pseudonyme à la cause de son one-man band, Kade Storm, se cache un deuxième album vraiment bien. Les compositions sont bonnes voire très bonnes, en même temps sur trois on a peu de chance d’être déçu. Sur la question de la démarche artistique, on peut supposer qu’avec ce blackened doom metal notre musicien suédois a compris comment cela fonctionne, avec un minimalisme envoutant, des compositions qui font la part belle à la noirceur et un chant comme j’aime, soit dissonant avec le reste mais harmonieux au final. Mais encore une fois, je déplore vivement la maladresse de croire que parce que l’on est maître du monde, on peut tout maitriser à la perfection. Or, la production est mauvaise, c’est un fait. Et j’aimerais que Kade Storm, pour le prochain album, se fasse aider. Parce que ce n’est pas possible de gâcher un tel potentiel derrière des erreurs d’orgueil. En tout cas, l’album « Ascension » vaut le détour, je vous invite à faire votre opinion.

Tracklist :

1. Wrath of the Fallen 12:19
2. Cursed Invocation 14:25
3. The Exiled Heretic 16:40

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