Line-up sur cet Album
- Manuela Marchis-Blînda : chant, claviers
- Emilian Matlak : guitare, chant, claviers
- Alexandru Iovan : saxophones alto et ténor, chant
- Gabriel Both : batterie
- Péter Hanos-Puskai : basse
- Guest:
- Alexandru Das : guitare, claviers
Style:
Blackened Doom Metal / JazzDate de sortie:
23 mai 2022Label:
Loud Rage MusicNote du SoilChroniqueur (Quantum) : 8/10
« À la figure de “Prométhée”, qui fut la figure emblématique de la Modernité est en train de se substituer celle de Dionysos. Dieu chtonien, c’est à dire dieu de cette terre-ci, dieu autochtone. Archétype de la sensibilité “écosophique”, Dionysos a de la glèbe aux pieds. Il sait jouir de ce qui se présente et des fruits offerts par ce monde, ici et maintenant. On a pu qualifier cette figure emblématique de divinité arbustive. Un dieu enraciné ! » Michel Maffesoli
Quand on parle de démons, ou d’entités infernales, on a tous des références différentes. Il est bien évident que le septième art regorge d’hommages ou de thématiques horrifiques sur le sujet. J’ai encore en mémoire ma mère m’expliquant combien quand elle était jeune, elle avait été traumatisée par le film « L’exorciste ». Ou comme mon père se complaisait en regardant « Les Contes de la Crypte ». Je vous parle de références qui ne sont certainement pas les miennes, puisque de manière contemporaine on a largement de quoi remplir notre besace à trouilles. Je pourrais évoquer celui qui m’a probablement fait le plus flipper dans ma vie, mais qui n’a d’ailleurs aucun attrait particulier avec les démons, car il s’agit du film « Rec ». Mais dans le genre, j’ai adoré « Catacombes » et « Sinister ». Le genre qui mélange surnaturel et conditions humaines précaires, un truc bien barré quoi. En fait, sans être un féru de démonologie, je suis un peu admiratif de ceux qui se lancent dans l’étude de ce sujet et je suis souvent très attiré par les groupes qui en font non pas un fond de commerce comme l’on pourrait le dire vulgairement, mais une vraie transposition par la musique d’un savoir et d’une dévotion à part entière. Urfaust par exemple est incontestablement l’une de mes références musicales en la matière. Je ne sais pas si vous vous êtes déjà penchés sur l’un de leurs albums mais la musique est incroyable. Mystique et psychédélique, sinon hypnotisante. Le genre d’expression démoniaque que j’adore ! Alors, c’est vrai que quand je vois passer régulièrement un groupe comme Katharos XIII, qui semble se dévouer corps et âme à tout ce qui touche de près ou de loin aux démons, sans une petite note originale bien entendu, je sais que je vais encore passer un moment sympa ! Entendez par-là un moment dérangeant et époustouflant. Je ne connais pas la formation, c’est donc sous de nouveaux auspices – bons, nous le verrons plus tard – que je fais la chronique du dernier né. A savoir « Chthonian Transmissions« . Album qui porte un nom empreint de mystères et de noirceur, tout ce que j’aime de primo contact.
Comme je le disais en amont, je ne connais strictement rien de Katharos XIII. A commencer par ce nom bizarre. En fait, en grec, « katharos » veut dire à peu de choses près « pur » ou « propre », dans le sens de purification (notamment par le feu) ou dans un sens lévitique, ou alors encore « moralement ». C’est donc un attrait pour la religion que nous dévoile le groupe qui vient d’un pays dont je crois qu’il s’agit d’une grande première pour moi, en dehors de mes écoutes personnelles bien entendu : la Roumanie. Venant de la ville de Timișoara à l’ouest du pays, le groupe existe depuis 2007 ce qui commence à faire pas mal d’années ! Ce qui lui a laissé le temps d’en être à quatre albums avec ce dernier « Chthonian Transmissions« , une démo, un single et un split en 2009 avec le groupe Ordinul Negru. Petite information importante : c’est le troisième album sorti chez Loud Rage Music. Preuve de la solidité du groupe sur le plan composal. En tout cas, au vu des informations que j’ai lues, j’ai bien envie de me plonger dans les méandres noirs de cet album. C’est parti !
Une fois n’est pas coutume, je vais commencer par le commencement de tout acheteur de CD qui se respecte, telle est ma doctrine personnelle : la pochette. Sur la forme, je la trouve jolie. J’aime bien cette couleur jaune bien pétante et ce discret blanc qui représente un semblant de cerveau, qui forme un crâne humain ou qui y ressemble en tout cas, avec des pixels ou des filigranes très fins. On sent que rien que pour le crâne il aura fallu des heures de boulot et de sueurs ! C’est tout ce qu’il y a autour que j’ai un peu plus de mal à comprendre en revanche. On dirait soit un socle, soit un casque de cosmonaute, mais en pierre. Et qui finirait par disparaître en poussière… Enfin voilà, c’est flou. Bon, ne vous méprenez pas, même si je ne pige pas trop le graphique, j’aime bien ! Il y a de la modernité, un petit côté science-fiction finalement pas si incongru que cela quand on se remémore « Indiana Jones et le Crâne de Cristal » où il y avait d’une part de la science, et d’autre part du spirituel. Non ! Vraiment, cela ne m’étonne pas et l’ensemble iconographique me plait bien. Maintenant, je ne sais pas si j’aurais parlé de transmissions chtoniennes comme cela. Il y a quelque chose de naïf dans cet artwork. On croirait que Katharos XIII a fait exprès de tomber dans un piège, avec ce qui ressemble selon moi à un manque d’originalité teinté de naïveté. Je pense, en voyant les autres artworks, que le groupe a probablement été dicté plus par son label que par sa volonté propre, d’autant que la musique, nous verrons cela plus tard, ne colle pas particulièrement avec l’image. Métaphoriquement parlant, il y a du sens, puisque l’on pourrait considérer que des transmissions chtoniennes pourraient être dans nos esprits torturés, pourquoi pas ! D’autant qu’il est question dans l’album de nominations en rapport avec la psyché. Mais je trouve juste qu’il y aurait matière à faire plus original, mieux. Et mon constat demeure donc assez moyen finalement.
En fait, c’est tout le paradoxe de Katharos XIII. Être capable de se fourvoyer un peu visuellement parlant, encore que je suis franchement sévère, et pondre une musique aussi folle. Je pense qu’on est au-delà du mélange, on est sur une émulsion mais qui passe terriblement bien, entre le black metal, le doom metal et le jazz. D’aucuns diront même l’appellation un peu hasardeuse de dark jazz, moi je préfère garder la consonance basique de jazz, et encore je suis gentil. Parce qu’il faudrait pour cela que le jazz se limite à l’utilisation de saxophones et de quelques rythmiques batterie douces. Le jazz étant par principe de l’improvisation, je pense qu’on en est très loin sur « Chthonian Transmissions« . Mais bref ! Pour le black metal, voire le blackened doom metal (n’ayons pas peur), c’est du tout cuit. Parce que les accords nasillards et l’absence de lourdeur extrême penchent très clairement pour un black metal froid et distancié, le tout sublimé par une lenteur et un côté atmosphérique très propre au doom metal. Selon certains accords, on croirait même du doom metal old school, et le chant clair féminin joue pas mal dans la confusion. Mais la composition de l’album est bluffante ! Loin de dénaturer l’ensemble saturé, les incorporations jazz sont excellentes puisqu’elles interviennent non pas pour swinguer comme tout un chacun le croirait, mais pour jeter des ambiances extrêmement sombres et dérangeantes, avec beaucoup d’effets ambient justement qui donnent, quand les saxophones arrivent, une sorte de mélodie de l’enfer si j’ose dire. On se croirait dans des couloirs sinueux de l’esprit, quand le conscient et l’inconscient se mélange pour donner un délire insondable et torturé. Un peu comme une danse macabre ! Et plusieurs fois sur « Chthonian Transmissions« , on se prend au jeu de pénétrer dans cette atmosphère éthérée et onirique parfois. Du coup, ce blackened doom metal qui est déjà plutôt bien racé et me rappelle Varanak, se voit paré d’un tissu léger mais horrible de jazz qui rajoute donc une carte dérangeante au possible. Une alliance improbable pour moi, qui aime le metal et le jazz, et qui se retrouve totalement désemparé à savoir si j’adore ou si j’abhorre ! Non, je plaisante sur cette dernière phrase. Je n’adore ni n’abhorre en vérité. J’aime beaucoup cette première écoute, plus par la curiosité que réellement le sentiment. Cet album est très bien construit, les compositions sont riches et restent sur la même ligne et alliage metal et jazz, aux fortes accentuations blackened doom metal, mais cela reste relatif dans le stade de l’adoration pour moi. Je pense que ce n’est pas un album, ce « Chthonian Transmissions » de Katharos XIII, que l’on peut adorer à la première oreille.
La production n’est en tout cas pas pour quelque chose, puisqu’elle reste sur du classique pour le genre black metal. A savoir un son très nasillard comme je dis si bien, ou si mal, très peu d’épaisseur dans le mixage et un ensemble instrumental qui malgré le côté saturé, reste franchement audible et agréable dans le casque. Je pense que la part d’atmosphérique qui est induite par le doom metal joue pour quelque chose, dans la mesure où d’ordinaire le black metal fonce sur du blast beat très violent et donc a fortiori très agressif. Ici, ce n’est qu’en de très rares occasions, la part du lion étant donnée sur un aspect onirique, noir et atmosphérique, ainsi la musique de Katharos XIII fonctionne sonoriquement parlant comme une sorte de conte musical. Et je loue surtout cette capacité inouïe de jongler entre des passages extrêmes et des moments de grâce, très calmes et un brin étranges. On notera également que le chant est bien mis dans le tout, avec une place de choix pour les vocalises féminines en chant clair, apportant cette nouvelle part de mystères dans une musique déjà comblée. Non sincèrement, la production est superbe, rien à redire dessus.
Ce qui m’a sauté aux yeux et a largement contribué au fait que j’aime « Chthonian Transmissions« , c’est le lien indiscutable entre la psyché et le démoniaque. Je trouve que l’idée de représenter les démons intérieurs de cette façon, en évoquant un vocabulaire psychiatrique sur les noms de morceaux, via ce crâne qui représenterait l’esprit humain et d’appeler cet album ainsi, tout cela me sied beaucoup. Il est évident que nous avons tous des démons intérieurs. Maintenant, ce qui nous différencie est notre capacité de résilience ou de maturité pour le recul nécessaire à l’enfouissement de ces démons. Je devais normalement en parler dans un album, je pense que l’idée m’a été volée involontairement et je vais revoir mes plans ! Merci Katharos XIII ! Plus sérieusement, j’ai aimé cet album dans son élaboration conceptuelle avec cette idée maitresse, cette métaphore filée intéressante et prenante, même si comme je le disais je n’ai pas été emballé non plus. La faute probablement à des pistes qui tournent en boucle et consacrent l’innovation du groupe sur l’aspect jazz des morceaux plutôt que de sublimer davantage les parties saturées. Le blackened doom metal n’est pas forcément aisé comme genre puisqu’il faut trouver le juste milieu entre des accélérations en blast beat et des lenteurs rythmiques parfois oppressantes, et avec un son nasillard ce n’est pas toujours évident. C’est ce qui fait que ce « Chthonian Transmissions » est pour moi un bon album, voire très bon album dans l’intention mais restera au stade du plaisir simple, sans emphase. Bon ! On ne va pas non plus tomber en disgrâce. Pour une première expérience avec Katharos XIII, cela reste satisfaisant quand-même !
Pour les chants, car il y en a plusieurs, on est sur un ensemble intéressant là encore. Avec ce chant clair féminin très éthéré, que l’on retrouverait aisément sur du néofolk ou du néo-classique mais qui s’associe très bien avec le reste y compris le jazz, et quelques incorporations de chant masculin plutôt pas mal, même si moins mis en avant. La particularité est selon moi le tempo qui sonne par moment en décalage avec le reste. Autant le chant féminin reste dans une pure interprétation langoureuse et triste, autant les masculins sont un peu plus hasardeux sur la rythmique et ont tendance, selon moi, à nuire aux pistes qui en incombent. C’est dommage parce que je suis convaincu que Katharos XIII aurait pu s’en sortir sans eux. Ce choix de mettre quelques phrases de temps en temps de chant masculin m’interpelle parce que le féminin suffit largement pour faire l’affaire et amène cette dose importante d’onirisme sur un ensemble instrumental torturé et froid, pas désagréable du tout en plus ! Pourquoi donc « casser l’ambiance » avec les autres ? Je ne sais pas. Mais clairement, je ne valide pas ce choix. Il faudrait stopper les chants masculins pour les prochains, sinon cela risque fort de me souler.
Voilà ! Il est temps pour moi de terminer cette nouvelle chronique. Celle d’un groupe qui se nomme Katharos XIII, de son album appelé « Chthonian Transmissions » et qui relève en effet, au-delà des dites transmissions, bien des mystères. La musique qui se situe très justement d’ailleurs entre le blackened doom metal et le jazz, même si cette dernière affirmation demeure contestable au regard de la complexité naturelle du jazz, et je dois dire que même si la musique ne m’a pas enthousiasmé outrageusement, il n’en demeure pas moins que cet album est intéressant à bien des points de vue. Je pense que le principal attrait n’est pas la musique en elle-même, somme toutes assez « normale » si on exclut le peu de parties aux saxophones fortement bien amenées, mais le concept autour. Une sorte de voyage dans ce qui ressemble à des dédales labyrinthiques, qui jalonnent nos esprits malades et ce, même si l’on a tendance à sacraliser la musique pour ne pas la transférer sur un mode moderne de nos existences. Aujourd’hui, même si cet album n’est pas la sortie de l’année, il est tout de même suffisamment solide et intéressant pour que l’on s’y attarde. Prenez garde toutefois de ne pas rechercher d’initiations emphatiques, sous peine de déchanter devant non pas la banalité, mais la normalité évidente de ce « Chthonian Transmissions« . C’est tout de même une belle entrée en matière pour moi !
Tracklist :
1. Neurastenia (14:25)
2. The Golden Season (10:09)
3. Sine Materia (04:55)
4. Ruins (13:20)
5. From the Light of Flesh (10:26)
6. Okeanos (08:40)
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